\u00ab\u00a0>ras\u00e9 le cr\u00e2ne<\/a> il y a quelques mois, que j\u2019ai compris \u00e0 quel point j\u2019\u00e9tais devenue une marionnette, dans une pi\u00e8ce \u00e0 laquelle j\u2019essayais de me convaincre que je croyais. Des ficelles accroch\u00e9es \u00e0 toutes mes articulations, chaque mouvement \u00e9tait dict\u00e9 par les pouvoirs que j\u2019avais moi-m\u00eame laiss\u00e9 faire.<\/p>\nD\u2019aussi loin que je me souvienne, j\u2019ai toujours aim\u00e9 avoir de longs cheveux et je recevais des compliments \u00e0 ce sujet. J\u2019essayais de les laisser pousser autant que possible, je faisais syst\u00e9matiquement le test \u201cEst-ce qu\u2019ils touchent mes fesses?\u201d dans la douche, je me courbais de plus en plus pour essayer de toucher mes pointes – et oui, mes fourches – avec mes doigts, \u00e0 pencher de plus en plus le cou pour\u2026 Oui, \u00e7a touche.<\/p>\n
De temps en temps, apr\u00e8s les avoir laiss\u00e9 pousser pendant des mois, je leur faisais une bonne coupe. Je ne les ai jamais aim\u00e9s courts et j\u2019attendais simplement qu\u2019ils repoussent. Ce bouclier confortable qui entourait, hum cachait, mon visage disparaissait et je me sentais trop mal dans ma peau. La simple id\u00e9e de quelque chose de plus court qu\u2019un carr\u00e9, que je d\u00e9testais d\u00e9j\u00e0, ne me semblait m\u00eame pas envisageable. Si seulement j\u2019avais su \u00e0 quel point une coupe ras\u00e9e m\u2019irait bien\u2026<\/p>\n
Ma m\u00e8re a toujours encourag\u00e9 mes envies de changement de coiffure puisqu\u2019elle en a eu beaucoup elle-m\u00eame, et elle en a encore. J\u2019admirais ses aventures capillaires et son attitude \u00e0 son sujet quand je regardais de vieilles photos d\u2019elle pour voir toutes ses transformations capillaires. Elle n\u2019avait jamais \u00e9t\u00e9 du genre \u00e0 ob\u00e9ir \u00e0 quelqu\u2019un, ou \u00e0 l\u2019\u00e9couter. Une fois, elle s\u2019est fait faire une permanente comme cadeau d\u2019anniversaire POUR MON PERE, pendant qu\u2019ils sortaient ensemble au coll\u00e8ge, \u00e0 son grand d\u00e9sarroi. Possible de faire plus badass que \u00e7a ? Elle ne s\u2019en souciait absolument pas. Et ma pr\u00e9f\u00e9r\u00e9e, c\u2019est sa \u201ccoupe gar\u00e7on\u201d, comme elle l\u2019appelle, la coupe assortie \u00e0 son style vestimentaire gar\u00e7on manqu\u00e9. Elle a port\u00e9 avec \u00e9clat cette coupe courte de la fin de ses \u00e9tudes jusqu\u2019au jour de son mariage, au d\u00e9but des ann\u00e9es 90. Une femme libanaise grecque orthodoxe qui \u00e9pouse un homme musulman et palestinien, et qui porte l\u2019iconique coupe \u00e0 la Di Caprio (et tout particuli\u00e8rement dans ce magazine pour ados Big Bopper). Les degr\u00e9s de d\u00e9fiance, de r\u00e9sistance et de choix me laissent toujours b\u00e9ate d\u2019admiration\u2026 il y a bien longtemps que cette marionnette \u00e9tait ind\u00e9pendante.<\/p>\n
En plus de me prouver qu\u2019on pouvait porter toutes les coiffures que l\u2019on voulait – \u00e9galement une belle le\u00e7on de prise de risque – le d\u00e9nominateur commun, c\u2019est qu\u2019elle est pass\u00e9e par tous ces changements sans pr\u00eater attention \u00e0 l\u2019opinion des autres, tout en repoussant ses propres limites et en abandonnant aussi son propre jugement. Apr\u00e8s tout, ce sont ses cheveux, et qui d\u2019autre a son mot \u00e0 dire ? Si seulement c\u2019\u00e9tait aussi simple. Pourtant, cette simplicit\u00e9 est exactement ce que je voulais.<\/p>\n
La personne avec le plus d\u2019id\u00e9es sur le sujet \u00e9tait ma teyta (ma grand-m\u00e8re). M\u00eame s\u2019il ne s\u2019est jamais pass\u00e9 une journ\u00e9e sans qu\u2019elle ne me fasse des compliments et ne m\u2019aime, elle a instill\u00e9 en moi l\u2019id\u00e9e que j\u2019\u00e9tais belle gr\u00e2ce \u00e0 mes cheveux longs.<\/p>\n
Elle l\u2019a appris, m\u00eame si je ne voulais pas lui dire car j\u2019avais peur de revenir ramper dans le confort o\u00f9 ses ficelles attach\u00e9es aux normes de genre m\u2019avaient maintenue. Elle a caress\u00e9 mes longs cheveux ondul\u00e9s blondis par le soleil qui avaient pouss\u00e9, comme nous le souhaitions toutes les deux. \u201cTu es une reine et tes cheveux sont ta couronne. Plus tes cheveux sont longs, plus grande est ta couronne, porte-les comme tels.\u201d Elle ne tirait pas seulement sur les ficelles de la beaut\u00e9 mais sur le r\u00e9galien, la dignit\u00e9, l\u2019amour-propre, le statut et la stature et pas seulement les miens, c\u2019\u00e9tait les siens aussi. Tout \u00e7a contenu dans la longueur de mes cheveux. La mani\u00e8re forte.<\/p>\n
Je voulais me montrer moi-m\u00eame, avec mes d\u00e9fauts, mes ins\u00e9curit\u00e9s, tous les creux et les recoins de mon visage et de ma t\u00eate. Et comme je suis un miroir de ma famille, une marionnette dans un groupe de marionnettes, cela voulait dire que j\u2019\u00e9tais devenue ind\u00e9pendante – une marionnette sans fils (c\u2019est une vraie expression en arabe, pour d\u00e9signer une personne rebelle et mal \u00e9lev\u00e9e, \u201cfilteneh\u201d). Comme si mes parents, et leurs parents, ne m\u2019avaient pas appris les bonnes valeurs – comme s\u2019ils m\u2019avaient abandonn\u00e9e. Ma grand-m\u00e8re avait encore une fois \u00e9lev\u00e9 une enfant rebelle qu\u2019elle ne pouvait pas contr\u00f4ler. Mais apr\u00e8s tout, le fait d\u2019\u00eatre rebelle \u00e9tait une valeur n\u00e9cessaire que mes parents m\u2019avaient apprise, \u00e0 la fois explicitement et implicitement.<\/p>\n
Cela a aussi soulev\u00e9 des questions sur ma sexualit\u00e9 et mon identit\u00e9. Arriver \u00e0 NYC et \u00e9chapper \u00e0 un environnement o\u00f9 les st\u00e9r\u00e9otypes de genre \u00e9taient plus forts. Les filles portent des jupes, les gar\u00e7ons des pantalons. Les filles sont mignonnes et d\u00e9licates, les gar\u00e7ons sont sportifs et machos. Les filles ont de longs cheveux, les gar\u00e7ons des cheveux courts. C\u2019\u00e9tait aussi un endroit o\u00f9 les gens s\u2019occupent de leurs propres affaires. \u00c7a m\u2019a donn\u00e9 l\u2019impulsion n\u00e9cessaire pour me d\u00e9tacher des liens que j\u2019avais fait entre ma f\u00e9minit\u00e9, mon genre, ma vie de femme et mes cheveux. Ma m\u00e8re avait commenc\u00e9 l\u2019aventure en desserrant les liens, elle m\u2019avait pr\u00e9par\u00e9e. Il fallait simplement que je fasse le pas suivant moi-m\u00eame.<\/p>\n
J\u2019avais pris ma d\u00e9cision et j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 de m\u2019amuser avec. Je n\u2019avais pas besoin de me soucier des d\u00e9g\u00e2ts pour mes cheveux puisque j\u2019allais tout couper de toute fa\u00e7on. D\u2019abord, j\u2019ai coup\u00e9 mes longues boucles (j\u2019ai encore la queue de cheval que mon amie Rose a gentiment coup\u00e9e avec ses ciseaux de cuisine). Ensuite, je me suis d\u00e9color\u00e9 les cheveux et finalement, je les ai teints dans une couleur verte\/turquoise marine. Il \u00e9tait temps.<\/p>\n
Je me suis retrouv\u00e9e, un mercredi apr\u00e8s-midi, assise devant le miroir sur le plancher de ma chambre, le rasoir de mon ami Austen dans la main droite. Je l\u2019ai appuy\u00e9 \u00e0 l\u2019arri\u00e8re de mon cr\u00e2ne, dans le dos, et la sensation des vibrations du rasoir contre mon cr\u00e2ne m\u2019a imm\u00e9diatement donn\u00e9 une pouss\u00e9e d\u2019adr\u00e9naline dans tout le corps. Je me tourne vers une autre m\u00e8che, et voil\u00e0, mon cr\u00e2ne. On m\u2019enlevait un poids, un poids beaucoup plus lourd que la m\u00e8che turquoise qui \u00e9tait tomb\u00e9e en d\u00e9sordre sur mes genoux. Et avant m\u00eame de m\u2019en rendre compte, je m\u2019\u00e9tais ras\u00e9 presque tout le cr\u00e2ne, sans m\u00eame avoir conscience du grand sourire qui me traversait le visage d\u2019une oreille \u00e0 l\u2019autre. Le clich\u00e9 de la catharsis que j\u2019exp\u00e9rimentais \u00e9tait tr\u00e8s r\u00e9aliste. Je n\u2019arrivais pas \u00e0 croire que j\u2019aimais vraiment ce que je voyais (et qui je voyais) dans le miroir, \u00e7a semblait tellement normal. Cette nouvelle confiance en moi qui rayonnait sur mon visage, avec mes traits et mes d\u00e9fauts en \u00e9vidence. J\u2019\u00e9tais invincible et on ne pouvait pas me convaincre du contraire. Je ne m\u2019\u00e9tais jamais autant sentie moi-m\u00eame qu\u2019\u00e0 ce moment, et je ne me suis jamais sentie aussi moi-m\u00eame depuis.<\/p>\n
Je me suis fait une coupe bleue \u00e9lectrique, un blond d\u00e9color\u00e9 et une coupe gar\u00e7onne brune depuis et j\u2019ai ador\u00e9 tous mes looks, fi\u00e8re de moi en portant ma couronne fi\u00e8rement, sans ficelles. La m\u00eame fiert\u00e9 avec laquelle je suis all\u00e9e voir ma grand-m\u00e8re, celle-l\u00e0 m\u00eame qui me complimente sur mes cheveux sur Facetime, dans l\u2019espoir que je les fasse repousser. Parce que je sais que \u00e7a ne va pas arriver tout de suite, ha.<\/p>\n
Et ce n\u2019est pas parce qu\u2019il y avait une part physique de moi en moins qu\u2019il y avait quelque chose en moins par rapport \u00e0 ce que les gens connaissaient. Au contraire, il y avait plus de moi, une image plus compl\u00e8te. \u00c7a ne veut pas dire que je n’aurai plus jamais de longs cheveux ou que j\u2019ai gu\u00e9ri toutes mes peurs et mes ins\u00e9curit\u00e9s, quand m\u00eame pas\u2026 mais c\u2019est le premier choix que j\u2019ai fait uniquement pour moi. J\u2019ai pu mettre en perspective beaucoup d\u2019autres d\u00e9cisions que j\u2019avais prises et que je continue \u00e0 prendre, et j\u2019essaie d\u2019aborder les choses avec la m\u00eame fiert\u00e9, la m\u00eame confiance en mon instinct. Je peux faire plus de mouvements d\u00e9sormais, et selon mes propres conditions.<\/p>","protected":false},"excerpt":{"rendered":"
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