{"id":816,"date":"2008-07-07T07:57:05","date_gmt":"2008-07-07T05:57:05","guid":{"rendered":"https:\/\/www.wearedore.com\/2008\/07\/07\/loin-de-tout\/"},"modified":"2013-03-29T12:54:22","modified_gmt":"2013-03-29T16:54:22","slug":"loin-de-tout","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/photos\/loin-de-tout\/","title":{"rendered":"Loin de tout"},"content":{"rendered":"

Pour la premi\u00e8re fois, je marche sur ses terres, celles o\u00f9 elle a tenu \u00e0 revenir, celles o\u00f9 des gens que je ne connais pas l\u2019aiment aussi. Je les ai rencontr\u00e9s aujourd\u2019hui. Ils m\u2019ont accueilli avec un th\u00e9 \u00e0 la menthe br\u00fblant et des mets que je n\u2019avais jusqu\u2019\u00e0 lors jamais mang\u00e9 ailleurs que dans la fra\u00eecheur de sa cuisine.<\/p>\n

On ne se comprends pas, je ne parle pas leur langue. Ma m\u00e8re traduit, et moi, je souris.<\/p>\n

La maison est grande et belle. On marche pieds nus sur de grands carrelages color\u00e9s. On se r\u00e9unit dans un petit patio ombrag\u00e9. Il n\u2019y a qu\u2019\u00e0 tendre la main pour cueillir des figues et des grenades.<\/p>\n

Parfois, on pleure. Mais la plupart du temps, des rires fusent dans tous les coins. Les enfants courent apr\u00e8s les poules et les adultes s\u2019affairent : il faut tout pr\u00e9parer pour le grand jour, demain. Demain.<\/p>\n

Samedi : j\u2019ai ouvert grand les rideaux et devant moi s\u2019\u00e9tendait la mer, lumineuse, \u00e0 perte de vue. J\u2019ai mang\u00e9 un petit pain \u00e0 la semoule, bu un grand caf\u00e9 en regardant le vol compliqu\u00e9 des mouettes. Puis je me suis habill\u00e9e en blanc et nous sommes partis.<\/p>\n

Apr\u00e8s une demi-heure d\u2019une route sinueuse, nous arrivons. Nous passons de bras en bras. On me serre tr\u00e8s fort, on me chuchote \u00e0 l\u2019oreille des pri\u00e8res que je ne comprends pas. Tout le monde est v\u00eatu de blanc. Une petite fille cherche mon regard. Elle porte une robe qui me rappelle celles que je portais, enfant. Je lui souris. Elle ne l\u00e2chera pas ma main de journ\u00e9e. Sauf parfois, pour rire et jouer.<\/p>\n

Puis le cercueil de ma grand-m\u00e8re arrive et c\u2019est le silence. Soudain, la br\u00fblure que j\u2019attendais depuis quelques jours m\u2019\u00e9treint. Je serre ma m\u00e8re tr\u00e8s fort dans mes bras.<\/p>\n

Dimanche : je commence \u00e0 m\u2019habituer aux odeurs ent\u00eatantes, \u00e0 la lumi\u00e8re intense, au rythme saccad\u00e9 de ce pays. J\u2019avais toujours eu peur de ce que je pourrais trouver ici. L\u2019histoire de ma famille, si compliqu\u00e9e, aux fils si soigneusement emm\u00eal\u00e9s par ma grand-m\u00e8re qui n\u2019aimait rien plus que de cultiver les myst\u00e8res m\u2019avaient toujours fait redouter le pire.<\/p>\n

J\u2019imaginais un pays sauvage, une famille au regard r\u00e9probateur. Je n\u2019ai trouv\u00e9 que gr\u00e2ce et gentillesse. Si j\u2019ai compris pourquoi ma grand-m\u00e8re avait voulu partir, j\u2019ai aussi compris pourquoi elle avait demand\u00e9 \u00e0 venir reposer ici. Elle dort sous une terre fertile, au pied d\u2019un olivier qui fait face \u00e0 la mer.<\/p>\n

Je ne sais pas si je reviendrais, mais je suis heureuse de l\u2019avoir accompagn\u00e9e jusqu\u2019ici. Je suis heureuse qu\u2019elle m\u2019ait forc\u00e9 le pas, elle qui avait toujours voulu m\u2019emmener avec elle. Je suis heureuse parce que je sais qu\u2019elle le serait. Je suis heureuse parce que les choses sont en ordre, inond\u00e9es d\u2019amour, dans toute leur tristesse et leur beaut\u00e9.<\/p>\n

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