Let’s Talk About Sex
6 years ago by
Il y a quelques semaines, je me suis retrouvée seule à siroter un martini chez Arthur’s Tavern, dans West Village, un vendredi soir.
Si vous vivez à New York et ne connaissez pas encore Arthur’s, je viens juste de vous faire un énorme cadeau. Arthur’s est un vieux club de jazz tout en bois. En entrant, difficile de ne pas s’imaginer immédiatement en robe cintrée à pois, avec des Mary Janes à petits talons aux pieds.
Il y a des concerts tous les soirs, et c’est vraiment de la bonne musique. Le genre de musique qui ne vous donne pas d’autre choix que d’apprécier le moment, tant la situation est unique et irrésistible.
Et puis Kay, l’une des meilleures barmaids que j’aie rencontrées, tient son établissement d’une main de fer.
Mais revenons-en à moi… et mon martini.
Quand on est seul(e) à un bar avec un martini, voilà ce qui arrive le plus souvent. On descend la première moitié de son verre à toute vitesse parce qu’on trouve ça un peu étrange d’être seule dans un bar, un vendredi.
Mais ensuite, cette première moitié de martini commence à faire son effet – c’est du gin pur, ne l’oublions pas – et on se rend compte qu’il va falloir ralentir la cadence pour la seconde moitié.
Et c’est là que les bonnes choses commencent à arriver. On se détend, on commence à s’habituer à l’environnement, et on s’installe… avec soi-même. (Parce qu’on n’est jamais vraiment tout seul, en fait, on est en rendez-vous avec soi-même : voilà une petite astuce qui m’a permis de traverser avec classe n’importe quel moment de solitude.)
J’étais donc là, assise avec moi-même au fond du bar, avec une vue imprenable sur tout l’établissement. C’était un vendredi soir, et la première vraie nuit printanière de New York.
Evidemment, tout le monde transpirait le sexe. Les arbres étaient en fleur, et les humains bourgeonnaient aussi : la ville et tous ses habitants n’étaient qu’hormones en ébullition.
90% du public était assis mais tout le monde dansait avec son voisin de table. Vous voyez très bien de quelle danse je veux parler : celle du “flirt”. Une de mes activités préférées au monde…
Quand un homme sait flirter (et c’est un art véritable, qui requiert un vrai sens de l’humour, de l’esprit, et de la patience), le flirt en lui-même est parfois même encore meilleur que le sexe ; et parfois aussi, c’est juste une introduction à d’autres choses que l’homme maîtrisera tout autant.
C’est toujours un pari.
Et il y avait beaucoup de gens qui pariaient à Arthur’s Tavern ce soir-là. Certains avaient mis tous leurs jetons sur la table : ils en étaient certainement à leur second ou troisième rendez-vous. Ils s’embrassaient de temps en temps, lui était suffisamment à l’aise pour la toucher mais aussi pour garder ses distances. Leur danse était plutôt bien rodée.
Pour les autres, c’était juste un coup de chance au blackjack. Un autre rendez-vous Tinder. Leur première rencontre : une conversation banale, quelques blagues, jusqu’au moment où chacun des protagonistes évalue combien l’autre est capable de boire pour tourner la nuit à son avantage.
Ou l’art de voir un avenir dans le simple fait de s’attirer l’un vers l’autre sur le perron d’un immeuble, pour un parfait baiser new-yorkais…
Mais qu’importe le montant du pari, tout le monde avait le même but.
Le Sexe.
Ce qui, quand on y pense, est plutôt impressionnant. Notre unique but commun, un vendredi soir, après une longue semaine de travail, est de nous retrouver dans la position la plus vulnérable qui soit, dans l’espoir de sentir approuvé.
Observer tout ce monde qui flirtait me fit penser au si brillant Oscar Wilde et son fameux “Tout dans la vie est sexe, sauf le sexe. Le sexe, c’est du pouvoir.”
Au fond, c’est vrai : une fois qu’on passe du flirt au sexe, les intentions de chaque personne autour de cette table de poker changent soudainement.
Parce qu’une fois qu’on est dans l’acte sexuel, notre bagage entre en collision avec le bagage de quelqu’un d’autre. C’est comme deux plaques tectoniques qui se heurtent : soit l’une va couler sous l’autre (pouvoir), soit les deux vont se frapper frontalement pour former une montagne (pouvoir partagé), ou bien elles vont s’entrainer mutuellement dans un fossé (et là, personne ne gagne).
Mais je dois vous avouer quelque chose : au moment même où toutes ces plaques tectoniques glissent et défilent, malgré mon féminisme sans remords, la dernière chose à laquelle je pense pendant le sexe est “j’espère qu’il me respecte pour mon âme et mon esprit”.
Voilà pourquoi j’aime tellement Nora Ephron. (Ok, je l’aime aussi pour plein d’autres raisons. Elle nous a offert Quand Harry rencontre Sally ou l’art de porter le col roulé noir, pour ne citer que quelques-uns de nos trésors nationaux.)
Mais Nora m’a aussi offert autre chose, quelque chose de plus surprenant.
En une ligne, elle m’a soufflé que mes fantasmes sexuels étaient normaux.
Dans son ouvrage “Crazy Salad : Some Things about Women”, elle déclare : “Dans mes fantasmes, personne ne m’aime pour mon esprit.”
Quelle folle libération !
Et c’est tellement vrai. Lorsqu’il s’agit de sexe, un compliment sur mon esprit est tout sauf un excitant… En fait, j’ai juste envie d’oublier totalement mon cerveau. Je ne veux pas être dans ma tête, je veux être dans mon corps.
Nora est complètement d’accord, puisqu’elle continue…
“Je n’ai jamais révélé à personne les détails précis de mes fantasmes. Je les ai presque tous racontés une fois à mon ancien psy ; il est mort l’année dernière, et lorsque j’ai vu sa nécrologie, j’ai ressenti un réel soulagement.
Quoi qu’il en soit, sans dévoiler trop de détails croustillants, je peux vous dire que dans les grandes lignes, il s’agit de scénarios de domination par des hommes sans visages qui me déchirent mes vêtements. Fantastique.”
Fantastique, je n’en doute pas une seule seconde, Nora.
Mais le sexe, c’est bien plus que l’acte en lui-même. C’est le frisson à la réception d’un message. L’effleurement parfait de nos bras. Un regard qui s’attarde. C’est rentrer chez soi en marchant un peu plus lentement parce que le trottoir est humide, l’air lourd et qu’il est encore suffisamment tôt pour prendre son temps.
Le sexe, c’est l’espoir. C’est aussi le mystère, les odeurs, l’extase enrubannée.
Un nœud qui n’attend que d’être défait en tirant sur un ruban rouge. Le sexe, c’est la tentation.
J’écris ça parce que, par-dessus tout, le sexe est humain. Et on a besoin d’en parler davantage.
On a besoin d’être à l’aise avec le fait d’en parler. On a besoin d’avoir le bon vocabulaire, les bons mots pour dire quand on aime ça, ou, encore plus important, quand on n’aime pas.
L’article “Cat Person” du New Yorker par Kristen Roupenian a fait le tour d’internet à la fin de l’année dernière. Il suit les pensées intimes d’une femme qui navigue entre les rendez-vous avec un homme dont elle n’est pas sûre ; elle hésite et oscille sur son attirance, et se retrouve pourtant au lit avec lui.
A ce moment-là, elle pense :
“… L’idée de ce que cela nécessiterait pour arrêter ce qu’elle avait lancé la submergeait. Cela demanderait tellement de tact et de délicatesse que l’idée lui sembla impossible à surmonter. Ce n’était pas qu’elle craignait qu’il lui forcerait la main, mais insister pour arrêter maintenant, après tout ce qu’elle avait fait pour que cela arrive, la ferait passer pour une enfant gâtée et capricieuse. Comme s’il s’agissait de commander un plat au restaurant et de renvoyer la nourriture en cuisine à la seconde où elle se trouve sur la table.”
Je pense que “Cat Person” a eu du succès parce que de nombreuses femmes ont pu s’identifier.
C’est un domaine dans lequel on n’a pas toujours les mots pour faire les bons choix.
Il y a un tas de mots dans d’autres langues qui n’ont pas leur équivalent en anglais.
Comme sobremesa, un mot espagnol pour exprimer ce délicieux moment après un repas, lorsqu’il n’y a plus rien à manger mais que la conversation continue à table, ou tsundoku, un mot japonais pour décrire le fait d’acheter un livre, mais ne pas le lire et le laisser rejoindre la pile des autres livres non lus – je plaide coupable.
J’adorerais qu’on puisse inventer un mot pour ce moment dont je parle plus haut. La légère hésitation avant de se lancer dans l’acte sexuel, après avoir fait toute la chorégraphie en direction de la chambre. Obtenir quelque chose qu’on croit vouloir mais qu’on ne veut en fait plus, et qu’on renvoie poliment.
Bien évidemment, une femme n’a jamais besoin d’être polie pour dire qu’elle ne souhaite pas avoir une relation sexuelle. Elle peut dire non de toutes les manières qu’elle souhaite, mais c’est parfois difficile pour certaines d’entre nous, juste parce que nous sommes conditionnées à être toujours polies. A ne pas “faire d’histoires”.
Bien sûr, parfois, il faut faire un scandale ! Mais parfois c’est juste difficile de trouver l’énergie ou le courage.
Oui, le sexe, c’est compliqué. Un vrai sac de nœuds, difficile et frustrant.
Mais je maintiens que le sexe, c’est aussi l’espoir. N’oublions pas que ça peut aussi être follement joyeux. C’est dans ces moments-là que je réalise pourquoi je tolère le reste de ma vie d’adulte – les factures, le boulot, le dentiste – j’accepte tout ça parce que j’ai aussi le droit d’aller flirter un vendredi soir dans un petit club de jazz qui s’appelle Arthur’s. Je peux participer à quelque chose de terriblement intime et humain, et j’adore ça.
Oui, les femmes adorent le sexe. Ça ne fait pas de nous des salopes, ni des traînées, ça fait juste de nous des êtres humains.
Et bon sang, c’est le printemps, après tout. Laissons parler nos hormones.
Mais continuons à parler de sexe.
Peut-être même que vous finirez par inventer cet insaisissable mot qu’il nous faudrait pour définir cette zone d’ombre, pour que nous puissions profiter des bons côtés, encore et encore.
This is such a great piece. Thank you for putting this eloquent essay out there, Veronica.
*clapping emoji*
You are a really compelling writer. Thank you for this piece.
Wonderful writing , exceptional post , ! My comment as a gay guy is . As the late great Joan Rivers said “ No man ever put his hand up a woman’s skirt looking for a library card.”
My world does not include this type of dating described , it’s fascinating.
Jandrew
Dress The Part
http://www.jandrewspeaks.com
I ve been discussing this with my boyfriend over and over, since he is an almost dogmatic supporter of the whole #metoo thing while I insist on women’s (people’s) responsability to set priorities, gain an attitude and not to trade these at any time for whatever profit. May it be liking, money, a job, a drink. And I can say that, I am a woman, I have made some stupid transactions.
The other side is the man, just as emotional, vulnerable and confused as any woman. This is usually masked by an completely different behavier than a woman’s according to society’s expactations. Why wouldnt he appreciate an honest and open request to slow it down a bit? We all have to learn to realise and communicate our needs in a way that still respects the other one as a subject.
I love this essay.
Two small nit picks: 1) Sometimes tectonic plates just rub against each other without doing much but making earthquakes (see: San Andreas). This seems like a useful metaphor for quality casual sex and might help your thinking about power and sex – it doesn’t have to build up or degrade, it can just be, under very rare circumstances.
2) I love the descriptions here, but most of it isn’t sex… it’s new sex. The dance, the baggage, the how to say yes or no. Let’s just say, I’ve long since learned how to ask my husband for sex, and how to say no to it in a way that won’t hurt his ego. Sex in marriage is its own, fascinating thing. Not so much hope-in-a-bow, but (at its best) just as brain-freeing. There is nothing like the feeling of the worries of the week slowly unknotting themselves as you touch, and there is no word for the specific mixture of cozy-pajamas familiarity and loin-melting sexiness that can come together when you finally have time to get naked.
So, yeah, there’s that sex too.
Thank you for your honesty and insight. After a long hiatus from dating, divorced after 17 years married plus five dating before that, I’ve all but forgotten the importance of the art of flirting. When you’re older and dating you automatically get 10 steps ahead for yourself, are we compatible, will his kids like mine and on and on, instead of going with the flow and practicing the art of flirting. And just let it happen, or not!
such an artful and honest expression– thank you!
That was brilliantly written. I hope you’re writing a book, as I’m sure it would be equally engaging.
Cest magnifique. When I grow up I wish to write this well. I read it twice and I am thinking of that word.
Holy shit I’m old. I have no idea what you’re talking about.
That was so articulicious. I read it outloud to my soon to be wife and we loved it.
I love it – I would love you to keep talking about sex :) !
Thank you for this! Cleverly written and engaging the whole way through :) xx
Superbly written .
Has a great in depth study of mind …body…psycology …
…
I don’t get the « sex is hope » thing. Hope for what? More sex? More one night stands? What?
Would it make more sense to you if instead she wrote « optimism » instead of « hope »? Because for many, the word « hope » and the word « want » are not the same. Hope is a more generalized way of being and acting optimistically – like the world could get better, like two people really can connect.
Sex can be magical but other times it is ordinary (even sad). When you have sexe you hope for that magic.
Here is the perfect sound track: https://video.search.yahoo.com/search/video?fr=mcafee&p=the+lusty+month+of+may+youtube#id=1&vid=e34247aa5760bb1cb47f22c266e83f07&action=click
I loved the way you put things in perspective. So true. Thank you, amazingly written. ?
Words come to life. Thank you.
Thank you for this, Veronica ! So accurate.
Beautifully written – and as a previous poster remarked, I do hope you’re writing a book!
Dang, I wish I had the nerve to have a cocktail in a bar by myself! I can do dinner with ease at a bar, but to simply drink takes a different sort of swag.
Terrific piece. I will be on the look out for more of your writing, thank you!
En français il y a un mot pour les femmes qui jouent le jeu de la séduction, qui s’amusent à séduire, et qui décident ensuite d’en rester là et de ne pas faire l’amour : on les appelle des allumeuses. Ce mot est à connotation péjorative et il est un point de vue définitivement masculin-dominant : s’il y a drague, il doit y avoir sexe. J’ai envie de dire merci à Veronica de nous faire voir l’autre côté de la médaille et de réhabiliter l’allumeuse !!
Wow – I am in love with your writing. I’m happily going to seek out more of it. Beautifully written piece on my favorite topic – sex.