LIFESTYLE_DINING_ALONE_EMILY_SCHILDT_1

In Her Words: Emily Schildt

5 years ago by

Oui, il n’y a que moi.

A une époque, ces quelques mots n’étaient qu’une explication donnée au restaurant. Aujourd’hui, ils sont une affirmation de mon identité.

En effet, je sors dîner seule chaque semaine, dans des rendez-vous que Google Calendar a fini par identifier comme SDN : Solo Date Night, et je m’y engage très sérieusement. J’ai organisé un fichier Excel avec tous les restaurants où je veux aller ; je bloque plusieurs heures de ma soirée tous les jeudis ; je refuse des propositions de mes amis, comme je le ferais pour tout date Bumble.

Et je ne commande pas un burger rapide avec une bière, comme si je ne faisais que passer ; je ne lis pas un livre, je ne reste pas fixée à faire défiler mes mails ; je ne mets pas mes écouteurs pour rattraper mon retard de podcast. Je m’asseois, sans téléphone ou autre distraction, religieusement et systématiquement pour un assez long moment ; je commande un cocktail et quelques verres de vin, peut-être même un digestif et une tasse de café (déca) ; je commande une entrée, un plat, voire un dessert (Ok, j’avoue, un dessert. Évidemment un dessert). Je me fais plaisir. Je savoure.

J’ai pris un menu de dix-huit plats omakase, et d’innombrables menus dégustations dans des restaurants étoilés du Michelin ; j’ai dîné aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Europe, en Asie, en Amérique du Sud ; j’ai rencontré des célébrités et j’ai sympathisé avec des inconnus ; certains dîners se sont transformées en soirées dansantes, puis en petit-déjeuner. Donc oui Papa, mes futurs employeurs, cela signifie que j’ai eu des coups d’un soir. On m’a pris pour une critique gastronomique d’innombrables fois (donc d’innombrables réductions) et je me suis fait passer – un peu gênant mais cela en valait la peine – pour une designer, une professeure ou une philanthrope.

Pourquoi ? Je vous promets que ce n’est pas parce que je suis incapable d’interaction sociale. En réalité, alors que mon 30ème anniversaire et la fin de ma 6ème année à New York approchent, j’ai enfin une vie sociale riche et épanouissante. Il était temps. Non, c’est plutôt parce que c’est devenu une manière de prendre soin de moi, un temps pour moi. Alors que certains vont au sport (j’y vais aussi puisque bon, tous ces dîners), au spa, ou se baladent en ville, je vais au restaurant.

J’ai commencé à dîner seule il y a quelques années, alors que je voyageais beaucoup pour le travail et que je n’avais donc pas le choix. Ce n’était pas mes meilleurs moments : ils impliquaient un coût à faire peur de frais de room service, la compagnie du câble à la télé et une robe de chambre en tissu-éponge pas très à la mode. J’étais trop intimidée pour demander une table pour un dans une ville que je ne connaissais pas donc je choisissais d’emblée la livraison dans ma chambre d’hôtel, mais il ne m’a pas fallu longtemps pour apprendre le “On n’a rien sans rien”. J’étais dans de superbes pays ou continents étrangers (l’Ohio compte, n’est-ce pas ?) et je gâchais cette belle opportunité de découverte en prenant un repas pas bon et trop cher à l’intérieur d’un Holiday Inn. Je me suis donc aventurée à l’extérieur, prenant avec moi ma gêne et mes insécurités.
Je ne ferai pas semblant de me souvenir de l’endroit où j’ai pris mon premier repas seule, ni de ce que j’ai mangé, mais je n’oublierai jamais ce que je ressentais dans ces débuts. Les sensations traversaient tout mon corps : les pensées qui défilent, la chaleur dans la poitrine, les mains moites, les jambes qui s’agitent. Littéralement, je ne me sentais pas bien dans mon propre corps. Assumer ma solitude voulait dire laisser la place aux critiques. J’étais sûre que chaque personne autour de moi non seulement avait conscience de ma solitude, mais en plus la jugeait. Je pouvais sentir leurs regards sur moi et leurs jugements me brisaient le coeur avant même d’avoir commandé un apéritif.

Mais la solitude est comme un muscle, et il se fortifie quand on le travaille. J’ai pris conscience, avec le temps, que la plupart des gens ne se rendaient même pas compte de ma présence et que c’était moi la vraie critique, pas eux (une découverte utile, non ?). Et une fois que dîner seule dans d’autres villes est devenu facile, cela a été plus simple à faire sur mon propre territoire. Il y a trois ans, j’ai rendu officielle ma relation avec les restaurants de New York et nous sommes ensemble depuis.

Est-ce que j’aurais et est-ce que je pourrais savourer ces expériences avec quelqu’un ? Bien sûr. Mais je ne le fais pas, et c’est précisément le but. Mon habitude solitaire est un choix, qui ne dépend absolument pas de ma situation sentimentale. Je vais peut-être avoir un copain – cher Dieu, cher Internet, faites que cela arrive, j’espère vraiment en avoir un – mais la relation la plus importante que j’ai est, et restera toujours, celle que j’ai avec moi-même (merci, Reine von Furstenberg). Cela ne veut pas dire que je n’ai pas, comme tout le monde, les désirs humains d’être aimée, appréciée, adorée, nécessaire à quelqu’un et que ces besoins sont comblés – si. ( Et par besoins, je veux juste dire des rapports sexuels à l’occasion, et des câlins fréquents, je n’en demande pas beaucoup là, dites). J’espère vraiment qu’un jour je vais rencontrer quelqu’un avec qui partager ma vie et toutes ces aventures. Mais c’est précisément pour ça que je continue avec dévouement à dîner seule. C’est grâce à ces moments sans filtre, sans pression, sans distraction, que je peux avoir une relation intime et saine avec moi-même afin de nourrir ce qui me permettra, à terme, d’être une meilleure partenaire, une meilleure amie, soeur, fille ou femme d’affaire.

Chaque lundi j’attends avec impatience le jeudi. Mon monde tourne autour de ça. Je suis excitée par toutes les décisions et incertitudes que cela implique. J’aime choisir le quartier selon l’humeur dans laquelle je suis, ou celle que je veux créer, ou peut-être en fonction du type de gens que je veux rencontrer ou éviter. J’adore choisir ma tenue et j’ai noté que je suis plus sûre de mes choix lorsque je ne m’habille que pour moi. Et puis je porte même du mascara et du parfum, choses que je réserve le reste du temps aux grandes occasions. Et ensuite il y a toutes les choses que je ne sais pas et qui peuvent m’exciter, comme qui je vais rencontrer, à quel point je vais aimer la nourriture ou quelles nouvelles saveurs je vais découvrir. La nuit est un séduisant mystère, créé entièrement pour moi.

Mais, plus que tout, Solo Date Night est devenu une part importante de qui je suis puisque cela me permet régulièrement de m’entraîner à rester attentive. Non seulement je me connecte davantage avec moi-même, mais aussi avec mon environnement. Je suis contrainte d’observer et d’absorber ce qui m’entoure en faisant attention aux détails. Je peux vous dessiner les tatouages du chef à Hemlock ou les lampes d’Estela. Je peux décrire l’intensité et la confusion du makhan malai, avec du lait de safran, des pétales de rose cassantes et de l’amande à Indian Accent. Et bien sûr, je peux vous dire quels restaurants ont les barmen les plus mignons et charismatiques pour vous distraire (tousse, Flora Bar, tousse).

SDN m’a appris à me concentrer et à faire le filtre, à étouffer la voix de mon critique intérieur et à me rendre disponible aux découvertes avec ceux qui m’entourent. L’acte apparemment simple de m’accorder chaque semaine un repas de luxe m’a apporté une immense joie ainsi qu’un nouveau sens de l’indépendance. Cela m’a donné un temps où je suis 100% égoïste, sans interruption, avec moi-même : le temps est devenu une vraie denrée rare, maintenant qu’il devient de plus en plus un luxe pour notre génération.

Que vous rechigniez à la simple idée de faire quoi que ce soit où il ne faut pas être au moins deux ou que vous soyez un voyageur solo expérimenté, je suis là pour vous dire que ce n’est pas simplement OK ou acceptable, mais un choix qui devrait être célébré, de sortir et de découvrir le monde sans attendre qu’on vous rejoigne, de prendre du temps pour vous sans vous sentir coupable, au fond, de vous sortir du quotidien de temps en temps – et d’explorer la façon dont un investissement dans votre relation avec vous-même est au fond un investissement dans toutes les autres parties de votre vie, qui vous donne la force d’avancer clairement et de façon décidée.

Donc oui, il n’y a que moi. Merci.

__________

Emily Schildt est une consultante pour le marketing des marques et écrivain freelance. Elle passe beaucoup de temps seule parce qu’elle aime ça. Il paraît que cela rend ses Stories vraiment formidable. Suivez-la dans tous ses voyages, ses lectures ou ses balades au supermarché sur Instagram, ici !

12 comments

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  • Love this ! The part about “being alone is a muscle…….”so true! A few years ago I wouldn’t have imagined that I would have so much fun alone and could feel so at ease. What a gift!

  • Hi Emily – you’ve written a lovely tribute to the pleasures of one’s own company and in the process, revealed yourself to be great company. The boyfriend will come, the work will come, all the pieces will fall into place. It may not be a linear process but you are launched and the time alone you’ve carved out – and the pleasure you take in it – will serve you well.

    Congratulations and all best,

    From an older woman who loves her life, her social time and her alone time

  • Lamartina Emilie 28 juillet 2018, 3:30 / Répondre

    Thanks for this refreshing post.So true the solitude as a muscle.Everything comes by time.Sometimes (as a past single women for aaages)you wonder why I am alone,why I don’t have the right job,why I am not in the right band of friends…Why why why.Then you realize there is no hasards but a time for everything.So true what you say.To be the best companion for ourselves first,then for the rest of the world:)

  • Emily, I loved your article. These are exactly the revelations that I discovered for myself in the past few years. We are so lucky to realize in this very young age that these treasures are prizes of our own personal experiences and no one can take them away.

  • Rachelle 1 août 2018, 1:05 / Répondre

    Thank you for this post! Any tips on how to have a successful SDN, for those of us who want to try it out?

  • Thank you so much for this post. It’s so relatable. Having just just moved countries again, by myself, being alone is most of the time my only option. It’s both confronting and empowering. It’s so lovely hearing from you how you embrace this choice.

  • Very cool. I’ve never made it much of a ritual but certainly have learned to appreciate it when it does happen, and do not avoid it. Definitely something slightly unsettling and vulnerable feeling about dining alone; it almost feels as if you’re suppose to feel apologetic, but really it’s no reason to miss out on spectacular food while traveling or to forgo opportunities to treat yo self at home!

  • I love the idea of a Solo Date Night. I dined alone a lot when I used to travel for work and really time alone to enjoy the experience. I’ll have to make it a priority now that I’m not traveling.

  • Fucking amazing !! Clap clap clap clap CLAP!

    I started SDN’ing at a young age when I realized I had more fun on my own than with my catty group of high school girlfriends ! Blessed to have learnt this at a young age – teaching the importance of SDN will def be in the curriculum one day ! My faith in my ability to SDN with pride & joy just led me on a solo trip to Japan. A marriage proposal from a sashimi chef, a daily feeling of exhilaration, and a trip that was done in purely my fashion — slowly, deeply, spontaneously, reflectively, & hilariously – was the reward for my faith in SDN and the glorious memories that it breeds. May we all SDN in ESSENCE, every.damn.day!

    It sure does make a girl smug ??

  • Cet article me réconforte dans le fait que je ne suis pas la seule illuminée à aimer manger seule ou profiter d’un moment en terrasse seule. Et comme toi, je l’expérimente depuis peu dans ma propre ville, mais ça va c’est une grande ville donc il y a beaucoup d’opportunités pour découvrir de nouveaux endroits.

    En tout cas, j’encourage toutes les filles à tester ce type d’expérience, vous serez surprises des bonnes choses que cela peut vous procurer ! Et notamment un regain de confiance en soi :)

    Créatrice de @BigSister_journal

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