J\u2019ai tout, tout, tout, tout fait pour m\u2019en sortir toute seule. Et puis un jour, j\u2019ai craqu\u00e9. \u00c7a a \u00e9t\u00e9 comme une implosion, un d\u00e9chirement, quelque chose de r\u00e9solu et de calme, comme un saut dans le vide. <\/p>\n
Depuis, des images et des mots se sont mis sur des \u00e9motions. C\u2019\u00e9tait comme si la maison dans laquelle j\u2019avais v\u00e9cu confortablement pendant des ann\u00e9es, pensant conna\u00eetre tous les recoins, s\u2019affaissait.<\/p>\n
J\u2019ai un jour compris que, probablement, je faisais une d\u00e9pression.<\/p>\n
Tout \u00e9tait devenu difficile. \u00c9crire, rire, aimer. Tout \u00e9tait douleur, et tout \u00e9tait espoir. Je savais qu\u2019il me suffirait de sortir la t\u00eate du puits o\u00f9 je m\u2019\u00e9tais enfonc\u00e9e pour que tout s\u2019arrange, mais les parois \u00e9taient glissantes et \u00e0 chaque fois que j\u2019approchais enfin mon visage du soleil, je glissais \u00e0 nouveau. Et je reprenais la lutte.<\/p>\n
Et la lutte avait fini par prendre toute la place.<\/p>\n
\u2014\u2014\u2014<\/p>\n
Si je devais revenir en arri\u00e8re pour trouver les racines de mon \u00e9tat d\u00e9pressif, je pourrais \u00e9num\u00e9rer des listes sans fin. La vie new-yorkaise et ses d\u00e9sillusions. Les autres. La r\u00e9ussite et le vertige et la pression. Le passage \u00e0 la maturit\u00e9, si cruelle et si fascinante. Et bien \u00e9videmment, les difficult\u00e9s pour avoir un enfant, ravivant les douleurs de l\u2019enfance non r\u00e9solues, elles aussi, toujours l\u00e0, lancinantes, \u00e0 demander mon attention. <\/p>\n
La liste est infinie, mais si je devais r\u00e9sumer mon \u00e9tat, je dirais : j\u2019avais perdu le contact avec moi-m\u00eame. J\u2019avais chang\u00e9 et pourtant, je me traitais encore comme la personne que j\u2019\u00e9tais avant.<\/p>\n
Alors, persuad\u00e9e que tout cela n\u2019\u00e9tait rien qu\u2019un chagrin, j\u2019attendais le retour de celle que j\u2019\u00e9tais. Battante, positive, assur\u00e9e, riant de tout.<\/p>\n
J\u2019essayais de la rappeler \u00e0 moi. Fra\u00eechement d\u00e9barqu\u00e9e \u00e0 LA, rien ni personne ne pouvait s\u2019opposer \u00e0 ma qu\u00eate, \u00e0 mon cheminement. Soigneurs, shamans, hypnose, tout \u00e9tait bon pour livrer \u00e0 d\u2019autres mon mal-\u00eatre. M\u00e9ditation, journaling, sound baths – je n\u2019en pouvais plus de m\u2019\u00e9couter parler de moi. <\/p>\n
A force de parler de ma souffrance, je devenais ma souffrance.<\/p>\n
Mais j\u2019attendais ma r\u00e9v\u00e9lation. La culture \u00e0 la Oprah \u00e9tait pass\u00e9e par moi. La culture de l\u2019\u00e9piphanie, l\u2019un des piliers des contes de f\u00e9e \u00e0 l\u2019am\u00e9ricaine. <\/p>\n
J\u2019ai m\u00eame pens\u00e9 \u00e0 aller prendre de l\u2019Ayahuasca, les promesses de r\u00e9invention \u00e0 la vitesse de l\u2019\u00e9clair me semblant prometteuses. Mais au fond de moi je savais que j\u2019\u00e9tais beaucoup, beaucoup trop fragile. J\u2019ai continu\u00e9 \u00e0 me perdre.<\/p>\n
\u2014\u2014\u2014<\/p>\n
Et puis un jour, je me suis accroch\u00e9e avec ma s\u0153ur. Rien de grave, un nuage dissip\u00e9 en quelques minutes et en m\u00eame temps, une d\u00e9chirure sans pareil. Des mois que ma s\u0153ur et mes amies me tenaient \u00e0 bout de bras. Emily qui prenait le relais au boulot quand je n\u2019y arrivais plus. Lolo qui tous les jours \u00e9tait l\u00e0 \u00e0 s\u2019inqui\u00e9ter de moi, sentant probablement le gouffre sous mes paroles rassurantes et mes \u00e9clats de rire.<\/p>\n
Mais ce jour-l\u00e0, j\u2019ai senti que tout ce que je tenais en force depuis des ann\u00e9es \u00e9tait devenu trop lourd. J\u2019\u00e9tais devenue la coquille vide de celle que j\u2019\u00e9tais et seules les personnes qui me connaissent vraiment pouvait le sentir et le voir.<\/p>\n
Je n\u2019y arrivais plus.<\/p>\n
Je n\u2019ai pas pens\u00e9 \u00e0 mourir, non. Mais j\u2019ai entrevu la pens\u00e9e. Elle s\u2019est pr\u00e9sent\u00e9e \u00e0 moi, comme un rideau que l\u2019on l\u00e8ve qui nous fait soudain nous dire \u00ab ah, tiens, je n\u2019avais pas pens\u00e9 \u00e0 \u00e7a.\u00bb Jamais je ne penserai \u00e0 \u00e7a, je me disais. Jamais ! Me mentant \u00e0 moi-m\u00eame.<\/p>\n
C\u2019est gr\u00e2ce \u00e0 cette pens\u00e9e de mort que j\u2019ai r\u00e9alis\u00e9 que quelque chose ne tournait pas rond en moi. Soudain j\u2019ai r\u00e9ussi \u00e0 reconna\u00eetre mes pens\u00e9es obsessionnelles, mes pens\u00e9es magiques, mes crises d\u2019angoisse<\/a> sur lesquelles l\u2019huile de CBD<\/a> n\u2019avait plus aucun effet.<\/p>\n
J\u2019ai tout de suite appel\u00e9 mes proches et je leur ai parl\u00e9 de mon id\u00e9e. <\/p>\n
Personne ne comprenait. \u00ab Mais il avait tout pour \u00eatre heureux ! \u00bb \/\/\/ <\/p>\n
Moi, j\u2019en ai pleur\u00e9, mais j\u2019ai tout \u00e0 fait compris. <\/p>\n
J\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 dans la foul\u00e9e qu\u2019il \u00e9tait temps de prendre du temps pour moi, du vrai. J\u2019avais appel\u00e9 Emily le jour o\u00f9 tout s\u2019\u00e9tait \u00e9croul\u00e9 et je lui avais dit ma douleur. Elle savait. Elle voyait bien \u00e0 quel point je luttais. Elle avait dit \u00ab tu arr\u00eates tout, on s\u2019occupe de tout \u00bb – gah, comme je l\u2019aime<\/a>. <\/p>\n
Je suis retomb\u00e9e amoureuse de moi-m\u00eame, de ma vie et de ce qui la constituait.<\/p>\n