{"id":284895,"date":"2019-09-27T09:26:48","date_gmt":"2019-09-27T13:26:48","guid":{"rendered":"https:\/\/www.wearedore.com\/?p=284895"},"modified":"2019-09-27T13:57:05","modified_gmt":"2019-09-27T17:57:05","slug":"emily-spivacks-accessible-archives","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/features\/emily-spivacks-accessible-archives\/","title":{"rendered":"Emily Spivack’s Sartorial Storytelling"},"content":{"rendered":"
Emily Spivack n\u2019\u00e9tait pas obs\u00e9d\u00e9e par la mode au d\u00e9but de sa carri\u00e8re. Elle ne suivait pas en d\u00e9tail les mouvements des designers ou les derni\u00e8res tendances de la rue.<\/p>\n
Mais elle est fascin\u00e9e par les v\u00eatements. Ou, plus pr\u00e9cis\u00e9ment, par la capacit\u00e9 de nos v\u00eatements \u00e0 conserver des souvenirs, \u00e0 communiquer une identit\u00e9, \u00e0 transformer une exp\u00e9rience v\u00e9cue en objet tangible.<\/p>\n
Emily a fait de cette fascination sp\u00e9cifique un cr\u00e9neau pour sa carri\u00e8re, au croisement de l\u2019histoire, de l\u2019art, de la curation artistique, des \u00e9tudes culturelles, de la psychologie, du design et oui, de la mode.<\/p>\n
Elle a publi\u00e9 deux best-sellers (Worn Stories<\/a><\/em> et Worn in New York<\/a><\/em>), \u00e9crit pour le New York Times (sa rubrique s\u2019appelle \u201cThe Story of a Thing<\/a>\u201d et elle est g\u00e9niale), elle a cr\u00e9\u00e9 d’innombrables archives en ligne, l\u2019installation \u201cMedium White Tee<\/a>\u201d d\u00e9di\u00e9e au pr\u00e9sident Obama, et plus encore.<\/p>\n C\u2019est donc peu dire que j\u2019admire son travail.<\/p>\n A la fac, apr\u00e8s avoir rendu la dissertation la plus importante de mes \u00e9tudes qui visait \u00e0 d\u00e9montrer que les v\u00eatements servent \u00e0 marquer, \u00e0 montrer les limites des classes sociales, ma meilleure amie m\u2019a offert un livre pour me f\u00e9liciter. C\u2019\u00e9tait le livre d\u2019Emily Spivack, Worn Stories<\/em>. Ironiquement, je l\u2019avais m\u00eame cit\u00e9e dans ma dissertation.<\/p>\n Alors, avoir la chance de passer une matin\u00e9e pluvieuse avec Emily dans son caf\u00e9 de quartier \u00e0 lui poser des questions sur la mode (et pas la Mode !), c\u2019\u00e9tait vraiment un accomplissement, un vrai cadeau.<\/p>\n Linne : Commen\u00e7ons par parler de ta carri\u00e8re. Quelles \u00e9tudes as-tu faites et comment en es-tu arriv\u00e9e l\u00e0 ?<\/strong><\/p>\n Emily<\/strong> : A la fac, je faisais des \u00e9tudes de s\u00e9miotique visuelle et de th\u00e9orie de l\u2019art. Je faisais de l\u2019art. Je viens clairement du monde de l\u2019art. Quand j\u2019\u00e9tais \u00e0 la fac, j\u2019ai fait un stage avec un cr\u00e9ateur de mode – j\u2019ai essay\u00e9 des choses qui s\u2019inscrivaient plus dans l\u2019univers traditionnel de la mode mais \u00e7a ne me correspondait pas vraiment.<\/p>\n Quand j\u2019\u00e9tais \u00e0 la fac, j\u2019ai fond\u00e9 une organisation caritative pour aider les femmes qui souffrent de cancer \u00e0 g\u00e9rer leurs probl\u00e8mes d\u2019image corporelle en se servant des v\u00eatements pour aller mieux. Je me suis donc toujours int\u00e9ress\u00e9e aux v\u00eatements comme outils. Quand j\u2019\u00e9tais jeune, j\u2019allais dans des friperies et je me servais des v\u00eatements comme d\u2019un moyen d\u2019expression. Mais la vision traditionnelle de la mode ne me correspondait pas. Je crois que \u00e7a m\u2019a oblig\u00e9e \u00e0 me demander quelle relation je voulais avoir avec la mode, comment m\u2019investir dedans.<\/p>\n Durant ma carri\u00e8re, il y a eu des moments o\u00f9 ce que je faisais n\u2019avait rien \u00e0 voir avec les v\u00eatements. J\u2019\u00e9tais impliqu\u00e9e dans l’entrepreneuriat social, je cr\u00e9ais diff\u00e9rents sites. Mais pendant que je faisais \u00e7a, je continuais \u00e0 travailler la nuit et le weekend sur mes propres projets cr\u00e9atifs.<\/p>\n J\u2019ai habit\u00e9 pendant une courte p\u00e9riode \u00e0 Philadelphie. J\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 travailler sur Sentimental Value<\/a>, un de mes premiers projets, qui est aujourd\u2019hui lanc\u00e9. \u00c7a a commenc\u00e9, comme souvent chez moi, par un int\u00e9r\u00eat pour la mode, une obsession, la volont\u00e9 d\u2019aller jusqu\u2019au bout\u2026<\/p>\n J\u2019ai toujours \u00e9t\u00e9 vraiment intrigu\u00e9e par eBay – ce que les gens vendent sur eBay – et je suis devenue de plus en plus curieuse des histoires que racontaient les gens en vendant des v\u00eatements. Quand je m\u2019y plonge en d\u00e9tail, je trouve des histoires incroyables – dans un espace d\u00e9di\u00e9 aux transactions financi\u00e8res, des histoires tr\u00e8s personnelles surgissent. Les gens voulaient partager ces histoires ! Et les questions qui m\u2019ont pouss\u00e9e jusqu\u2019ici : pourquoi est-ce qu\u2019ils s\u2019y sentaient oblig\u00e9s ? C\u2019\u00e9tait cathartique ? Un outil marketing – pour mieux vendre l\u2019objet ? Est-ce qu\u2019ils se sentent seuls ?<\/p>\n Je viens juste de commencer \u00e0 r\u00e9colter ces histoires. Je voulais les voir comme un recueil, donc je les ai mises sur un site. Une part importante de mon travail concerne la langue, le texte, la traduction, la mani\u00e8re dont les gens racontent leurs histoires.<\/p>\n Il y a une histoire avec ce mec, qui avait trouv\u00e9 plein de bas dans une grange d\u00e9saffect\u00e9e o\u00f9 il avait \u00e9t\u00e9 assistant sur le tournage de films pornos dans les ann\u00e9es 70. Comme c\u2019\u00e9tait ill\u00e9gal, ils jetaient tout \u00e7a dans des cachettes. Des ann\u00e9es plus tard, il y est retourn\u00e9 pour montrer \u00e7a \u00e0 quelqu\u2019un, a ouvert un des compartiments et a retrouv\u00e9 tous ces bas.<\/p>\n J\u2019ai r\u00e9colt\u00e9 cette histoire et je l\u2019ai mise sur le site. Et ensuite, je me suis dit que je voulais poss\u00e9der cette histoire. Le v\u00eatement en lui-m\u00eame ne m\u2019int\u00e9ressait pas, je voulais l\u2019histoire.<\/p>\n C\u2019est l\u00e0 que j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 ench\u00e9rir sur ces v\u00eatements et \u00e0 les collectionner. Ensuite, je les pr\u00e9sentais dans des galeries avec les histoires qui leur \u00e9taient associ\u00e9es. Je prenais quelque chose qui \u00e9tait en ligne et je le recontextualisais de plusieurs mani\u00e8res. Au d\u00e9but, je prenais quelque chose qui existait en ligne, je le recontextualisais, le reformatais, je me constituais ma propre archive et je pouvais ensuite jouer avec cette archive. Je crois que cette mani\u00e8re de travailler est tr\u00e8s pr\u00e9sente dans mon travail.<\/p>\n Ton travail est tellement ancr\u00e9 dans l\u2019id\u00e9e de production d\u2019archives et, en m\u00eame temps, dans l\u2019id\u00e9e de rendre la production d\u2019archives accessible – de la d\u00e9mocratiser. C\u2019est un travail qui est souvent masqu\u00e9 par des institutions \u00e9litistes, avec des curators intellos et des universitaires. Ton travail l\u2019expose publiquement. Je suis curieuse de savoir ce que tu en penses\u2026<\/strong><\/p>\n C\u2019est une \u00e9volution qui s\u2019est faite naturellement, mais je peux en dire deux choses. Ce qui m\u2019a en partie attir\u00e9e dans les v\u00eatements, c\u2019est que nous en portons tous. Je ne parle pas de la Mode, de la haute couture – nous portons tous des v\u00eatements tous les jours, nous cr\u00e9ons un lien avec nos amis, nous avan\u00e7ons dans le monde en portant des v\u00eatements. C\u2019est un interm\u00e9diaire dans tellement d\u2019exp\u00e9riences diff\u00e9rentes. En soi, c\u2019est quelque chose de tr\u00e8s accessible et d\u00e9mocratique.<\/p>\n C\u2019est s\u00fbr qu\u2019il y a beaucoup de choses dans la mode qui ne le sont pas. Mais en ce moment, nous sommes assises dans un caf\u00e9 \u00e0 regarder passer les gens – tout le monde porte quelque chose et ils ont fait le choix de porter cette chose. Que ce soit pour une question de confort ou de style – on peut voir les choses selon ces crit\u00e8res-l\u00e0, ou en fonction de l\u2019histoire d\u2019une pi\u00e8ce en particulier, comme le jean, ou en fonction des tendances. Nous sommes \u00e0 proximit\u00e9 d\u2019une \u00e9cole et tous les \u00e9l\u00e8ves portent le m\u00eame style de sacs \u00e0 dos, leurs jeans ont les m\u00eames ourlets. C\u2019est tr\u00e8s r\u00e9v\u00e9lateur de notre culture. D\u2019un point de vue anthropologique, sociologique. J\u2019aime le fait que ce soit accessible.<\/p>\n En ce qui concerne les archives, j\u2019aime rassembler des choses qui existent dans le monde, les organiser d\u2019une mani\u00e8re inattendue et vous les montrer de telle fa\u00e7on que vous pouvez les observer et d\u00e9celer des liens que vous n\u2019auriez pas vus autrement. Des choses qu\u2019on peut trouver en ligne. S\u00e9lectionner et choisir. Voir des motifs appara\u00eetre. \u00c7a m\u2019amuse beaucoup. <\/p>\n