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In Her Words: Marina Khorosh

7 years ago by

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Erik Melvin

Les gens me posent souvent la question : est-ce que ça a encore un sens d’ouvrir un blog aujourd’hui ? Et moi, je réponds toujours oui, oui, quel qu’il soit. Parce qu’on ne sait jamais ce qui peut arriver quand on se donne une occasion de s’exprimer.

C’est pour ça que j’aime beaucoup l’histoire de Marina Khorosh aujourd’hui. Marina a pas mal d’expérience en dating. Ou pour être plus précise, en dating… qui tourne mal. Son blog, DBag Dating, relate ses mésaventures avec les hommes quand elle avait la vingtaine, à NY et ailleurs.

Mais plus qu’en dating, Marina s’y connaît en partage, et elle sait combien il peut être à la fois risqué et gratifiant de se montrer vulnérable sur Internet. Son blog l’a rapprochée de milliers de personnes dans le monde, et en plus de lui avoir constitué une solide base de fans, il lui a permis de mieux se connaître et de prendre du recul sur les choses.

Je suis sûre que ça vous parlera…

___________

Marina Khorosh | L’écrivain

Quand j’avais 14 ans, avec ma classe de 3ème, on a eu droit à un séminaire d’éducation sexuelle dans le grand auditorium du collège. Pendant trois jours, un petit homme sérieux avec une moustache nous a parlé des dangers des rapports non protégés et des avortements illégaux sur un ton monotone. (C’était la Russie de la fin des années 90, normal) Une après-midi, alors que je feuilletais un magazine de mode pour éviter de sombrer dans l’ennui, je suis tombée sur une photo d’un homme tout petit en train d’admirer un vagin grandeur nature (un chef-d’œuvre qui venait forcément de France.) Subitement inspirée, j’ai déchiré la page, et à l’aide d’un marqueur, affublé le petit homme d’une moustache et dessiné une bulle de bd reprenant les règles de la contraception qui venaient de nous être enseignées. J’ai ensuite fait circuler ma création dans la classe. Quelques minutes après, tout le monde gloussait, la prof confisquait mon œuvre, et mon Elle de contrebande était mis en cause. Quant à moi, on me proposa au choix d’aller m’expliquer chez le proviseur ou de faire venir ma mère pour qu’elle vienne chercher mon chef-d’œuvre.

Je me souviens de ce jour comme si c’était hier. Pas parce que j’étais particulièrement fière de ma mauvaise blague, mais parce que c’était la première fois que je réussissais à faire rire tout un groupe de gens. J’avais toujours était un clown dilettante, griffonnant une caricature de la terreur du collège ou un haïku sur le prof de chimie… Mais c’était à la maison, loin du regard intransigeant de mes camarades, que je donnais libre-court à mes talents de comédienne… je torturais mes parents avec mes petites saynètes inspirées du fait divers du jour au collège. L’adrénaline que me procuraient ces mini-spectacles me laissait penser qu’un jour, je pourrais être actrice, un fantasme un peu naïf qui a très vite pris du plomb dans l’aile quand on a déménagé aux Etats-Unis et qu’au cours de théâtre Stella Adler, j’ai consciencieusement massacré le rôle de Nora dans Torvald, la pièce d’Ibsen.

Tous mes espoirs d’Oscar réduits à néant, je me suis lancée dans un secteur qui me paraissait tout aussi trépidant : la mode. Effectivement, j’adorais le rythme effréné de ce milieu, mais j’ai vite déchanté quand j’ai vu que je dénotais dans cet univers de papier glacé peuplé de créatures éthérées… moi à côté, j’étais un désastre ambulant avec 10 kilos de trop, et un penchant pour les situations ridicules. Penchant qui n’a fait que s’accentuer quand j’ai plongé dans l’univers fascinant du dating à NY, et rencontré toute une galerie de personnalités excentriques à l’instar du pur produit du West Village qui refusait de s’éloigner ne serait-ce que d’une rue de son quartier ou du sous-Bukowski aux ongles vernis de noir qui chantait des odes à mes parties génitales au Mars Bar sur Bowery. Le sentiment de mortification fugace qui m’étreignait sur le moment était largement compensé par les réactions de ma bande de copines quand je leur narrais mes mésaventures. « Tu devrais écrire tout ça » me pressaient-elles, et c’est ce que j’ai fait, pour abandonner le projet quand le Premier Amour a frappé à ma porte.

Trois tumultueuses années plus tard, l’Amour susmentionné m’avait quittée, me laissant éplorée, le cœur brisé, complètement larguée. Je décidais alors d’accélérer le processus de guérison en m’inspirant de ce qui se passe dans toute bonne comédie romantique : à savoir un déménagement à Paris (Oui, bon, il y avait peut-être aussi un Master dans l’histoire, mais ce sont des détails.) Enthousiaste à l’idée de me dégoter un Parisien ténébreux, j’ai recommencé à sortir avec des mecs. La première fois, un DJ du Montana m’a emmenée dans une rave en banlieue avant de me réexpédier toute seule chez moi par le bus sur les coups de 2 h du matin. Deux semaines plus tard, un mec que j’avais rencontré dans un petit bar de quartier m’offrait une salade de carottes râpées préparée par sa mère en guise de snack nocturne et s’offusquait de ma réaction peu enthousiaste. Il devint vite assez clair que mon goût pour les mecs bizarres avait lui aussi traversé l’Atlantique. Neuf mois plus tard, attablée au Café Charlot, j’étais en train de brosser à ma meilleure amie (mariée) le portrait de mon dernier cavalier en date, un hipster boudeur qui adorait porter les blazers Helmut Lang de ma mère, quand elle m’a interrompue. « Mais c’est dingue, cet univers du dating, tu n’es certainement pas la seule à qui ça arrive, tu devrais écrire dessus !! »

Pas convaincue qu’un éditeur soit prêt à publier mes divagations, j’ai décidé de faire un essai avec un blog. J’aimerais vous dire que je suis devenue influente dès le premier post de Dbag Dating, et que les Dieux de l’écriture sont descendus des cieux pour faire de moi celle que je suis vraiment… mais en réalité, l’expérience ressemblait plus à un mauvais rêve dans lequel on se voit déambuler dans les couloirs du lycée, les fesses à l’air, tandis que tous vos petits camarades gloussent. Pendant des jours, j’ai été en proie au doute, … est-ce que j’avais vraiment envie d’aller à l’encontre du principe de la littérature russe, aka la femme mystérieuse, et de laver mon linge sale devant mes 1 500 amis Facebook ? Et si mon père décidait de me lire ? Et si mon boss découvrait mon blog ? Et surtout, réputation mise à part, étais-je prête à assumer les conséquences que ça pourrait avoir sur ma vie amoureuse ?

Mais j’ai survécu. D’ailleurs, ça n’intéressait pas vraiment les gens de savoir ce que je faisais sur Internet, donc j’ai vraiment dû bosser mon écriture pour attirer leur attention. Tout à coup, mes pires mésaventures n’étaient plus une source de chagrin mais une excellente source de contenu. Le divorcé sexy qui m’avait ghostée après m’avoir fait babysitter son gosse ? Inutile de se morfondre, ce sera une histoire géniale ! J’ai vite compris que les gens étaient sensibles à la sincérité, donc j’ai pris sur moi pour me mettre à nu. Très vite, le processus m’a enchantée, j’en ai saisi l’aspect cathartique, qui me permettait d’analyser à la fois les comportements des autres et mes propres modes de fonctionnement. (En revanche, je ne sais pas encore si j’ai économisé une fortune en thérapie ou si ça me vaudra des heures sur le divan d’un psy.) Développer un mécanisme de survie à ces mini-désastres m’a aussi permis de prendre du recul, et de voir que ces quelques menues déceptions étaient ce qui donnait un peu plus de saveur à la vie. Ce qui ne tue pas rend plus fort, comme on dit.

Là, c’est le paragraphe où je suis censée dire que je suis une femme différente, dont la confiance en elle a été boostée. Hélas, la confiance en soi à toute épreuve n’est pas inscrite dans mon ADN. Aujourd’hui, je suis ma pire promotrice : je commence à faire un sourire idiot dès que quelqu’un dit que j’écris sur le dating, le même que celui que j’arborais quand je m’étais fait prendre avec ce mauvais dessin en cours d’éducation sexuelle. Et pourtant, je mentirais si je vous disais que l’écriture n’a pas radicalement changé ma vie. J’ai de nouveaux amis dans plein de pays différents (je considère mes lecteurs comme mes amis, tout comme je considère un match Bumble comme un mari potentiel), des horizons qui s’ouvrent, et une nouvelle confiance en moi depuis que j’ai osé me lancer. Je porte un regard bien plus sain sur les choses, et je prends les aléas de la vie beaucoup moins au sérieux. Mais surtout, j’ai enfin trouvé une façon de prolonger ce qui me plaît depuis l’enfance : communiquer avec les gens, leur apporter un moment de divertissement léger. Et face à la joie que j’en retire, tout le reste, comme mon éternel statut de célibataire, passe au second plan. Je le sais maintenant, les hommes vont et viennent, mais la passion… oui, j’ose utiliser ce mot éculé ici… reste toute la vie. Et il ne tient qu’à nous de l’alimenter.

Quant aux mecs… eh bien, au même titre qu’il y aura toujours ceux qui verront Dbag Dating comme une initiative inventive et sympathique, il y en aura toujours qui refuseront catégoriquement de sortir avec une fille qui tient un « blog débile ». Et c’est très bien comme ça. Que ça leur plaise ou non, je suis comme ça. Je ne suis pas une star du cinéma ni une mystérieuse icône mode, je suis l’idiote au marqueur… enfin, au MacBook Air – prête à livrer son nom en pâture aux hordes d’Internet pour récolter quelques rires.
Note à ma maman : Je suis désolée que tu aies dû venir chercher mon dessin débile à l’école.

19 comments

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  • Ma fine bouche 5 octobre 2016, 9:31 / Répondre

    She’s quite funny and looks a little bit like Cameron Diaz.
    Nice girl inside and outside.

  • Très inspirant.

    Amélie – Charles Ray and Coco
    https://charlesrayandcoco.com

  • Comme elle écrit bien ! Merci pour cette découverte !

  • I am checking out her blog, even if my dating days are long behind me. If she writes as eloquently and frankly as she talks it will be great. And I am in awe, too, because she grew up in Russia, but expresses such subtlety in English.

  • She is smart, funny and gorgeous!
    I am in love with the new direction of the blog Garance. It makes me want to read more than ever.
    Bisous!

  • I always write and want to share my stories but don’t know if anyone will care about what I have to say…. it seems so self-indulgent. This gives me encouragement!

  • I love to read about people who a less known. I mean who do not feature on every cover of the magazine. :) There are so many inspiring people besides superstars. And thanks, Garance, for letting us know about these people!

    https://sofaundermapletree.wordpress.com

  • Hello Garance,

    C’est toujours super inspirant de pouvoir découvrir des nouveaux parcours.

    J’aime le fait que ce soit également encourageant.

    Kisses!!!

  • merci pour la découverte! Je ris encore de la description faite par Marina du mec créatif…

  • Bonjour garance,

    l’article est génial, merci de nous faire découvrir d’autres bloggueurs. J’aime la nouvelle tournure de ton blog.

    Gros bisous de Marseille

  • Renata Dorfman 6 octobre 2016, 9:44 / Répondre

    Love her unique and witty writing. Brilliant!

  • Sandra Goldman 6 octobre 2016, 9:45 / Répondre

    Talented and beautiful writer! Always a pleasure to read.

  • J’adore ! Well written, poignant and funny! Keep them coming.

  • Khristina Khiger 6 octobre 2016, 10:36 / Répondre

    As a writer, Marina really knows how to engage her reader and is very relatable to our generation.

  • She is beautiful, smart and passionate! I love her storytelling and the complete transparency of her blog. It’s so refreshing to read her work and this story which is without the whitewashing that defines so much content out there today. Thank you for choosing to highlight her on the site.

  • Marina has such an incredible understanding of human (male!!) nature; her comical, nuanced style of writing is utterly honest and completely relatable. You can’t help but think, « condolences for the terrible dates and situations but…these stories are too fantastic and entertaining to stop…keep them coming! » – I absolutely loved reading this and applaud the spotlight on a female creative who is just as likable as she is intelligent and talented.

  • She should co-write with Taylor S. :D
    I liked this blog post, I’ll read her blog, I like her personality :)

  • I’m such a fan of Dbag! Place K eep on the good job, Marina :)

  • Anne Bessette 9 octobre 2016, 5:41 / Répondre

    Bonjour !

    Merci pour la découverte et par ailleurs… une idée de la provenance de sa belle veste?

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