Atelier Doré

J’ai d’abord entendu parler d’Esther Perel via ses conférences Ted géniales et instructives. Je ne me souviens plus exactement comment je suis tombée dessus (enfin ce n’est pas difficile, puisque ses conférences totalisent plus de 15 millions de vues…), mais c’était sans doute un jour où je me posais des milliards de questions sur la façon d’aimer et d’être aimée. En tout cas, j’ai tout de suite été captivée par son approche. Son message m’a tout de suite parlé, certainement en raison de nos origines européennes communes. Elle a complètement démonté les idées que j’avais sur la séduction et le désir.

Ça m’a donné envie de lire son livre et bien sûr de vous parler d’elle et de son travail.

Dans ce podcast, Esther Perel nous explique comment elle a forgé son parcours, ses propres opinions, en voyageant et en s’exposant à d’autres cultures. Elle nous parle aussi de son métier de thérapeute et répond à toutes les questions que j’avais sur la façon d’aimer et d’être aimée…

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Sur l’amour dans les années 70…
Moi, je suis de la génération des années 70. Je suis de la première génération à avoir connu la pilule, la génération pré-Sida ! On a donc eu 10 années de liberté qu’aucune autre génération n’avait connue avant. J’ai compris la signification de la contraception assez jeune, pour la première fois j’ai pu profiter de cette nouvelle liberté. On avait des copains, ou comme je le disais, des relations sexuelles avec un peu d’enrobage autour ! Enfin, une histoire ! Et on était fascinés par cette histoire, pas l’acte en lui-même. L’histoire, la séduction, le flirt, les poèmes qu’on s’écrivait, les sérénades, les heures passées au téléphone. On était très investis dans cette histoire intime.

Sur la sexualité des temps modernes…
On nous a toujours dit « Quand on aime, on désire. » Mais non. Ce n’est pas aussi simple. Pourquoi l’intimité n’est-elle pas garante d’une sexualité épanouie ? J’adore être aimée mais je veux aussi être désirée. Peut-on vouloir ce qu’on a déjà ? Pourquoi l’interdit a-t-il un tel pouvoir érotique ? Pourquoi une génération qui a accès à la contraception, à une époque où le sexe hors mariage est la norme, une génération qui peut faire à peu près tout ce qu’elle veut, a-t-elle aussi peu envie de sexe ? Enfin, chez soi, avec la personne qui partage leur vie ! D’où vient cette crise du désir ?

Sur les questions des femmes les plus fréquentes…
Concernant le travail, je dirais que le plus gros souci des femmes, c’est de réussir à demander ce à quoi elles ont droit. Point-barre. Un certain salaire, mais aussi un statut, une reconnaissance, des responsabilités. Si les femmes sont payées 30 % de moins que les hommes à poste équivalent, c’est souvent parce qu’elles ont peur de demander : elles ne veulent pas avoir l’air agressives, ou cupides, elles veulent qu’on les aime bien. Et la société est encore tellement sclérosée. Question numéro 2, l’amour. « Suis-je aimable ? Désirable ? Est-ce que tu me tromperais ? Suis-je assez belle ? Est-ce que tu en aimes une autre plus que moi ? »

Sur la façon dont le sentiment d’insécurité évolue avec le temps…
Moi, ça me parle. On a ce sentiment quand on est jeune, quand on est moins jeune. En gros je dirais : « Si seulement j’avais l’assurance que j’ai aujourd’hui et le physique de mes 20 ans ! » Quand j’étais jeune et belle, j’étais déprimée, et maintenant que je suis un peu moins fraîche, je me sens super bien à l’intérieur ! J’ai de l’expérience, de la maturité, et je me préoccupe moins de savoir si les gens m’aiment.

Comment faire fonctionner son couple…
Ne pas s’attendre à ce que l’autre devienne tout pour vous. Un conjoint peut faire beaucoup de choses, mais l’idée qu’une personne puisse satisfaire tous vos besoins […], que c’est avec cette personne que vous vous occuperez de votre mère mourante, de vos enfants, que vous ferez l’amour, que vous partagerez vos stress professionnels, vos désarrois personnels, vos envies intellectuelles, votre créativié… il faut se sortir ça de la tête ! Je crois que le plus dur, c’est l’excès de choses que l’on projette sur l’autre ! Il faut accepter que son conjoint va pouvoir répondre à certains de nos besoins : sexuels, érotiques, intimes…. Ou non.

Sur la pression imposée aux femmes dans leur vie sentimentale…
Je trouve que c’est vraiment une nouvelle forme d’oppression pour les femmes, parce que c’est un fardeau, un double-message. On leur dit « Vas-y, vis ta vie, accomplis-toi, fais ce que tu veux, épanouis-toi, travaille, sois indépendante mais trouve-toi un mec, trouve-toi un mec, trouve-toi un mec ! » Et s’il n’y a pas de mec, on considère qu’il y a un trou dans votre vie, un manque ! Je trouve que c’est, d’un point de vue culturel et politique, quelque chose de très violent pour les femmes, et de pernicieux.

Sur le fait d’être célibataire et heureuse…
Je crois qu’on nous a vendu un idéal, selon lequel la vie est incomplète tant qu’on n’a pas trouvé sa moitié. Mais à NY, par exemple, les célibataires sont très heureux, ils ont une vie assez riche, on ne reste pas chez soi tout seul, on peut vraiment avoir un cercle d’amis. D’ailleurs, je crois que les couples sont beaucoup plus isolés à New York, surtout lorsqu’ils ont des enfants en bas âge… finalement le pire moment pour se retrouver isolé. C’est beaucoup plus facile à NY pour les célibataires qui peuvent compter sur tout un groupe d’amis. Sauf que ces mêmes célibataires bien entourés continuent à vivre dans l’attente de trouver ce Graal, cette personne qui viendra compléter leur vie, ce qui crée une espèce de quête faussée. C’est génial de pouvoir vivre une relation sentimentale épanouie, mais ce n’est pas le seul salut.