{"id":277575,"date":"2019-01-25T09:06:38","date_gmt":"2019-01-25T14:06:38","guid":{"rendered":"https:\/\/www.wearedore.com\/?p=277575"},"modified":"2019-01-25T09:13:06","modified_gmt":"2019-01-25T14:13:06","slug":"in-her-words-amelia-mularz-on-collecting-souvenirs","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/features\/in-her-words-amelia-mularz-on-collecting-souvenirs\/","title":{"rendered":"In Her Words: Amelia Mularz on Souvenirs"},"content":{"rendered":"
\u00c7a semble presque trop clich\u00e9, d\u2019\u00eatre journaliste de voyage et d\u2019avoir une passion compulsive pour les souvenirs de voyage, comme les p\u00e2tissiers qui ont un go\u00fbt insatiable pour le sucre. Bien s\u00fbr, les deux vont ensemble mais on pourrait partir du principe qu\u2019il y a quand m\u00eame un certain degr\u00e9 de professionnalisme, un peu de distance intellectuelle entre la carri\u00e8re et l\u2019engouement. Mais h\u00e9las, nous y voil\u00e0, et je porte un T-shirt Angkor Wat, des mocassins d\u2019une r\u00e9serve indienne du Wisconsin et un chouchou du d\u00e9sert de l\u2019Atacama<\/a> au Chili en \u00e9crivant ces lignes.<\/p>\n C\u2019est vrai, j\u2019adore tous les objets souvenirs. L\u00e2chez-moi dans un a\u00e9roport \u00e0 l\u2019\u00e9tranger, une aire de repos dans un parc national ou un march\u00e9 local et je trouverai quelque chose \u00e0 acheter. Utilisez l\u2019expression \u201cfait main\u201d et je vais commencer \u00e0 baver d\u2019envie (O\u00f9 ? Combien de cash est-ce que je devrais prendre ? Est-ce qu\u2019on peut acheter une valise suppl\u00e9mentaire dans cette ville ?). Passez voir mon appartement \u00e0 LA et vous trouverez suffisamment de babioles pour affoler une grand-m\u00e8re. Une statuette du Christ R\u00e9dempteur qui clignote rapport\u00e9e du Br\u00e9sil, une figurine de chaton appuy\u00e9 sur un sushi, du Japon, un paresseux en bois sculpt\u00e9 \u00e0 la main, du P\u00e9rou – ma maison, c\u2019est un peu les Nations Unies des babioles.<\/p>\n Je suis peut-\u00eatre la seule personne capable de ramener des souvenirs d\u2019un enterrement. \u00c7a m\u2019est d\u00e9j\u00e0 arriv\u00e9 deux fois, j\u2019ai un peu honte de l\u2019admettre. La premi\u00e8re fois, c\u2019\u00e9tait l\u2019enterrement du p\u00e8re d\u2019une amie. Elle avait expos\u00e9 sa collection de croix – toutes suffisamment petites pour tenir dans le creux de la main, certaines en bois et d\u2019autres en m\u00e9tal avec des pierres – et avait dit aux amis venus la soutenir de r\u00e9cup\u00e9rer ses tr\u00e9sors. Bien s\u00fbr, j\u2019ai ob\u00e9i.<\/p>\n La seconde fois, c\u2019\u00e9tait le week-end dernier. J\u2019avais roul\u00e9 jusqu\u2019\u00e0 Long Beach pour soutenir une autre amie apr\u00e8s la mort de sa m\u00e8re. Apr\u00e8s l\u2019enterrement, j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 d\u2019aller chez un antiquaire des environs que j\u2019admirais depuis longtemps sur Instagram<\/a>. J\u2019y ai achet\u00e9 un sac rectangulaire, d\u2019une forme un peu bizarre, des ann\u00e9es 1960* et trois cartes postales vintage. Le sac, \u00e7a va (quelle femme qui se respecte n\u2019a pas besoin d\u2019un sac seau avec des fleurs recouvert d\u2019une chose qui ressemble au plastique des sets de table ?) mais les cartes postales sont \u00e0 part. Acheter des cartes souvenirs d\u2019endroits o\u00f9 je ne suis jamais all\u00e9s, avec des messages de gens que je n\u2019ai jamais rencontr\u00e9s, \u00e0 d\u2019autres que je n\u2019ai jamais rencontr\u00e9s, c\u2019est un peu comme acheter les souvenirs de quelqu\u2019un d\u2019autre. Mais emballez-les et prenez ma carte de cr\u00e9dit – je vais les prendre ! * Remarque : apr\u00e8s l\u2019avoir \u00e9tudi\u00e9 plus en d\u00e9tail, mon \u201csac \u00e0 main\u201d est peut-\u00eatre seulement un bocal \u00e0 farine avec une anse.<\/p>\n Le rituel du shopping est exaltant pour moi – la chasse, le bavardage avec le vendeur (\u201cOui, je suis juste de passage ! Et le jet lag\u2026 parlons-en !), le paiement (au Japon, ils vous rendent votre monnaie sur un petit plateau, qu\u2019ils tendent toujours des deux mains). Mais c\u2019est peut-\u00eatre tout ramener \u00e0 la maison que je pr\u00e9f\u00e8re. Certaines personnes ressentent des pouss\u00e9es d\u2019adr\u00e9naline en faisant du SoulCycle ; moi, c\u2019est en mettant dans ma valise un sac entier de souvenirs. J\u2019ai d\u00e9j\u00e0 couru le marathon de New York City mais pour \u00eatre vraiment honn\u00eate, j\u2019ai plus ressenti l\u2019euphorie de la course en sprintant \u00e0 travers l\u2019a\u00e9roport de Marrakech<\/a> avec six bouteilles d\u2019huile d\u2019argan<\/a>, deux tapis<\/a>, un service \u00e0 th\u00e9 en argent et un pantalon sarouel en soie tass\u00e9s dans ma valise.<\/p>\n C\u2019est souvent mon copain qui vient me chercher quand j\u2019atterris \u00e0 Los Angeles. Il est plut\u00f4t minimaliste, ce qui signifie deux choses : 1) \u00e0 ses yeux, je suis un monstre et 2) je suis habitu\u00e9e \u00e0 l\u2019air de terreur qui appara\u00eet sur son visage quand il me voit r\u00e9cup\u00e9rer ma valise avec mes derni\u00e8res trouvailles. Je vais hurler \u201cBonnes nouvelles !\u201d en manoeuvrant mon chariot \u00e0 bagages entre les familles \u00e9puis\u00e9es. \u201cJ\u2019ai trouv\u00e9 une \u00e9ponge d\u2019un m\u00e8tre sur un march\u00e9 \u00e0 Tel Aviv ! \u201c Il m\u2019a d\u00e9j\u00e0 sugg\u00e9r\u00e9 plusieurs fois de lire La Magie du rangement de Marie Kondo mais \u00e7a ne m\u2019int\u00e9resse pas. Si elle ouvrait un mus\u00e9e du m\u00e9nage, j\u2019irais pour passer \u00e0 la boutique. Sinon, pas besoin.<\/p>\n Mon job nourrit ma passion des souvenirs jusqu\u2019\u00e0 un certain point, mais pas autant que vous pourriez le penser. Bien s\u00fbr, j\u2019ai la chance de visiter des endroits incroyables mais la plupart des journalistes de voyage n\u2019ach\u00e8tent pas un centi\u00e8me de ce que j\u2019ach\u00e8te. Les voyages de journaliste sont surcharg\u00e9s de visites d\u2019h\u00f4tels, de rencontres express avec des propri\u00e9taires de commerces locaux et de longs repas avec des publicitaires qui veulent \u00eatre s\u00fbrs que vous compreniez pourquoi leur destination est \u201cthe place to be\u201d. Il y a tr\u00e8s peu de temps de solitude et quand vous avez une heure pour vous, au lieu d\u2019attraper votre portefeuille, vous allez sans doute plut\u00f4t prendre votre ordinateur pour \u00e9crire un article ou un mail \u00e0 votre \u00e9diteur. Tout \u00e7a pour dire que la plupart des journalistes ne reviennent pas r\u00e9guli\u00e8rement avec plein d\u2019achats, c\u2019est plut\u00f4t une de mes caract\u00e9ristiques. Lors d\u2019un r\u00e9cent voyage de presse \u00e0 Cabo, il n\u2019y avait absolument aucune de chance de faire du shopping. Mais, \u00e9merveillez-vous, j\u2019ai trouv\u00e9 un masque de sommeil de lucha libre \u00e0 l\u2019a\u00e9roport en partant. Inimaginable de partir sans au moins un souvenir (et la chance de ressembler \u00e0 un luchador pendant que je ronfle).<\/p>\n Et puisque nous parlons du Mexique, j\u2019ai toujours pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 le mot espagnol pour souvenir. On dit recuerdo, qui vient du verbe recorder, se souvenir. Cela donne l\u2019impression que le shopping est une noble qu\u00eate, un art en r\u00e9alit\u00e9. Dites \u00e0 quelqu\u2019un que vous \u00eates passionn\u00e9 par les souvenirs et on vous traitera de syllogomane ; mais dites que vous collectionnez les souvenirs mentaux et vous serez nomm\u00e9 pour un prix humanitaire\u2026 ou au moins, on vous jugera moins pour le verre \u00e0 shot que vous achetez.<\/p>\n J\u2019ai une th\u00e9orie sur l\u2019origine de mon obsession des souvenirs : peut-\u00eatre que les objets sont un moyen de figer le temps, de garder quelque chose de tangible d\u2019un moment de joie et de d\u00e9couverte, m\u00eame bref. Face \u00e0 tout ce qui est \u00e9ph\u00e9m\u00e8re – les voyages qui vont et viennent, les gens que nous perdons en route – peut-\u00eatre que ces objets sont un moyen de sauver un peu de cette magie et de la garder avec nous. Cette th\u00e9orie est plus convaincante si je regarde quelque chose comme le livre de po\u00e9sies que j\u2019ai ramen\u00e9 de Singapour plut\u00f4t que les autocollants de crottes qui dansent que j\u2019ai achet\u00e9s pendant le m\u00eame voyage.<\/p>\n Mais ces derniers temps, j\u2019ai d\u00e9velopp\u00e9 une autre th\u00e9orie – peut-\u00eatre que ces souvenirs ne concernent pas toujours le pass\u00e9 mais parfois aussi le futur – une tentative pour capturer les personnes que nous esp\u00e9rons devenir. De la m\u00eame mani\u00e8re que nous r\u00eavons d\u2019\u00eatre une version r\u00eav\u00e9e de nous-m\u00eame avant un voyage (c\u2019est s\u00fbr que je ferai du yoga tous les matins…en gros je ne mangerai que des fruits et des algues\u2026 est-ce que ce sera suffisant d\u2019avoir trois romans pour mon weekend de quatre jours ?), les choses que nous rapportons sont peut-\u00eatre aussi une forme d\u2019id\u00e9alisation. \u00c7a expliquerait en tout cas le r\u00e9chaud \u00e0 tortillas Frida Kahlo que j\u2019ai achet\u00e9 \u00e0 Mexico, mon service de verres \u00e0 sak\u00e9 signes du zodiaque de Tokyo et les ronds de table en forme de grenouille que j\u2019ai achet\u00e9s en Amazonie (eh oui, j\u2019ai achet\u00e9 des d\u00e9cors de table inutiles en plein coeur de la jungle). Je n\u2019ai qu\u2019une table de bistrot dans mon appartement et je n\u2019ai jamais organis\u00e9 de vrai d\u00eener. Mais peut-\u00eatre qu\u2019un jour, j\u2019en ferai un. La version de moi qui voyage le pense.<\/p>\n Les v\u00eatements que j\u2019ach\u00e8te en voyage refl\u00e8tent le m\u00eame genre de souhaits. Les ponchos, les chapeaux de paille, les salopettes batik, les kaftans, les kimonos et les bottes de cowboys que j\u2019ai ramen\u00e9s du monde entier et que je n\u2019utilise quasiment pas maintenant qu\u2019ils sont chez moi. Mais j\u2019aimerais \u00eatre le type de personne qui les porterait tous.<\/p>\n J\u2019ai lu un jour une citation sur la mode et je n\u2019arrive malheureusement pas \u00e0 me rappeler qui l\u2019a dite mais en gros, c\u2019\u00e9tait \u201cQuand tu essayes des v\u00eatements, tu te tiens devant un miroir et tu te demandes, est-ce que \u00e7a me ressemble ? Ce qui est une autre mani\u00e8re de se poser la question, qui suis-je ?<\/a>\u201d J\u2019adore l\u2019impression de d\u00e9couverte de soi qu\u2019on peut trouver dans ce sentiment. N\u00e9anmoins, je pense que l\u2019auteur faisait plut\u00f4t r\u00e9f\u00e9rence au choix entre un jean skinny ou bootcut, tandis que dans mon shopping de souvenirs, je me demande \u201cEst-ce que je suis une p\u00eacheuse du Cambodge ou une gaucho argentine ?\u201d<\/p>\n Et si je r\u00e9fl\u00e9chis un peu plus \u00e0 mon achat de souvenirs apr\u00e8s l\u2019enterrement, je peux voir le sac \u00e0 main \/ bocal \u00e0 farine, comme une exploration de la personne que j\u2019aimerais \u00eatre<\/a>. Je n\u2019ai jamais rencontr\u00e9 la m\u00e8re de mon amie, Helena, avant sa mort et en r\u00e9alit\u00e9, je ne connais cette amie que depuis quelques mois. Elle est journaliste voyage aussi et nous nous sommes rencontr\u00e9es pendant un voyage de presse. C\u2019est pendant ces quelques jours \u00e0 l\u2019\u00e9tranger que mon amie a re\u00e7u l\u2019appel l\u2019informant que le cancer d\u2019Helena s\u2019\u00e9tait r\u00e9pandu. Cette terrifiante nouvelle nous a li\u00e9es l\u2019une \u00e0 l\u2019autre d\u2019une mani\u00e8re inhabituelle pendant les voyages de boulot. Pendant l\u2019enterrement, je suis rest\u00e9e assise dans le fond, seule – touriste dans une vie \u00e0 laquelle je n\u2019appartenais pas. La famille d\u2019Helena et ses amis ont racont\u00e9 des histoires sur la femme qu\u2019elle \u00e9tait – une immigrante finlandaise, une militante des droits des femmes, une amoureuse de la mode et de l\u2019art, une voyageuse avide.<\/p>\n Et c\u2019est peut-\u00eatre pour \u00e7a qu\u2019une heure plus tard, chez l\u2019antiquaire, j\u2019ai rep\u00e9r\u00e9 ce sac. En le tenant \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de moi devant un miroir, je me suis dit \u201cHelena adorerait \u00e7a.\u201d Et je savais qu\u2019il fallait que je l\u2019ai – le souvenir d\u2019une vie bien v\u00e9cue.<\/p>\n D\u00e9sol\u00e9, cet article est seulement disponible en Anglais Am\u00e9ricain.<\/p>\n","protected":false},"author":9,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[1398,5021],"tags":[6714,6525,4638,6706,4461],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/277575"}],"collection":[{"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/users\/9"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=277575"}],"version-history":[{"count":5,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/277575\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":277624,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/277575\/revisions\/277624"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=277575"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=277575"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=277575"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}