Atelier Doré

J’ai toujours collectionné les objets. Enfant, je collectionnais aussi bien les étoiles dorées (en bonne perfectionniste) que les stickers 3D. Une fois les albums de stickers montés au grenier et après avoir cédé aux ardents chants des sirènes cosmétiques, j’ai donc très logiquement commencé à développer de saines habitudes d’accumulation.

Jusqu’à aujourd’hui, avec mon obsession du moment : les rouges à lèvres orange. Parfaits en toute occasion. Si j’ai une petite baisse de forme, j’étale cet or en technicolor sur mes lèvres et je me sens plus jeune, plus jolie, plus cool, plus vive, et comme par magie, je peux rentrer dans ce jean mille fois trop petit que je garde juste au cas où.

Cette couleur fonctionne toute l’année : parfaite l’été quand on a la peau bronzée et l’hiver, elle éclipse notre teint pâle. Quand j’en porte, j’ai l’impression d’être moi en mieux, pas mal pour un petit tube à 25$. Je n’ai peut-être pas de quoi me payer un billet pour une destination ensoleillée en plein mois de février mais je suis capable de dégainer un tube rempli de beauté pour lutter contre la mauvaise mine. Le danger, c’est le combo gratification immédiate et prix accessible, impossible de m’arrêter, j’en veux toujours plus. Je suis toujours en quête – une couleur plus intense ou l’impossible formule mate mais crémeuse, ça doit bien exister quelque part ? Et le prochain, c’est sûr, quand je le porterai, je me sentirai tellement mais tellement bien, comme jamais auparavant, non ?

Et puis il y a l’effet rouge à lèvres. En 2008, un article du New York Times rapportait qu’ « après les attaques terroristes de 2001 et leurs conséquences négatives sur l’économie, M. Lauder (de Estée Lauder) avait constaté une hausse inhabituelle des ventes de rouges à lèvres. Il avait alors avancé l’hypothèse suivante : on peut évaluer l’état de l’économie en se basant sur les ventes de rouges à lèvres. Selon lui, en cas d’instabilité économique, les ventes augmentent car les femmes se remontent le moral en achetant des rouges à lèvres bon marché plutôt que des escarpins à 500$. » Moi j’ajouterais à ça les joggings et Netflix.

Je le répète, j’aime le makeup mais je n’en porte pas tous les jours. Je suis une accro qui n’assume pas du tout. D’ailleurs, en fait, ce n’est pas le rouge à lèvres que j’aime, c’est cette couleur rouge orangée fabuleuse. Je l’adore posée en aplat, je l’adore quand elle est quasiment imperceptible et qu’on a l’impression que je viens de mordre dans la plus belle orange sanguine du monde.

Je peux vous faire la liste de mes rouges à lèvres favoris en un quart de seconde. Il y a le MAC – senteur vanille, étui en forme de balle (Lady Danger, pour celles qui demanderaient). Il y a celui qui a disparu, un Stila qui n’est plus produit, je racle désespérément le fond du tube avec une pince à cheveux en attendant de toucher le fond. J’en ai même gardé quelques précieux grammes que j’ai emportés dans une boutique de Soho qui promet aux désespérés comme moi de recréer la teinte perdue (fake news).

Ma dernière acquisition est le fruit inattendu de mon long combat contre l’hiver – j’empruntais un raccourci qui passe par la boutique Anthropologie à Chelsea Market quand je me suis retrouvée à caresser amoureusement un tube de Pinch Cosmetics Matte Velvet Waterless Lipcolour, en teinte Poppy. Ces caresses m’ont menée à la caisse et désormais, toute ma confiance en moi repose sur ce tube (enfin, ça et un peu de mezcal).