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Roots: Growing Up in East Germany

5 years ago by

Roots: Growing Up in East Germany

Il y a quelques mois, je suis partie au Chili. J’ai participé à la retraite que Garance et son incroyable équipe ont organisée autour de l’Art de la Découverte de Soi.

Dans mon cas, il s’est avéré que c’était un retour vers mon passé. Vers mon enfance, il y a plus de trente ans. J’ai grandi en Allemagne de l’Est, à l’époque socialiste. Pendant toute la retraite, des images de cette période me revenaient et je me sentais très étroitement liée à mes racines.

Au début, j’étais un peu perdue. Vous voyez le genre, vous vous retrouvez dans un endroit magique, en vacances. Eh bien, c’était un peu épuisant en même temps – avec des cours de yoga tôt le matin (je n’en ai manqué qu’un seul), des ateliers pour se plonger profondément dans votre âme, un peu de vin… et peut-être encore un peu. Qu’est-ce qui se passait ? Je réfléchissais à des situations que j’avais oubliées depuis longtemps mais qui me semblaient tellement présentes à ce moment-là.

D’un seul coup, j’ai pensé à Erich Honecker (le politicien le plus puissant en Allemagne de l’Est) et à sa femme, Margot, avec ses cheveux violet. Nous l’appelions le “dragon violet” parce qu’elle faisait partie des politiciens les plus détestés de l’époque. En tant que ministre de l’Éducation nationale, elle a implanté un système d’éducation socialiste strict qui comprenait même des leçons militaires à l’école. Elle a été responsable de l’adoption forcée des enfants des individus incarcérés / ceux qui avaient tenté de quitter le territoire. Ils ont émigré au Chili (en contrepartie de l’admission des réfugiés chiliens après le coup militaire de 1973)… et je me demandais sans cesse : comment ont-ils vécu ici ?

Pendant la retraite, nous avons eu ce repas de trois plats avec un dessert délicieux et je me suis souvenue de ce que ça faisait de manger avec ma famille à l’époque. Quand ma mère sortait le chocolat pour le dessert – le “chocolat de l’ouest” pour être précise. Nous n’en avions que de temps en temps, grâce à notre famille d’Allemagne de l’Ouest, quand ils nous envoyaient des colis avec ces choses belles et fascinantes que nous ne pouvions pas trouver à l’Est. Et ces choses sentaient tellement bon. C’était l’odeur d’un monde vaste et ouvrir ces “colis de l’Ouest” était toujours une vraie joie familiale. Nous regardions à l’intérieur pour trouver du café, du cacao, du chocolat, des cosmétiques, des jouets et, évidemment, des vêtements. Je me souviens que je rêvais désespérément de trouver un “jean de l’Ouest”, pas le jean normal que nous trouvions – mal coupé et fait en mauvais matériau.

Je dois vous dire que nous ne mangions ce chocolat que le dimanche soir, et chaque membre de la famille n’avait droit qu’à un morceau – c’était rare et unique pour nous. (Peut-être que ma mère savait déjà, dans les années 80, que le sucre n’était pas bon pour la santé ? :) ) Des années plus tard, ça me faisait encore bizarre de voir des amis manger toute une plaquette de chocolat un jour banal. De temps en temps, nous achetions des oranges ou des bananes au supermarché, surtout pour les occasions spéciales comme Noël. Mais nous n’avions pas le droit d’en acheter autant que nous voulions : une demi-banane pour les adultes, et une par enfant. Nous avions donc trois bananes à partager entre mes parents, mon frère et moi. Il fallait arriver très tôt au marché et faire une longue queue pour les spécialités. Et si vous n’aviez pas de chance, il n’en restait déjà plus au moment de votre tour. Il fallait être patient et attendre. (Pour avoir une voiture, il fallait s’inscrire sur une liste à 18 ans et attendre jusqu’à 12 ans !!!)

En ce qui concerne la mode et les appareils électroniques, nous étions à la traîne de plusieurs années par rapport à l’Ouest. J’étais surexcitée quand ma grand-mère m’a rapporté un cadeau très particulier de sa visite à l’Ouest (les retraités avaient parfois l’autorisation de partir à l’Ouest s’il y avait une raison à leur visite comme l’anniversaire important d’un proche). C’était une montre digitale (sans doute Casio) et un pull trop cool. Malheureusement, c’était trop cool pour l’école. Au début, ma maîtresse a pris ma montre et ensuite, elle m’a interdit de porter mon pull à l’école. Par chance, à la fin de la journée, elle m’a rendu ma montre. Je savais que les produits “d’ennemis de classe” étaient tabous mais je voulais tenter et voir ce qui se passerait. Le besoin d’un peu d’individualité au milieu de l’uniformité socialiste….

De retour au Chili… Sur mon chemin vers le cours de yoga, tôt le matin, je passais devant le potager de l’hôtel. Je m’arrêtais toujours pour admirer sa beauté. C’était fascinant de voir comment ils faisaient pousser des légumes verts dans le désert le plus sec du monde. Le jardinage est une autre relique de mon enfance, c’était très populaire en RDA. On trouvait le bonheur dans son jardin. Comme on ne voyageait pas facilement, ça donnait l’impression de s’échapper de la vie quotidienne, des vacances. Beaucoup de personnes passaient même les vacances dans leurs petites datchas – avec des jardins.

Et évidemment, on pouvait y cultiver des fruits ou des légumes qu’on ne trouvait pas en boutique. C’était même soutenu par le gouvernement ! Les gens pouvaient vendre leurs produits en gros et on gagnait plus d’argent comme ça que ce qu’on aurait payé en boutique. L’économie de la RDA est un autre sujet fascinant (mes parents, par exemple, n’ont eu le droit d’acheter qu’une certaine quantité de carreaux pour leur salle de bain, selon la planification socialiste).

Nous avions aussi un jardin à la maison avec une petite serre que nous avions construite. J’en suis reconnaissante, pour ça et pour la possibilité de grandir en apprenant tant de choses sur la nature. Si ma mère pouvait m’entendre, elle me raconterait que j’étais toujours de très mauvaise humeur quand elle me demandait de l’aider dans le jardin. Aujourd’hui, évidemment, j’adore l’idée de pouvoir avoir des myrtilles fraîches de mon jardin et de les manger avec mon granola maison le matin.

Désolée maman mais à l’époque, j’avais vraiment mieux à faire, comme regarder la télé de l’Ouest. Grâce à une antenne que nous avions construire sur la colline, nous pouvions recevoir des programmes télé de l’autre côté de la frontière en Allemagne. C’était souvent de mauvaise qualité, particulièrement quand les conditions météo étaient défavorables mais ce n’était pas grave. Ça me permettait surtout de voir les dernières séries télé américaines et de me plonger dans le monde coloré de ce pays où je ne pouvais pas aller. Nous l’utilisions aussi pour entendre des informations sur la situation politique. Souvent, nous savions mieux ce qui se passait à l’Ouest que dans notre propre pays. Regarder la télé occidentale n’était pas complètement interdit mais ce n’était clairement pas encouragé. Tout le monde le faisait mais personne n’en parlait. Parfois à l’école, le prof demandait ce qu’on avait regardé la veille. Et il valait mieux choisir soigneusement sa réponse.

Pendant la retraite, j’ai rencontré K., une Canadienne. Elle avait environ l’âge de ma mère et des racines allemandes. (Ses parents venaient même de la région d’Allemagne où je vis aujourd’hui – le monde est petit !) J’ai eu une conversation intéressante avec elle sur la communauté et la façon dont le manque de communauté affecte notre société. Pour moi, la communauté caractérise beaucoup la vie en RDA. Le manque a créé une société où les gens s’aidaient et se soutenaient. J’aimais beaucoup ça. Je déteste le fait que ça soit à cause du système politique… mais je continue à penser que c’est important d’intégrer cette façon de penser dans sa vie.

De mon enfance en Allemagne de l’Est, quelles influences est-ce que je ressens encore aujourd’hui ? Eh bien, je ferais mieux de penser à l’influence d’avoir été prise en sandwich entre deux mondes. Une expérience bizarrement utile pour moi…

– Voyager, c’est le plus beau des cadeaux.
– L’indépendance, particulièrement pour les femmes – c’était normal pour les femmes de l’Est d’avoir leurs propres carrières.
– La capacité à improviser ! Mais aussi la patience et la créativité. Le manque vous rend inventive.
– La discipline – on peut penser ce qu’on veut du système de l’Est, à un seul point de vue et centré sur la performance, mais j’aime être capable de m’en tenir à mes objectifs et à ma routine (sportive, ahaha).
– La curiosité – et le désir de quelque chose de différent.
– Le changement – ça a un sens très particulier pour moi. Je me souviens des chants du peuple au moment de la chute de la RDA. “Nous voulons partir !” Ce moment me rappelle toujours la magie des commencements. Peu importe à quel point j’ai peur parfois, je regarde en arrière et je vois que le changement est nécessaire pour évoluer.

PS : Devinez ce que je me suis acheté pendant ma première visite à l’Ouest après la réunification ? Du vernis à ongles rose et un vrai jean. :)

Par Sandra Kadenbach

15 comments

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  • Jorge Alexandre Teixeira 8 mai 2019, 2:54 / Répondre

    This retreat to Chile must have been quite a trip to all who went , hum ?

  • Katravis 8 mai 2019, 4:20 / Répondre

    Beautifully written. Interesting topic. Loved it. Thank you

  • Thank you <3

  • linda wiegel 8 mai 2019, 8:32 / Répondre

    What a beautiful story. very nice to read your memories. I wish you could tell us more of those years x

  • Hello Sandra,

    I am from Hamburg. I was raised in Hildesheim, Germany. That was the Western part of Germany (of course Sandra knows!).
    I remember visiting our relatives in Quedlenburg, East Germany. We always smuggled Jeans, Cosmetics, Wine … into the East! It was very frightening! On the other hand I totally understand what you mean by this special society: I was really impressed (even as a child) by the help among each other.

    After all those years I am thinking about taking a trip to Sachsen to go on a hike with my husband and son. There are incredible trails in Sachsen.

    What are you up to? Are you visiting your homeland once in a while?

    Kind regards
    Britta

  • I can relate so much! Brought up in communist POland, I was only 8 when the wall fell down, but sooooooo many things seem I learned back then seem very valuabe right now! E.g.:
    – how to sew clothes of your own liking;
    – how to recycle and reuse everything;
    – how to be smart about money and plan into the future;
    – how not to define myslefl through things I own (or rather – don’t own :D)
    – how to make things possible with the resources I already have;
    – how to make a lot of types of food, esp. all sort of pickles, yoghurts, wine ;), all from scratch!

    I’m in my 30s now and I start to appreciate this knowledge! Limitations make you really creative :)

  • The lives of people – very well written, heartfelt and interesting story. Enjoyed reading it.

  • Yes, it was very special for us. :)

  • Thank you, Katravis. This means a lot to me.

  • :)

  • Hi Linda,
    oh yes, there are a lot of things to tell. :) It was such an interesting time. I’m glad you liked my story. All the best to you. xx

  • Hi Britta,
    thank you for your comment. How nice that you had been to Quedlenburg. This beautiful town that belongs to the UNESCO world heritage.
    I’m originally from Sachsen, from a small village quite close to Dresden in the Erzgebirge. So I can totally recommend to go there. :) Do you know the Elbsandsteingebirge? The nature is just beautiful there and it is good for hiking.
    Now I live in the Ruhrarea, Bochum. But several times in the year I visit my homeland as my parents still live there.
    All the best for you.

  • You are so right. :) Do you still live in Poland?

  • Thank you, Debbie :)

  • Hi Sandra, I really enjoyed this story! Where can we find more of your writing or contact you?

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