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In Her Words: Georgia Graham

7 years ago by

Rencontrer Georgia, c’est un peu comme retrouver une vieille amie… après une accolade chaleureuse, on en vient vite à partager anecdotes et fou-rires. On a fait sa connaissance lors d’une séance de dédicaces de Garance à Londres, et elle est rapidement devenue une bonne amie de l’équipe du Studio. On vous laisse la découvrir par vous-mêmes, avec un « In Her Words ». Imaginez le texte lu avec son délicieux accent british.

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Georgia Graham, Model & Writer

Quand Garance m’a proposé d’écrire un petit texte pour le site, je me suis dit que je choisirais un thème qui me trotte pas mal dans la tête en ce moment, surtout en vivant à NY. Je crois que je pourrais intituler ces quelques lignes « Rester humain dans la folie de la ville ».

L’idée m’est venue d’une conversation assez ordinaire que j’ai eue il y a quelque temps. J’étais en mode 100 % bitch : je me plaignais à un copain de deux grands problèmes dans ma vie : ma mère et une paire de lunettes Miu Miu que je venais de perdre. J’avais eu ma mère au téléphone pour lui parler de mes lunettes perdues. Elle s’était mise en mode maman-empathique, et j’en avais stratégiquement profité pour lui demander si elle m’aiderait à les remplacer en guise de cadeau de Noël. Son empathie avait alors complètement disparu, ce qui expliquait pourquoi j’étais en train de bassiner mon pauvre ami avec ma tentative de manipulation maternelle ratée (oui, un vrai problème de riche, je sais). Sa réponse, au lieu de prendre mon parti, m’a cueillie à froid : « Dis donc, c’est vraiment hyper manipulateur de ta part. »

Et il avait raison. Si j’avais fait appel à ma mère, c’est parce que je savais que son empathie maternelle la convaincrait peut-être de dépenser un peu plus pour mon cadeau de Noël. Et là, je me suis sentie affreusement coupable, manipulatrice… pourrie gâtée et superficielle.

Cet incident m’a fait penser à un sujet plus vaste. La vie à NY, c’est un peu le stress permanent : il faut réussir à tout prix. Il faut savoir identifier les opportunités, se creuser la tête pour trouver le meilleur moyen de parvenir à ses fins, pour réussir. Il faut être futé, savoir réseauter, se vendre… c’est un tout. Pas seulement dans la mode, mais un peu dans tous les aspects de cette vie citadine.

Pour que les non-New-Yorkais puissent avoir une idée plus précise, je vois souvent NY comme un immense tas de gens qui s’escaladent les uns les autres, pour pouvoir atteindre le sommet du tas. Tout le monde connaît la règle : il faut être prêt à écraser les autres, c’est le principe à NY. Même si tout le monde veut arriver en haut, qu’est-ce qui se passe si on piétine les doigts, ou le visage de quelqu’un ? Quand la fin cesse-t-elle de justifier les moyens, à partir de quel moment l’ambition devient-elle manipulation ?

Il y a des années, j’ai lu un formidable essai de Joan Didion sur l’estime de soi. Pour ceux qui ne connaissent d’elle que les images de vieille dame en lunettes de soleil des campagnes Céline, c’est une femme tout à fait remarquable. Sa plume est sans concession, acerbe, et elle ne tourne jamais autour du pot. Joan dit les choses comme elles sont, en toute sincérité, (ce qui rend la pilule parfois un peu amère). Pour elle, rien ne sert d’impressionner à tout prix ou d’avoir du succès, si à la fin de la journée, on ne peut pas se regarder dans le miroir sans rougir.

C’est ce qui m’a inquiétée concernant les lunettes de soleil : cela m’avait montré un aspect de moi-même qui ne me plaisait pas. Oui, j’étais rusée, mais pas aimable. Sans vouloir jouer les donneuses de leçon, l’ambition et l’intelligence sont deux qualités, qui utilisées à bon escient peuvent avoir des résultats positifs. Mais à une époque où on considère l’argent, l’apparence et le succès commercial comme les clés du bonheur, comment ne pas renoncer à la gentillesse et à l’intégrité ? Etre quelqu’un de bien, est-ce que c’est encore important ? Dans une ville comme New York, c’est tellement facile de se perdre dans le tumulte de la ville pour arriver à ses fins, qu’on finit par se perdre de vue, et oublier toute notion d’estime de soi.

Je vis dans la crainte permanente d’être complètement noyée dans tout ça : si toute cette agitation, Instagram, cette quête du rêve me transformaient en Narcisse égoïste, une New-Yorkaise mécanique réglée sur le mode « S’enrichir et arriver à ses fins » incapable de se remettre en mode « humain » ? Avoir les pieds sur terre et être authentique sont pour moi deux éléments vitaux, deux qualités que je recherche chez les autres : après tout, c’est pour ça qu’on aime tant le travail de Garance, non ? Ce qui me fait peur, je crois, c’est le syndrome Dorian Gray. Et si une fois qu’on avait atteint son objectif et qu’on s’était offert cette immense maison à Brooklyn, on se découvrait hideux dans le miroir ?

Trouver le juste équilibre : jouer le jeu sans vendre son âme au diable, ce n’est pas toujours évident. Et c’est là que les vrais amis sont essentiels. Ceux qui savent que sous le papier glacé se cache un véritable être humain. La fille qui a passé le nouvel an à Berlin avec un kebab, celle qui rentre ses t-shirts dans sa culotte pour ne pas avoir froid. Ces amis, c’est comme la famille : parfois, on ne se supporte pas (mon rôle : celle qui stresse, qui se prend la tête, qui est tout le temps en retard, qui se trompe de destinataire quand elle envoie des sms, et qui veut toujours goûter le plat des autres) mais on s’adore.

Ce sont ces amis-là qui me donnent envie de poursuivre mes ambitions, mais ceux-là aussi qui n’hésitent pas à me rappeler la modestie de Didion ou à me dire quand je dépasse les bornes. Ils me montrent aussi le genre d’amour et de compassion que j’ai envie de transmettre à ceux qui m’entourent. Et si les événements de 2016 nous ont bien montré une chose, c’est que notre monde pourrait s’accommoder d’un peu plus d’humanité.

Si j’écris tout ça, ce n’est pas parce que je suis un ange puritain qui fait la morale aux masses pour racheter son égoïsme. Ce que Joan Didion nous dit dans cet essai, c’est que peu importe comment les autres vous perçoivent, le plus important c’est comment VOUS vous percevez. Le plus important pour moi, c’est de prendre une décision et de m’en tenir à mon instinct, sans avoir de sentiment de fausseté et de malaise. Il faut que je m’en remette aux gens qui sont sincères et authentiques, et que j’évite ceux qui paraissent faux, fourbes et mielleux. Je dois donner la priorité à l’humain, au sentiment de communauté, plutôt qu’à l’argent et au succès, ça m’apportera des résultats bien plus gratifiants.

C’est là que réside l’authenticité la plus pure, celle qu’on a tendance à perdre de vue dans un bastion du consumérisme et de la réussite comme NY. Les personnes vraiment intègres sont celles qui arrivent à conserver leur part d’humanité en dépit de la nature éminemment codifiée de notre société et de ses interactions sociales. Ils tentent de réussir en restant eux-mêmes, sans rentrer dans les moules que la société nous imposent. Ils ne sont pas parfaits, mais restent humains, gardent le contact avec les autres êtres humains plutôt qu’avec leur compte en banque ou leur ego. Ce sont ces gens auxquels je veux ressembler, dont je veux partager l’amitié.

Bon, voilà, c’est tout. C’était ma déclaration d’amour à mes amis, ma relation compliquée avec NY, mes jérémiades superficielles. Mes tentatives pour paraître mûre et sage alors que je n’ai que 24 ans et que je ne connais encore pas grand-chose à la vie. Maintenant, vous savez tous que je rentre mes t-shirts dans mes culottes, et que j’ai partagé mon nouvel an avec un kebab.

(Ah, au fait, pour Noël, j’ai eu un guide de voyage Eyewitness.)

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More posts about city life: New York vs. Paris ; Paris, Je T’aime ; London Town

15 comments

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  • Cute piece. I’d add that it’s not only « money, looks and commercial success are the keys to happiness » but they are the mandatory evidence of it in your hustle crowd. Try to age, try not to stay positive all the time, try to gain weight, try not to have « amazing experiences », but bitter, hurtful ones. This is a part of life few want to show unless they have a pedagogical happy ending to prove it was all a « valuable lesson ». Sometimes it’s not, sometimes it’s just life.

    Lots of love

  • Love this xo

  • Yes to this insight! You should write an article! ?

  • Thank you, R and AN :)

  • « What if once you’ve reached the top and bought yourself that gigantic multi-storey brownstone, you go up to the penthouse jacuzzi room loft and take a look at your portrait – and it’s hideous? »

    I will never have this problem hahah. Too much money/ multi-story brownstones with penthouse jacuzzis are not an issue I foresee literally ever ;)

    But on a serious note, I don’t think it’s « career or kindness » — I think kindness is essential to a long, successful career. Some bitchy people might go far fast, but they don’t seem to have a lot of staying power (unless they are geniuses whose contributions compensate for their difficulty, but statistically that’s not us…)

  • Great post! Thanks for the inspiring words.

  • BRAVO ! Ce texte est parfait. Alors petite Demoiselle, garde le précieusement au fond d’un tiroir et relis le de temps en temps si d’aventure il t’arrivait de te perdre dans cette mégapole individualiste, car ton ambition est noble :-)

  • She is adorable. I would adopt her. There are worse guardian angels than Joan Didion.

  • Really loved this.

  • Ce post est tellement juste, tellement touchant!
    Une très belle voix qui devrait écrire sur le blog plus souvent! Vraiment! Merci

  • I am so happy that the question of whether kindness is important is being asked. I think it is important. I hope we all see and experience more of it. I’ll create as much as I can.

  • Very witty and a great read! Joan Didion is amazing, thanks for referencing her essay!

    Lena – http://zoyaandme.com.

  • quelle maturité pour une si jeune fille ! voilà le genre de personnes qui me redonne foi en l’être humain.

  • What a delightful blog! I must read Joan Didion’s essay!

  • This was so well-written and something I’ve often wondered myself. After 8 sublime years living in San Francisco, I am actually consciously making the effort to move back to a quieter pace of life where I can remember the other important lessons of life also valuable outside of my ambitions and my career — traits to nurture and develop such as kindness and self-respect! Absolutely loved the anecdotes shared in this piece, and fantastic voice!

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