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In Her Words: Samaris Pagán on Hurricane Maria

5 years ago by

Samaris est l’une de nos adorables stagiaires à Atelier Doré. Quand nous l’avons rencontrée pour la première fois et que nous avons entendu son histoire, elle qui a non seulement survécu à l’ouragan Maria, mais aussi réussi à venir à New York, et à s’épanouir, nous avons tout de suite su que nous voulions mettre en lumière cette femme si gentille et enthousiaste. A chaque fois qu’elle entre dans le studio, elle nous donne le sourire.

______________

Vingt jours. Je commençais à devenir folle.

Pas parce que je vivais dans la plus complète obscurité, sans moyen de communiquer et sans eau depuis les dernières semaines en raison des vents fantomatiques et d’une pluie sans fin… mais parce que je ne savais pas si mon île magnifique verrait une fin à ce supplice.

Nous étions en train de perdre le peu d’espoir qui nous restait. J’étais dévastée et désespérée. Je me sentais délaissée par mon gouvernement, et plus encore par le gouvernement américain. Je me sentais oubliée, blessée. Tout comme les millions de “boricuas” qui vivaient cette horreur.

Voilà les pensées qui traversaient mon esprit lors du moment le plus impactant de ma vie. En réalité, personne n’aurait pu être prêt à 100% pour affronter la catastrophe naturelle qui nous attendait. L’ouragan Irma était passé et avait causé très peu de dommages. Alors nous étions convaincus que l’ouragan Maria changerait de route.

Ça n’a pas été le cas. Et Puerto Rico, jusqu’à aujourd’hui – quasiment dix-huit mois après ce désastre – est toujours en train de lutter.

Je dois avouer que je suis plutôt du genre à voir la vie du bon côté. Et je dois admettre que tout n’était pas négatif, pour moi tout du moins. J’ai relu tous mes livres préférés du lycée ; la quasi-totalité d’entre eux impliquaient des vampires parce que, eh bien, c’était la mode. J’avais réussi à télécharger Ozark sur mon vieil Ipad avant qu’on disparaisse des radars, je l’ai binge-watchée en quelques heures parce que, évidemment, je n’avais ni école ni travail. Je passais mes après-midis sur mon balcon avec ma mère. On parlait de la vie, de la façon dont on aborderait le jour à venir – on planifiait tout, depuis la nourriture et la lessive jusqu’aux douches. On devait aussi prévoir de façon stratégique qui allait faire la queue pendant 12 heures pour obtenir l’essence pour nos voitures et notre mini-générateur, et qui affronterait la file d’attente de 4 à 6 heures à l’épicerie pour obtenir des bouteilles d’eau et des boîtes de conserve. En tentant de rester positive à nouveau, j’ai partagé les conversations les plus hilarantes et attendrissantes qui soient avec des gens… parce que nous étions tous en train de vivre la même chose. Quand nous faisions la queue, toute forme de catharsis était la bienvenue. Nous avions tous besoin d’évacuer tout ce que nous vivions, d’avoir un moment de répit, pour nous habituer à notre nouveau quotidien.

Ce qui a aussi beaucoup aidé, quand on passait des heures sur le balcon avec ma mère, c’était de contempler des couchers de soleil fabuleux avec un ciel rose bonbon et des nuages cotonneux. On regardait les enfants du quartier courir, jouer et pédaler sur leurs vélos. Ça faisait cinq ans que j’habitais là et je n’avais jamais vu ces enfants avant. J’ai pu contempler les étoiles pour de vrai, étincelantes, scintillantes, comme dans un film. Les nuits étaient fraîches et, dans un sens, étrangement, je me sentais bien, à l’aise… jusqu’au retour du matin et de ma routine, toujours la même.

Ensuite, il y avait le côté le moins joyeux, mes jobs étaient mis en stand-by et je n’ai pas pu aller en cours pendant un mois après la tempête. Quand je suis retournée en cours, il n’y avait ni électricité ni eau courante dans mon université. Les cours avaient lieu sous des bâches, dans une chaleur torride, on devait chasser les moustiques de tous côtés. Je ne pouvais pas assister aux cours après 17h00 parce que c’était dangereux d’être dehors une fois la nuit tombée. Oui, on avait un couvre-feu quotidien dû à la hausse de la criminalité. Alors les cours du soir avaient lieu le samedi, ça ne nous réjouissait pas particulièrement de devoir revenir pour assister à des cours alors que nous n’étions pas dans le bon état d’esprit pour en profiter pleinement.

Vous vous demandez peut-être si j’étais d’humeur à parler de gestion et de marketing global. NON. Mes professeurs parlaient, parlaient, et moi, tout ce que je pensais, c’était : je dois acheter plus d’eau pour demain, il me reste ¼ d’essence dans ma voiture, je dois faire un test en ligne sans électricité ni wifi à la maison, je dois trouver un accès à internet quelque part, il fait hyper chaud aujourd’hui, J’AI BESOIN D’UN VERRE IMMÉDIATEMENT !

Mais voilà mon disclaimer : je faisais partie des chanceux. Chez moi, l’électricité et l’eau courante sont revenues à peu près 40 jours après l’ouragan. Certaines personnes n’ont eu ni l’une ni l’autre pendant un an après la tempête. Oui, j’ai lutté et je me suis battue pour trouver de la nourriture, de l’eau et de l’essence, mais j’ai pu en obtenir. Pas facilement, mais j’y avais accès et j’en avais les moyens, malgré la perte de mes jobs.

J’avais aussi mon trésor caché, mon échappatoire – le seul cinéma encore ouvert de toute l’île. Un cinéma d’art et d’essai. Sans mentir, je voyais 3 à 4 films par semaine, peu importe ce que c’était. J’allais à la première séance parce que c’était la moins chère. M’enfermer dans une salle obscure, avec un sac rempli de popcorn et m’immerger dans l’intrigue qui se jouait devant moi, c’était ma façon à moi d’oublier ce qui m’arrivait.

Peu à peu, les choses ont commencé à s’améliorer, mais je savais que je devais agir rapidement et vite penser à mon futur. J’ai obtenu ma licence de journalisme en juin 2018. Quelques mois avant, j’avais pris la décision de quitter ma petite île pour vraiment m’immerger dans le monde de l’écriture. J’aurais adoré rester à la maison et que ça marche, mais les compagnies et les startups licenciaient les gens, ils ne recrutaient pas. J’avais 3 jobs dans la vente juste pour me faire de l’argent, pour avoir un filet de sécurité pour préparer mon futur.

Le coeur lourd, avec l’aide et le soutien de ma famille et de mes amis, j’ai déménagé à New York en novembre 2018. Le coeur lourd parce que j’avais vécu toute ma vie à Puerto Rico. Je ne connaissais rien d’autre en dehors de ma vie tropicale. Ma famille, mes amis et mes habitudes étaient là – c’était ce qui me rendait si heureuse et m’emplissait d’une joie immense. Je me rappelle très bien avoir pleuré pendant tout le vol vers New York. La femme assise à côté de moi avait l’air très inquiète, mais je ne pouvais pas m’en empêcher. L’idée de déménager, de façon aussi radicale, c’était tellement impressionnant pour moi et j’étais tellement effrayée. D’autant plus que j’entreprenais tout ça quasiment seule.

Mon enfance, mon éducation, mes souvenirs : c’était douloureux de laisser tout ça derrière moi.
Mais j’ai vite réalisé que je ne laissais pas tout ça derrière moi, ces choses seraient toujours là. J’avais juste besoin de les laisser près de mon coeur et de m’en servir d’une façon ou d’une autre. C’était le moment de grandir et de trouver mon propre chemin, et à ce moment-là, pendant ces moment difficiles, j’ai su que je ne pourrais pas y arriver à Puerto Rico. Je ne me sentais pas coupable de quitter l’île alors qu’elle était en train de se reconstruire. Je sais que j’ai contribué autant que j’ai pu, que ce soit en travaillant dans une boutique locale ou même en consommant les produits locaux autant que je pouvais. Comme je l’ai dit, la seule vie que j’avais connue, c’était à Puerto Rico, et j’étais certaine que des tas d’expériences et l’épanouissement m’attendaient ailleurs. C’était l’impulsion dont j’avais besoin pour me lancer pour de bon.

Ça fait quatre mois que je suis arrivée à New York. Cette folie et cette vie à cent à l’heure, et même la terrible expérience de l’ouragan que j’ai traversée, m’ont aidée à réaliser que rien ne me serait servi sur un plateau d’argent. Je dois travailler, travailler dur, plus dur que jamais. Je réalise maintenant que j’étais à l’aise dans ma vie à Puerto Rico. J’avais mes habitudes et l’ambiance était toujours détendue, sans stress. Ce n’était pas une mauvaise chose, mais je savais que je devais sortir de ma zone de confort et New York était l’endroit parfait pour le faire.

Je dois avouer que je suis encore vraiment effrayée. Dans ma tête, c’est un perpétuel mélange d’émotions, mais je suis à peu près certaine que ça fait partie du voyage.

Depuis que j’ai déménagé ici, j’ai été soumise aux questions classiques : “Attends… tu viens de Puerto Rico ? Tu y étais pendant l’ouragan ? Tu vas bien ? Comment ça va ?” Honnêtement, je ne redoute pas ces questions. C’est important pour les gens, notamment ceux qui vivent aux États-Unis, de savoir que nous avons beaucoup souffert.

Les infos ont relayé une chose : le gouvernement et la FEMA ont fourni l’aide nécessaire, mais rien n’est plus éloigné de la vérité.

Donald Trump a dit des choses absolument répugnantes… que notre tragédie allait forcer le gouvernement à un dépassement budgétaire, que c’était un mensonge de dire que des milliers de personnes étaient mortes, que Katrina était bien pire, que nous devions donc nous taire et arrêter de nous plaindre. N’oublions pas le cliché tristement célèbre où il jette un rouleau de papier toilette à une foule de Portoricains victimes de cette catastrophe. Ils n’avaient pas besoin de ça. Personne ne mérite ça, d’être tourné en dérision lorsque des vies humaines sont en danger chaque jour. Je ne me suis jamais sentie aussi mal. Jamais, de toute ma vie, je n’avais voulu hurler de frustration avant ce jour-là. Ils ont transformé cette catastrophe en désastre politique, et franchement, nous avons découvert là le vrai visage de beaucoup de gens. L’humanité était complètement perdue et oubliée.

Beaucoup de choses terribles ont eu lieu et je ne veux pas qu’on les oublie. Notre gouvernement et le gouvernement américain ne sont pas venus en aide à des millions de personnes dans le besoin. Mais je suis fière de dire que nous en sommes sortis plus grands, et nous savons que nous pouvons faire tout ce que nous voulons si nous restons unis. Ça peut paraître mièvre mais je l’ai vu de mes yeux pendant cette période. De nouveaux business ont émergé, le tourisme a continué de fonctionner, et nous avons continué de tout faire avec le plus grand des sourires. Ça nous a pris du temps pour trouver cette inspiration, cette motivation, mais nous les avons trouvées dans l’autre, nos voisins, nos collègues, nos amis, nos familles. Et, plus important, cette inspiration est venue de notre croyance en nous-mêmes et en nos capacités à atteindre ce que nous savions mériter et à marquer notre territoire.

Si vous avez l’occasion de visiter Puerto Rico, vous ne le regretterez pas. Allez découvrir des plages à couper le souffle, des plats dont vous parlerez pendant des mois, un café doux comme de la soie, et encore, je ne vous parle pas de la vie nocturne. Vous vivrez des moments fabuleux, avec ses côtes sauvages et ses ceviches. Oui, l’île a encore besoin de se reconstruire, il reste encore beaucoup de travail, mais en voyant tous les progrès déjà réalisés, je sais que rien n’empêchera “mi islita” d’avancer.

21 comments

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  • Your words have hit home for me. I’m living in St Thomas for 13 years, a main-lander originally from Philadelphia. As you know we were hit by Irma just weeks before Maria. The lines for food, gas, water, ice.. having no electricity (70 days for me), no running water and no communication was an life changing. You QUICKLY realize what is important, and what isn’t. How your life circumstances can change on a dime, and most importantly the value of your community! We pulled together, we stood together and yes in a way our islands have come out stronger for it!

  • Miguel Nieves 18 mars 2019, 12:03 / Répondre

    Words that come from the heart and the experience of a natural disaster. Thank you for sharing your story to the world, but most of all for showing how vulnerable and yet resilient human beings can be. We wish you nothing but the best. Rise and shine because la islita will always be there for you.

  • So well written, very balanced and honest; and well done publishing this work.

  • Luimaris 18 mars 2019, 1:32 / Répondre

    It’s amazing! So proud of you Sama. So well written. ??

  • I just got back from a magical 8 day trip to Puerto Rico, and I encourage everyone who is a little curious to go experience this amazing place. There is a lot to see and do outside of San Juan, try to find things a little off the beaten path and you will be rewarded with amazing experiences. I miss it so much. Thank you for giving the people of Puerto Rico a voice Samara. :) <3

  • Stephanie 18 mars 2019, 3:17 / Répondre

    Sama, I’m so proud of you! Very well written. Los boricuas son luchadores. Love you <3

  • Gabriela Yareliz 18 mars 2019, 5:30 / Répondre

    YESSS, BORICUA EN LA LUNA! XOXO

  • Katerina 18 mars 2019, 6:38 / Répondre

    Wonderfully written! Brought back the memories of hurricane Hortensia more than 20 years ago, when I lived on that wonderful island with my husband. Worth visiting for sure! So sorry that it was severely hit again…

  • Eduardo Palén 18 mars 2019, 6:51 / Répondre

    Sama, gracias por llevar a nuestra isla contigo. No hay espíritu mas grande que el de un puertorriqueño!!!

  • This was heartbreaking and strengthening all at once.

  • So happy to see a Latina represented on Atelier Dore! Thank you for giving us your perspective outside of the news media on what is happening in Puerto Rico. Good luck in NYC! You will figure it all out soon.

  • Jorge Alexandre Teixeira 19 mars 2019, 6:47 / Répondre

    Another «Guerrera » In the Atelier Crew !!!
    And…One of the many things that i LOVE in this community is the multiculturalism, the diversity , the different backgrounds of each member of the Dream Team …Love It, Love You !!!
    And Sam …Buena Suerte!!! For you , your Family and Your Friends back Home !!!

    Beijinhos de Lisboa
    Jorge

  • Jorge Alexandre Teixeira 19 mars 2019, 7:07 / Répondre

    Humm…what about Sam’s Playlist?

  • Some news channels may have been reporting that FEMA and the government were taking care of PR’s needs, but many were reporting the situation accurately. I guess it depends on which stations you watch. And I think the biggest culprit is not a news station, in spite of their motto. Personally, I never saw one station or read one newspaper that didn’t pillory the Trump administration for their feeble and pathetic response to the crisis. To this day it brings up feelings of anger and indignation. Thanks for the great article and all best wishes in your future writing career.

  • Only those that lived it will really know what is like to see the devastation and desolation after the hurricane hit. Your word brought back the howling winds, debri flying around and water pouring thru the windows. Regardeless of governments and news outlet reports, I saw first hand how resilient Boricuas are and how we will rise up from this. Great job young lady and wish you the best on your new journey!

  • Naydeline 19 mars 2019, 11:38 / Répondre

    Samaris, what beautiful and powerful words! Thank you for sharing your story. So amazing to see Latinx representation on Atelier Doré as well. I look forward to meeting you one day, and possibly working together! xx

  • Ahh this was SO good – heartfelt, honest, and moving. Brought me to tears. Thank you so much for sharing your story. This deserves to be shared. The strength of you and Puerto Rico should be known. xoxo

  • Sylvia Sanchez 19 mars 2019, 4:03 / Répondre

    Samaris,

    You make me cry with your story, because I love Puerto Rico. Your story is very well written. Congratulations for being brave and go to NY. after all the sadness that you left behind. You needed courage for that !!1 I send you my blessings for you, your family and the people from Puerto Rico !!! Vamos chica con fuerza!!!

  • Beautifully written!
    We went to Puerto Rico in April last year and it was very rough to see the island in such a bad state. But I must say the people couldn’t have been nicer! We felt good about eating in restaurants outside of San Juan that didn’t have bathrooms (because the hurricane ripped part of the building away) and supporting locals in that way. Staying in airbnb in Vieques so that the money goes to locals as well…. The hospitality of local people is outstanding, the food is absolutely delicious. It is a beautiful island and it is a huge shame what the U.S. government has been doing to it for years, not only after the hurricane hit.

  • Anna_Maritza 24 mars 2019, 12:30 / Répondre

    Wow! Sama, this article brought me back so many memories from that day and those months without electricity, water, gas, communications, etc. It was really touching. Thank you for sharing your story to us and to the world from your own experience. You have such a beautiful way of capturing so many feelings and emotions in a story. I know that moving alone to a place where you don’t know anybody and without your family its hard but you’ll see that soon God it’s going to be putting in front of you the right people that later will turn into good friends and then into family. You’ll have great success in everything thay you do. Remember you’re the daughter of a King. He will open doors for you and put you in high places. Blessings! ?

  • Nidia Rodriguez 29 mars 2019, 8:58 / Répondre

    This article is amazing, reading thru your story I was able to feel everything you went thru. The sky is your limited ! May the Lord continue blessing you.

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