R\u00e9cemment, j\u2019ai pris du poids.<\/p>\n
Peut-\u00eatre que vous vous en \u00eates rendus compte, peut-\u00eatre pas, mais moi je le sais, et je ne trouve pas \u00e7a tr\u00e8s grave. <\/p>\n
C\u2019est chiant, hein. De ne pas \u00eatre confortable dans nos fringues, c\u2019est chiant. De ne pas arriver \u00e0 se sentir bien dans ce qu\u2019on mange, c\u2019est chiant. De ne pas correspondre \u00e0 l\u2019id\u00e9al de beaut\u00e9 du moment, c\u2019est (pas si) chiant (en fait).<\/p>\n
M\u00eame si au fond, je sais que je suis bien. M\u00eame si je fais de l\u2019exercice et que je suis muscl\u00e9e, \u00e9nergique et en pleine sant\u00e9. Quand m\u00eame, c\u2019est chiant.<\/p>\n
En g\u00e9n\u00e9ral, j\u2019oscille entre deux r\u00e9actions possibles :<\/p>\n
1\/ M\u2019en vouloir car je n\u2019arrive pas \u00e0 mincir et \u00e0 contr\u00f4ler ce que je mange.
\n2\/ M\u2019en vouloir car je n\u2019arrive pas \u00e0 m\u2019accepter telle que je suis.<\/p>\n
Des milliards d\u2019ann\u00e9es lumi\u00e8re que c\u2019est le cas (\u00e7a a d\u00fb commencer vers l\u2019adolescence), cet exercice de balancier entre culpabilit\u00e9 et culpabilit\u00e9. J\u2019avais presque fini par accepter cette souffrance sourde, celle de ne jamais \u00eatre vraiment bien dans ma peau.<\/p>\n
Et puis ces derni\u00e8res ann\u00e9es, comme vous le savez, tout a vol\u00e9 en \u00e9clats<\/a>.<\/p>\n
D\u2019ailleurs, quand j\u2019ai quitt\u00e9 cette relation<\/a>, j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 de laisser mon corps tranquille. J\u2019avais un peu tout essay\u00e9 pour enfin me sentir en paix avec mon corps. Rien n\u2019avait march\u00e9. Acceptation, exercice \u00e0 outrance, r\u00e9gimes bien s\u00fbr. Je n\u2019ai jamais \u00e9t\u00e9 extr\u00eame car j\u2019aime trop la vie – j\u2019\u00e9tais \u00e0 un niveau tr\u00e8s commun de haine de soi, finalement, que je crois que beaucoup d\u2019entre nous connaissent.<\/p>\n
Et moi-m\u00eame, c\u2019est aussi mon moi-corps.<\/p>\n
J\u2019ai tout l\u00e2ch\u00e9, et j\u2019ai pris du poids.<\/p>\n
J\u2019ai pris du poids, huit kilos environ, et j\u2019ai essay\u00e9 de ne pas m\u2019affoler. D\u2019observer. Qu\u2019est-ce qui se passait en moi, comment les autres r\u00e9agissaient, comment j\u2019avais envie de m\u2019habiller, ce que je pensais de moi nue, comment \u00e7a affectait ma vie sexuelle<\/a>. <\/p>\n
Ce regard, de quoi est-il fait ? <\/p>\n
Ce regard est aussi fait de comment j\u2019ai \u00e9t\u00e9 regard\u00e9e.<\/p>\n
J\u2019avais une m\u00e8re<\/a> terroris\u00e9e de me voir grossir \u00e0 l\u2019adolescence, quand mon corps se cherchait. Je me souviens de mots qui m\u2019ont irr\u00e9m\u00e9diablement br\u00fbl\u00e9e, au plus profond. Aujourd\u2019hui, j\u2019ai des amies qui traversent ces difficult\u00e9s en tant que m\u00e8res et je sais que ce n\u2019est pas facile, de savoir quoi dire \u00e0 une enfant qui se cherche\u2026 Mais moi, si jeune, si je n\u2019\u00e9tais pas aim\u00e9e par l\u2019amour m\u00eame, si je n\u2019\u00e9tais plus parfaite aux yeux de ma cr\u00e9atrice, alors que me restait-il \u00e0 faire ?<\/p>\n
Et \u00e7a, pour moi, \u00e7a veut dire beaucoup.<\/p>\n
L\u2019anarchie, c\u2019est angoissant.<\/p>\n
Donc en ce moment, ce que je sais, c\u2019est que je ne sais rien. Ou presque.<\/p>\n