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Career / Lauren Goodman

7 years ago by

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Erik Melvin

Plus jeune, je rêvais de travailler pour un magazine. A l’école, je disais à tout le monde que mon idole était Anna Wintour (pardon, maman !) et il y a encore des piles énormes de magazines dans le grenier de mes parents. Et c’était le travail de gens comme Lauren Goodman, actuellement Responsable Style au magazine WIRED, qui me faisait rêver.

Vous vous demandez peut-être : « WIRED ? ». Oui, Lauren a été styliste, journaliste et rédactrice mode pendant des années. Elle a travaillé avec les plus grands noms de l’industrie (vous verrez de qui je parle un peu plus bas) et a un peu tout fait. Maintenant, elle fait fusionner les deux industries dont tout le monde parle : mode et technologie, avec un nouveau poste chez WIRED. Je l’ai bombardée de questions lors de son passage à New York pour la Fashion Week (ah oui, elle vit à San Francisco)….

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Où as-tu grandi ?
J’ai grandi à New Canaan, dans le Connecticut, aka The Ice Storm. C’est là que se déroule l’intrigue du livre The Ice Storm, ensuite adapté au cinéma par Ang Lee.

Que faisaient tes parents ?
Ma maman était mère au foyer, puis elle a commencé à avoir un service de traiteur. Un peu à la Martha Stewart. Je crois d’ailleurs que Martha lui a proposé de s’associer avec elle avant qu’elle ne devienne célèbre.

Mon père a été un des tout premiers ingénieurs en informatique. C’est lui qui a apporté le premier ordinateur en Afrique du Sud en 1969. Il avait une boîte de conseil en informatique quand j’étais petite. Ensuite, quand j’étais au lycée, il est devenu l’associé de ma mère dans sa boîte parce que ça se développait bien et qu’il était doué pour les chiffres, comme ça elle pouvait se consacrer à l’aspect créatif et humain.

Que rêvais-tu de faire plus tard ?
J’ai toujours adoré les magazines. Je pouvais passer des heures à les feuilleter. Difficile de dire ce qui me plaisait le plus : les pubs ou les séries mode. Je me plongeais dans cet univers que les créateurs forgeaient (sans rien savoir de cet univers). Je tombais dans le piège : ils créaient un endroit qui me faisait fantasmer, et j’avais envie de me plonger dedans, à tout prix.

Quels magazines ?
Certainement Vogue. Harper’s Bazaar, mais aussi Glamour. Quand j’étais au lycée, j’adorais The Face, i-D, V.

Plus tard, quand j’étais rédactrice mode, j’avais une véritable admiration pour le Vogue de Carine Roitfeld, mais aussi le Teen Vogue à ses tout débuts, à l’époque où Lina Kutsovskaya – une de mes héroïnes mode – était au magazine. J’aimais aussi beaucoup Self Service.

Quelles études as-tu faites ?
Je suis allée à NYU, donc j’ai déménagé à NY quand j’avais 17 ans. J’ai étudié le français, la linguistique et la psychologie.

Donc je me suis dit que si je continuais à bosser dans la mode, il fallait que ce soit dans son expression la plus complète. A savoir les magazines, selon moi.

Tu avais toujours eu envie de déménager à NY ?
Je crois, oui. J’étais très francophile, c’était assez instinctif pour moi. J’en rigole toujours, mais je crois que c’est vrai : quand j’ai entendu le mot « croissant » pour la première fois, j’en ai eu envie. J’étais complètement à fond, et nos jeunes filles au pair m’ont enseignée le français alors que j’étais en CE2. Une amie de ma mère, un peu ma grand-mère d’adoption, était francophone et m’a beaucoup appris sur cette culture. A 16 ans, ma meilleure amie est arrivée de Palo Alto, elle était française. Je suis allée en France avec sa famille, ils m’ont aussi un peu adoptée. Et j’ai toujours adoré passer du temps à Paris.

Mais oui, bien sûr, j’adorais NY. Et dès que je rencontrais des enfants qui venaient de NY, je trouvais qu’ils étaient ultra-cools et je voulais être comme eux.

Tu as passé du temps à Paris ?
Au bout d’un an et demi à NY, j’étais déjà blasée. Du coup j’ai déménagé à Paris pour faire des études à l’étranger, et au départ, j’ai trouvé que Paris n’était pas aussi cool que NY. J’ai fait mes études dans les années 90. Le street-style était dément à New York à l’époque, notamment Downtown. C’est là qu’il y avait la faune qui allait en boîte : on allait au Club USA – encore ouvert à l’époque -, puis au Webster Hall et au Tunnel. Les gens étaient dingues.

A l’époque, pour voir ce style relayé par les médias, il fallait attendre une année, et c’était en général dans la pub. En arrivant à Paris, j’ai été étonnée par son côté plus sage et policé, mais j’ai fini par me faire de super copains et avoir un coup de cœur pour la ville.

Tu as fait des stages pendant tes études ?
J’ai travaillé chez un caviste d’Union Square, le Union Square Wine and Spirits, c’était très sympa. Tous les vendeurs plus âgés et les sommeliers nous ont pris sous leur aile et emmenés à de somptueux dîners, ils nous ont beaucoup appris sur les vins et leur complexité. L’un d’eux, Stefano, italien, était le fils d’Umberto Eco. Il m’a dégoté un stage chez Trussardi. Donc j’ai bossé chez Trussardi puis ceux avec qui je travaillais chez Trussardi sont passés chez Etro, donc j’ai aussi fait un stage là-bas au moment où les deux marques se lançaient aux Etats-Unis.

Heidi portait une cape Miu Miu et des culottes de cuir autrichiennes, Pam était à la photo et moi je courais partout avec mon rouleau adhésif anti-poussière.

Après ton diplôme, quel a été ton premier boulot ?
J’ai accepté un très mauvais job dans la mode pendant six mois, par une agence d’intérim. Dès le départ, j’ai su que ça ne me convenait pas, mais je suis restée six mois parce que tout le monde me disait qu’il fallait que je tienne au moins six mois. C’est idiot, parce que je n’ai jamais voulu le mettre sur mon CV.

La mère d’une amie à moi qui était responsable photo pour le magazine du Washington Post m’avait proposé deux mois auparavant de me mettre en contact avec une styliste. On a fini par se rencontrer, elle s’appelait Kendall Farr, et je suis devenue son assistante. J’ai fait quelques projets pour Revlon avec elle, entre autres choses.

Mais j’avais un petit côté nerd, j’adorais les études, les livres, j’ai étudié le courant post-moderniste. J’adorais Baudelaire, Baudrillard et Foucault. Ma thèse portait là-dessus. Donc je me suis dit que si je continuais à bosser dans la mode, il fallait que ce soit dans son expression la plus complète. A savoir les magazines, selon moi.

Kendall m’a présenté Amanda Ross, qui rentrait tout juste de NY et travaillait chez Marie Claire, donc j’ai commencé à faire un stage officieux les jours où je n’avais rien avec Kendall. Ce n’était vraiment pas du boulot gratifiant. On récupérait tous les échantillons, on repérait les showrooms… mais je me suis retrouvée super fauchée à travailler pour rien, donc j’ai dû arrêter. Je suis restée en contact avec Mary Alice Stephenson, la rédactrice mode sénior de l’époque. Et avec Carlyne Cerf qui était directrice de la mode.

Un jour, Mary Alice, dont l’assistante était malade, a eu besoin d’emmener une stagiaire sur le shooting d’une couverture avec Drew Barrymore, pour une série mode qui se déroulait à LA. Elle m’a regardée – je crois qu’on ne s’était jamais adressé la parole avant – puis elle m’a demandé si ça m’intéresserait et bien sûr, j’ai dit oui. J’y suis allée et c’était génial. C’était à l’époque où on parlait beaucoup de ces naissances multiples, donc on a fait un sujet mode dessus. Elle admirait beaucoup Grace Coddington, et elle faisait des séries qui racontaient des histoires, avec plein de monde. Il y avait genre six bébés sur le plateau, j’étais la seule assistante, il a fallu que je fasse venir des poussettes et du matériel de puériculture.

Travailler pour Mary Alice, c’était très différent du travail que j’avais pu faire pour d’autres personnes. C’était du travail d’orfèvre, je sentais que c’était mon truc. Quand on est rentrées, elle m’a demandé – au cas où son assistante ne reviendrait pas – si ça me plairait d’être son assistante. J’ai tout de suite dit oui ! Sauf que son assistante avait envie de revenir. Donc on est restées en contact, et six mois plus tard, j’ai appris que son assistante partait, je l’ai appelée, et on a travaillé ensemble pendant deux ans et demi. On a voyagé dans le monde entier !

Un voyage particulièrement mémorable ?
Notre premier voyage, c’était en Mongolie, où on a shooté Heidi Klum avec Pamela Hanson, à l’époque où Heidi était encore avec Ric Pipino. Elle venait de faire la couverture du Sports Illustrated.

En Mongolie, ils organisent des espèces de JO antiques, le Naadam Festival, où les athlètes s’affrontent dans des épreuves de tir à l’arc, d’équitation (ils ont des cowboys super doués !) et de lutte. On a shooté Heidi avec ces événements en toile de fond. C’était dingue. Il fallait des visas et des autorisations pour partir en Mongolie-Extérieure, j’ai dû m’occuper de tout ça, de tout le côté production alors que je n’avais que 22 ans. Alors qu’on attendait nos visas, l’ambassadeur de Mongolie nous a contactés et invités à venir le voir avant notre départ. Je pense que ce shooting était un truc assez important pour eux, et sur les dernières photos qu’on a faites, dans la campagne autour d’Oulan-Bator, la capitale, on était dans une espèce de grand défilé national dans une arène mongole, entourés de torches de feu. Heidi portait une cape Miu Miu et des culottes de cuir autrichiennes, Pam était à la photo et moi je courais partout avec mon rouleau adhésif anti-poussière.

Quelle aventure ! C’est ce qui m’a donné envie de travailler dans la mode, et j’ai l’impression, comme toi, qu’il n’y a plus d’histoires comme celle-ci parce que les choses ont énormément changé.
Les budgets ne sont plus les mêmes, les rêves, les envie non plus.

Les stages aussi ont changé.
Oui, je crois que mon stage n’était même pas vraiment légal. Je n’étais pas payée, j’avais du mal à acheter ne serait-ce que mes tickets métro et mes sandwichs pour la pause-déjeuner. On mettait vraiment les mains dans le cambouis, presque littéralement.

On retire tellement de ce genre d’expérience, ça n’a pas de prix. De savoir comment se passent vraiment les choses. Et les gens n’ont plus trop l’occasion de faire ces choses-là parce que la nature des stages a profondément changé.
Quand j’embauche des assistants, j’aime bien qu’ils aient déjà travaillé avec des stylistes que je respecte, parce que c’est un apprentissage génial. Je finis toujours par travailler avec un ex-assistant de George Cortina. J’ai beaucoup de respect pour lui en tant que personne et professionnel, et il forme très bien ses assistants.

Tu as travaillé dans pas mal de départements différents, dans la mode. Peux-tu nous en dire un peu plus quant à ton évolution : tu étais assistante puis tu as grimpé les échelons dans le monde de l’édition ?
Mary Alice a vraiment joué un rôle de mentor pour moi, et ça reste une de mes grandes amies. Elle était bien plus orientée business que la plupart des rédactrices mode, surtout à l’époque. Elle m’a appris à toujours bouger parce que c’est comme ça qu’on change de poste et qu’on obtient des augmentations.

Financièrement, ce n’était vraiment pas terrible. On m’a proposé 25 000 dollars quand j’ai commencé, et je ne sais pas si ce sont encore les tarifs en vigueur pour les assistantes. C’était vraiment serré. J’étais très fière parce que j’avais réussi à négocier un salaire annuel de départ de 27 000 dollars. Je devais payer 800 $ de loyer, mais une fois ma carte de transport payée, je crois qu’il me restait 20 $ par jour pour la nourriture et le superflu. C’était assez serré.

Finalement, il y a eu un changement grâce à une amie d’amie, Ashley Sargent, une directrice artistique qui travaillait pour Anthropologie. Elle m’a dit qu’elle aimait beaucoup mon style et demandé si j’accepterais de l’aider pour faire le stylisme du catalogue Anthropologie. Je n’avais fait qu’un ou deux shootings tests à l’époque, mais ça représentait beaucoup d’argent par rapport à ce que je gagnais. Pour trois semaines de travail, on me proposait l’équivalent de ce que je gagnais en quatre mois. J’ai dit à Mary Alice que j’avais vraiment envie de bosser sur ce projet, que j’avais besoin d’argent, mais elle n’a pas pu m’accorder ces trois semaines donc j’ai démissionné.

J’étais aussi épuisée car on bossait énormément. 90 heures de boulot par semaine, c’était considéré comme une semaine light. Je passais un tiers de mon temps à voyager. Je me souviens d’une fois où j’ai travaillé 21 jours d’affilée. On shootait le week-end, elle prenait quelques jours de congés, moi j’allais au bureau, je faisais les notes de frais, et je finalisais la production. Ensuite, je préparais tout le shooting de la semaine suivante. En gros, entre 20 et 30 ans, je n’ai fait que bosser.

Tu t’es mise à bosser en free-lance ?
Oui, pendant un moment, et c’était vraiment génial.

Mais ensuite, il y a eu le 11-Septembre. L’activité a nettement ralenti. Les gens avaient vraiment peur. Je me souviens qu’on m’a annulé trois semaines de boulot complètes. Quand on gagne un petit salaire, ça fait peur. Donc je me suis remise à chercher du boulot dans un magazine, et j’ai vu qu’il y avait un poste de rédactrice mode déléguée chez Condé Nast Traveler. J’aimais les voyages, c’est vraiment un des aspects de mon boulot avec Mary Alice qui me plaisaient le plus. Et des postes de rédactrice déléguée, c’était rare. En général, c’était soit « assistante » soit « rédactrice » et c’est difficile de passer de l’un à l’autre. Du coup j’étais hyper motivée quand je suis allée à l’entretien.

En gros, c’était pour un poste d’assistante avec des responsabilités supplémentaires. J’avais en charge mes propres pages, autour de la technologie, des gadgets et du design. Je travaillais avec Mark Connolly, le directeur de la mode, et ensemble, on parcourait le monde. Toute l’équipe était super cultivée et intelligente. Tom Wallace était notre rédacteur en chef, il est ensuite devenu responsable éditorial de Condé Nast. C’était un très bon manager, adorable et brillant. Quand j’ai quitté ce boulot, il m’a invitée à déjeuner.

C’est vraiment là que j’ai commencé à écrire. On faisait ces voyages qui coûtaient très cher, et s’il n’y avait pas d’article spécifique prévu, ils demandaient à quelqu’un de rédiger une espèce de guide : quoi lire, où séjourner, où manger… bref, ils avaient besoin de quelqu’un et j’ai commencé à écrire ces guides. Ensuite, ils m’ont donné de plus en plus de place, ils m’ont permis de créer des pages accessoires. J’ai assuré le stylisme de certaines couvertures. C’était vraiment une super expérience, et c’est je crois la première fois que je me suis dit qu’un boulot dans la mode pouvait être plus fluide.

Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
Je crois qu’aujourd’hui, mais à l’époque surtout, on était soit styliste, soit market editor, soit journaliste. Parfois le côté market et stylisme pouvaient aller de pair, mais jamais l’écriture et les visuels. Je suis d’abord visuelle, mais j’adore aussi les livres, les mots et les idées, les histoires. Et c’était génial d’avoir la possibilité de faire ces deux choses chez Traveler.

Si on reste avec ces gens, et qu’on construit une vraie relation avec eux, parfois ils vous donnent vraiment une bonne impulsion.

Apparemment, tu avais aussi la possibilité de prendre plus de responsabilités, puisque ce n’était pas un « magazine de mode » au sens traditionnel du terme, il n’y avait donc pas d’équipe dédiée pour toutes ces choses ?
Oui, tout à fait. Comme ce n’était pas un magazine de mode, les équipes « mode » étaient beaucoup plus réduites.

Mais ça ne t’a pas empêchée par la suite de travailler pour des publications plus traditionnelles, comme Elle.
Même chez Traveler, je continuais à bosser en free-lance à côté, parce que le côté XXL de la mode me manquait. J’ai donc par exemple travaillé avec Lori Goldstein. A l’époque, elle faisait ces incroyables sujets pour le Vogue italien avec Steven Meisel, sur 30 pages tous les mois. Elle m’a demandé d’être son assistante, mais j’étais trop épuisée, je n’arrivais pas à tout cumuler. Mais j’ai fait beaucoup de free-lance pour elle. Je prenais un peu de temps off chez Traveler pour bosser avec des gens comme Lori et Sarajane Hoare de Vanity Fair. Je suis aussi partie à Acapulco sur un shooting de W pour lequel Joe Zee a assuré le stylisme.

Ensuite, Joe a lancé Vitals, une espèce de spin-off de Details. Je lui ai écrit pour lui dire que j’adorerais m’occuper de la mode homme. On a discuté, il était enthousiaste et je me suis retrouvée à être sa seule employée à plein-temps pour la mode.

On bossait tout le temps, c’était une toute petite équipe, on devait être six en tout, avec Joe et son assistant. Et on a vraiment fabriqué un super magazine.

Une grosse partie du travail consiste à être sur les shootings, où on peut rencontrer des gens, enrichir son carnet d’adresses dans une certaine mesure, mais comment as-tu réussi à concrétiser ces prises de contact et à trouver du travail ?
Etre assistante-styliste, c’est un peu à double tranchant. On est super mal payé, genre 150 dollars par jour. Parfois, pour Lori, j’étais payée 100 $, parce qu’elle me payait de sa poche et que le Vogue italien n’avait pas de budget. Mais l’avantage, c’est qu’on travaille avec des légendes. Je me souviens que j’avais rencontré Alex White à l’époque et que j’avais passé un entretien pour devenir son assistante. Une fois qu’on a accumulé des expériences, on se fait un carnet d’adresses et ça, c’est le meilleur réseau qui soit. Ça permet de se constituer un CV, et de le faxer aux agences. Ça, c’est le gros avantage.

Je me souviens, quand je suis devenue rédactrice, de m’être dit que je n’avais plus rien à apprendre de personne, que j’étais toute seule. Surtout quand je suis devenue responsable de la mode homme et femme pour Vitals. J’aimerais avoir plus de temps pour me former auprès des grands. C’était beaucoup plus comme un apprentissage qu’un vrai boulot d’assistante. On est à fond dans le boulot avec un expert, ça permet d’accéder à énormément de choses, et ce parrainage n’a pas de prix. Si on reste avec ces gens, et qu’on construit une vraie relation avec eux, parfois ils vous donnent vraiment une bonne impulsion.

Un ex-assistant à moi travaille avec Marie-Amélie Sauvé. Ça fait très longtemps qu’il bosse avec elle, et maintenant, il fait des petits sujets pour Vogue.com, parce qu’il fait partie de la famille, il a suffisamment d’expérience. Ça permet d’avoir les clés… Donc si quelqu’un veut vraiment bosser dans la mode, la meilleure solution, c’est de travailler pour les plus grands, et de ne pas avoir peur de bouger… ça peut être très gratifiant.

La mode reste une industrie fondée sur les relations, et j’ai la chance d’avoir noué des contacts sur le long terme.

Quand on arrive tout en haut de la hiérarchie, quelles responsabilités est-ce qu’on a ?
Ça dépend, en fonction de la taille et de la diffusion de la publication. Il y a avait par exemple trois directrices de la mode chez Glamour, et elles avaient toutes des responsabilités très différentes. Ça dépend aussi des spécialités de chaque directrice. Virginia Smith est très différente d’Emmanuelle Alt, du Vogue français. Emmanuelle est une styliste, alors que Virginia est plus une gestionnaire et spécialiste du marketing.

Quand on dirige une publication, on est responsable des relations avec les créateurs, les maisons de couture, c’est une énorme tache étant donné le nombre de créateurs. Parfois, ce sont en plus des annonceurs, mais pas forcément. Les relations, c’est très important dans la mode, il faut connaître toutes les agences de RP : bijoutiers, créateurs d’accessoires, de collections homme/femme, prêt-à-porter et haute-couture. Ensuite on est responsable de l’embauche et du management des équipes qui vous aideront et permettront au magazine de générer du contenu.

Quand as-tu déménagé en Californie ?
Ce mois-ci, ça fait cinq ans.

Bon anniversaire de déménagement ! Que faisais-u à NY avant de partir pour la Californie ?
Je travaillais avec Deborah Needleman sur le lancement de la rubrique « Off-Duty » du Wall Street Journal. Je crois que l’intitulé de mon poste, c’était « fashion editor at large », mais en gros, j’étais directrice de la mode. J’étais responsable de tout le contenu mode, j’aidais à créer les rubriques pour les différents articles, à leur donner une couleur, un ton, à sélectionner des photos, on était en train de créer l’identité du style. J’aidais aussi à embaucher l‘équipe dont on aurait besoin pour ça.

Pourquoi es-tu partie en Californie ?
Par amour.

C’est une excellente raison.
J’ai rencontré mon mari à NY, quand Google a lancé un site de mode Boutiques.com. Ils avaient organisé un gros événement pour fêter ça, et je les ai aidés à se mettre en relation avec des créateurs qu’ils souhaitaient approcher pour leur site. En gros, j’étais la rédactrice mode sur l’événement, et mon mari était présent ce soir-là. C’est comme ça que je l’ai rencontré.

Il vivait à SF, il a toujours vécu là-bas. On est sortis ensemble, on s’est marié sur les deux côtes, et j’ai déménagé juste avant la naissance de mon bébé.

C’est super que les gens s’ingénient à vouloir relier mode et technologie, mais on n’y est pas encore tout à fait

Tu as commencé à travailler chez WIRED – qui est à SF – en juin. Mais avant ça, pendant ces cinq années passées en Californie, comment ça s’est passé ?
Ma priorité, c’était notre bébé. J’ai pris mes marques à SF et je suis devenue maman. C’était déjà un gros chamboulement. Mais j’ai aussi continué à bosser comme directrice mode pour JCPenney pendant deux ans et demi. Je me souviens, quand mon bébé avait deux mois, je suis allée à Plano, au Texas, près de Dallas, pour assurer le stylisme d’un lookbook pour eux. Ma mère m’y a retrouvée, elle s’occupait du bébé à l’hôtel… bref, rien que du très classique pour une maman qui travaille dans la mode.

Je continuais à travailler sur les mêmes projets de stylisme qu’à NY, avec Nowness ou pour le Gilt Groupe. J’ai fini par travailler plus régulièrement avec pas mal de clients Condé Nast : pour GQ, pour Vogue (aujourd’hui encore). J’ai écrit des trucs pour Vanityfair.com, c’était très intéressant, et j’ai fait – et je fais encore- du stylisme pour W. Je conseillais aussi une marque, Amour Vert. En gros, j’ai continué mon boulot de free-lance, mais cette fois-ci dans une ville qui n’est pas du tout un sérail de la mode, donc il a fallu que je m’adapte.

Mais ça montre qu’avec Internet, on peut travailler d’un peu partout tant qu’on s’est constitué un bon réseau.
Oui et non, je fais attention à ne pas alimenter ce fantasme, parce que je ne sais pas à quel point c’est exact. La mode reste une industrie fondée sur les relations, et j’ai la chance d’avoir noué des contacts sur le long terme.

Comment le poste chez WIRED s’est-il présenté ?
Tout s’est fait de façon naturelle, par relation. Tom Wallace m’a présenté Scott Dadich, le rédacteur en chef de WIRED il y a deux ans. J’étais allée voir Tom quand il était encore responsable éditorial chez Condé Nast pour lui dire que j’étais là et que j’aimerais bien le voir. C’est lui qui m’a proposé de rencontrer Scott Dadich.

On avait des amis en commun, on a commencé à se voir avec ces amis, et à ce moment-là, WIRED cherchait une rédactrice mode. Ils n’étaient pas sûrs du rôle qui lui reviendrait exactement, mais ils savaient qu’ils devaient s’investir dans ce domaine. Ils m’ont fait venir, et tout est parti de là. C’était pile la bonne place pour moi.

Maintenant que tu travailles pour une publication à vocation tech, quel est ton avis sur la fusion entre l’univers de la technologie et de la mode ?
C’est vraiment quelque chose dont on parle beaucoup dans la mode actuellement. C’est une opportunité passionnante pour WIRED, parce que tout le monde veut s’inscrire dans ce débat. WIRED a suffisamment de poids, de crédibilité, pour mener ce débat et y participer.

Mon avis sur la question, après avoir passé toutes ces années dans la mode, c’est que la plupart des projets qui surgissent ces derniers temps sont plutôt de l’ordre du gadget. Il n’y a pas grand-chose, mais on en parle beaucoup parce que tout le monde a envie de participer à cette nouvelle évolution. La mode rêve de faire ami-ami avec la techno, et la techno se dit : « La mode, c’est canon, tiens je vais peut-être faire un truc avec elle.”

J’ai travaillé pour Google quand j’ai rencontré mon mari, puis ensuite, quand j’ai fait du conseil pour eux, à l’époque où j’ai déménagé à San Francisco. De l’intérieur, j’ai vu que les gens de la tech n’avaient aucune notion de la mode avec un grand M. Et l’inverse est vrai aussi. La mode est attirée par toutes les jolies nouvelles technologies, comme Polyvore ou Net-a-Porter.

Mais ces deux univers n’arrivent pas à se considérer sans retirer leurs œillères respectives, et le résultat, c’est qu’il n’y a pas encore grand-chose de bien excitant pour l’instant. Mon avis (que mon équipe partage), c’est : je ne savais pas que j’avais besoin d’un iPhone jusqu’à ce que l’iPhone sorte. C’est super que les gens s’ingénient à vouloir relier mode et technologie, mais on n’y est pas encore tout à fait : il n’y a pas encore de truc « concret » dont tout le monde est dingue. Je crois que pour l’instant, c’est Apple qui s’en sort le mieux, en tissant des liens qui ont un sens. La bonne personne de chez Apple a approché le bonne personne chez Hermès pour concevoir le bracelet de montre parfait. Est-ce que c’est révolutionnaire ? Non, mais pour l’instant, c’est mille fois mieux que tout ce qui est proposé ailleurs. Donc on est ravi de voir que tout ça évolue, mais on a envie de choses vraiment innovantes et utiles.

La forme et le fond, alors.
La forme, le fond, et l’esthétique ! Le design, c’est quelque chose de très important pour WIRED, actuellement mais aussi historiquement, donc c’est une priorité, et on a la chance de pouvoir bosser en compagnie de tous ces designers talentueux, qui ont des expériences et des expertises différentes.

Je trouve que c’est très important, en tant que boss, de connaître tous les postes, depuis le bas de l’échelle, et d’être capable de tout faire si besoin.

Le plus gros défi dans ton travail ?
Le plus gros défi, c’est que je fais énormément de choses différentes. Ce n’est pas évident, surtout quand on est toute seule. Les gens me demandent « Tu es styliste », « Tu écris ? » C’est drôle, c’est presque comme être bilingue. Certaines de mes amies ne me voient que comme styliste, d’autres uniquement comme journaliste, et c’est un défi de gérer ces deux aspects.

Le côté le plus gratifiant de ton boulot ?
C’est un peu la même chose, j’ai un spectre d’activités assez large, je fais plusieurs choses. Pour Nowness, au départ, j’étais rédactrice mode, ce qui est ma spécialité, mais au fur et à mesure, j’ai bossé sur plein de sujets qui avaient plus trait à la déco, à la nourriture, aux arts ou à la musique. Je suis contente d’avoir élargi ma palette, et de m’intéresser au style ou à l’esthétique d’autres domaines.

Une journée-type pour toi (hors Fashion Week) ?

Quand on est rédactrice mode, les journées ne se ressemblent pas. Il y a les photos, le texte. Parfois, j’ai des réunions avec des clients, parfois je reste au bureau à rattraper le retard sur des choses pénibles, d’autres jours je prépare un shooting. Et parfois, je me pose autour d’une limonade avec Garance, et on débriefe sur ces 10 dernières années dans nos vies pendant une heure.

Comment as-tu trouvé le juste équilibre dans ta vie ?

Bonne question. C’est devenu quelque chose de plus important avec l’âge. J’écoute mes intuitions, je suis moi-même. C’est la clé de l’équilibre, écouter ses besoins. Parfois, j’ai juste besoin de manger ou de m’étirer un peu… ou alors de faire une pause, et c’est très important quand on devient parent. Si on ne s’écoute pas, tout finit par mal tourner. Les enfants sont des êtres très intelligents, ils veulent vivre le moment présent. Je suis très reconnaissante, parce que la maternité m’a appris ça, et continue de m’apprendre plein de choses géniales au quotidien.

La maternité, la famille, comment est-ce que tout ça a changé ton approche du travail ?
Ça a changé beaucoup de choses. Les enfants permettent de prendre un peu de recul, ils comptent plus que tout. Quand on perd le sens des réalités, que tout semble urgent – le cliché de la mode -, ça permet de lâcher prise. De laisser les choses se faire d’elles-mêmes. Je fais tout mon possible pour que ça se passe bien, mais après je lâche prise…

Tu nous as parlé de tes mentors, mais est-ce qu’il y a une personne en particulier qui a joué ce rôle pour toi ?
Marie Alice Stephenson a vraiment été quelqu’un qui m’a beaucoup apporté. J’admire sa détermination, son intelligence, son audace, son intégrité et sa force. Elle a toujours été très généreuse avec moi, que ce soit en conseils, pour la négociation de mes contrats, plein de choses géniales. C’est vraiment la figure qui m’a toujours guidée tout au long de mon parcours. Après, il y en a eu plein d’autres, plus ponctuellement.

Est-ce qu’il y a un conseil en particulier que tu gardes en tête ?
Le meilleur conseil qu’on m’ait donné vient de ma mère, qui a aussi été ma boss pendant quatre ans, entre 14 et 18 ans, quand je travaillais dans son service de traiteur. Elle m’a donné un super conseil : « Toujours avoir l’air occupé. » J’essaie de le répéter aux gens qui travaillent pour moi, notamment mes assistants sur les shootings. Il n’y a rien de pire que d’être épuisée et stressée, de regarder autour de soi et de voir quelqu’un de son équipe qui a l’air de s’ennuyer ou qui a le nez dans son téléphone. Même si vous n’êtes pas super occupé, il y a toujours quelque chose à faire. Toujours avoir l’air occupé.

Qu’est-ce que tu cherches quand tu embauches quelqu’un ?
Des gens qui sont des bosseurs. Moi, je suis une bosseuse, j’ai commencé tout en bas. Et je trouve que c’est très important, en tant que boss, de connaître tous les postes, depuis le bas de l’échelle, et d’être capable de tout faire si besoin. Je cherche des bosseurs, des gens qui ne se donnent pas un genre, des gens intelligents et intuitifs, mais aussi rigoureux dans leur travail.

Il y a beaucoup de bosseurs dans ce secteur mais il y a aussi beaucoup de gens qui se croient arrivés. Comment gères-tu ces profils-là, avec ton expérience ?
Je n’ai pas beaucoup de patience avec les arrogants qui n’ont ni talent ni expérience, ou alors qui n’ont jamais bossé ou ne connaissent rien. Ça ne me dérange pas qu’on soit un peu trop sûr de soi si on est super doué. Je préfère avoir un génie un peu difficile à gérer, que quelqu’un d’assez médiocre qui frime. Après, la question c’est : est-ce que tu es là pour bosser ou pour te la raconter ? Si tu es là pour crâner avec tes amis ou être tendance, ça ne marchera pas, parce que ce n’est pas comme ça que je vois mon travail. Il y a des gens qui naissent avec une petite cuillère en argent dans la bouche, qui ont les bonnes fringues, les beaux cheveux, et qui peuvent être de gros bosseurs. En fait, c’est une qualité… la personne est-elle assez déterminée, motivée, et respectueuse pour faire le boulot ?

Tes rêves pour l’avenir ?
Je suis ravie de cette nouvelle aventure qui commence chez WIRED, qui me permet de fusionner mes deux mondes, San Francisco et New York, la technologie et la mode. Il y a énormément de possibilités pour que ces deux univers se rencontrent de façon efficace. Pour faire ça, il faut que chaque univers réussisse vraiment à ouvrir les yeux sur l’autre, et pour l’instant, il y a très peu de gens qui ont une idée réaliste du monde de la technologie.

Oui, c’est très cliché, caricatural.
Oui, on est souvent dans la caricature. Parmi les partenariats qu’il y a eus, il y en a qui sont réussis. Pour l’instant, ça se résume à quelques dates un peu bizarres. Mais ça va en s’améliorant. Eva Chen, c’est un bon choix, c’est une star d’Instagram, elle comprend vraiment le produit et ses enjeux, elle comprend comment fonctionne la mode de l’intérieur, et c’est quelqu’un de très intègre. Ça va être intéressant de voir ce que ces relations vont donner. Et comment ces deux industries peuvent s’adosser l’une à l’autre.

Tu te vois rester dans la Bay Area ?
Je ne sais pas. Depuis que j’ai déménagé, je fais beaucoup d’A/R. On m’a dit qu’il me faudrait trois ans pour prendre mes marques et je n’ai pas voulu le croire. Mais c’est vrai. Et pendant ces trois années, tout a commencé à se détendre, j’adore la nature, les vues incroyables qu’offre SF. Je n’étais pas du tout venue pour ça, j’avais déménagé pour des raisons familiales. Il m’a fallu tout ce temps pour découvrir ces aspects-là et les apprécier. Mais j’adore ma vie ici. J’aime bien aussi pouvoir bosser tranquillement. Il n’y a pas des dizaines de fêtes tous les soirs, comme à New York. Pour se déconnecter à NY, c’est difficile. Les deux villes se complètent à merveille. Ici, je suis près de ma famille, donc les deux villes ont beaucoup d’avantages, on verra. Partager son temps entre les deux, c’est assez idéal.

Quelques paroles de sagesse avant de se quitter ?
Je crois que c’est très important d’essayer les choses. Moi, j’avais peur de ne pas trouver ma voie, mais c’est important de se lancer. La vie dure longtemps, ça permet d’essayer des choses pendant trois mois, six mois, un an ou trois ans, avant de changer. Il ne faut pas avoir peur d’essayer autre chose et de se tromper.

Quand on travaille dur, on apprend forcément des choses. Mes premiers jobs d’assistante, je touchais à peine à la mode, j’étais plus dans la production, mais c’est une expertise qui sert pour la vie. On apprend à organiser quelque chose dans n’importes quelles circonstances, et ça, c’est une sacrée qualité.

Quand on a envie de faire quelque chose, il faut se trouver des héros. C’est le seul regret que j’ai, ne pas avoir travaillé avec plus de héros quand j’en avais la possibilité. Il faut se trouver des héros, frapper à leur porte, essayer de travailler avec eux. En faisant en sorte de se rendre aussi indispensable et intéressant que possible. Je reçois beaucoup d’e-mails assez froids auxquels je n’ai pas toujours le temps de répondre. Si les gens me disent qu’ils ont travaillé dans un domaine qui résonne avec le mien, j‘ai tout de suite envie de donner sa chance à cette personne. Et les relations qu’on noue avec les gens, c’est très important. J’ai passé pas mal d’entretiens de manière informelle, quand j’essayais de savoir comment entrer dans un magazine avant mon stage chez Marie-Claire, et je me suis rendu compte à quel point l’humain était au cœur de cet univers, il ne faut pas sous-estimer sa valeur.

22 comments

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  • Another great interview. This site is becoming the Fresh Air of fashion (that’s a high compliment).
    I love the insights into just how much work she did to get to where she is. So much more interesting than, famous person was friends with my parents and came to dinner every weekend.
    Her evolution along the way is inspiring.

  • Oh I am so happy to read this. I am an engineer and I love fashion. I follow with great attention the rapprochement between both universes, even if it seems to be more talking that acting when considering adding technologies in traditional processes (shipment tracking for luxury products, improving the security in stores….)

  • Lucie, you are completely right. There are so many incredible ways in which technology and fashion are supporting one another already behind the scenes to make for more fluid and seamless experiences. Also, Garance herself is a super elegant example of fashion x tech really changing fashion, and changing culture. Direct to consumer businesses like Glossier and Argent are also breaking the mold with tech platforms which weren’t available only a few years ago. It’s an exciting time!

  • Thank you Lauren Goodman for being so generous with your wisdom! You stressed the importance of informational interviews and I you just gave an excellent one. And thank you Emily for asking great questions!

  • Thank you Anne! I love doing these interviews, I learn so much from everyone I’m fortunate enough to meet so it’s great to hear you’re enjoying! x

  • I love this, and so many of your recent features.

    The questions that really showed the trajectory of her career, including all the steps that she has taken to get where she is, is so inspiring. Great interview!!

  • merci beaucoup, un article très long, très intéressant, très complet

  • Fascinant le parcours de Lauren Goodman comme tous les autres « career posts », j’ai lu le sien avec beaucoup d’admiration.

  • this jacket beautiful
    have an happy day
    kiss
    —> tr3ndygirl fashion & beauty blogger <—

  • Great interview! I am hooked.

  • Lauren! What a lovely interview. As someone who also started from the very bottom and worked up the ladder slowly with plenty of hard work I consider myself lucky to be around such a like-minded lady at WIRED.
    xx
    Olga

  • J’aime beaucoup ces interviews, on découvre plein de gens. bravo !

  • « Find heroes and work with them », this is so true but also hard to do. It looks like heroes as we see them are not living in the same world as our but we definitely need to take the step and go interact with them.
    Love reading those careers interviews as they keep pushing me to get out of my confort zone!
    Merci!

  • Wonderful and inspiring interview!

  • I usually enjoy reading these interviews but this one really stands out. The last bit resonated with me especially even if my field is way different from fashion or tech. Timeless advice!

  • I feel so inspired having read this interview. I really enjoyed how detailed it was and that you didn’t just skim over some typical questions, and instead asked them in a systematic manner that really showed Lauren Goodman’s career path.

  • Very interesting interview! I love so much the Career interviews, they’re always inspiring.

  • I’m such a fan of the posts like this. Very motivative! I also like to make interviews for my blog)

  • One of the best fashion interviews ever. She really lays bare what hard work it can be. And the impending marriage of tech and fashion – fascinating.
    Garance, keep finding interesting ‘fashion’ people like this and your site will continue to go from strength to strength.

  • Merci beaucoup pour ces interviews carrière qui sont toujours très intéressants et qui vont en profondeur.
    Toujours instructif et super à lire !

  • Such an inspiring interview, it was a pleasure reading it.

  • Lauren Goodman is a great woman. This is a great interview, thank you for asking great questions…

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