Oui, il n\u2019y a que moi.<\/p>\n
A une \u00e9poque, ces quelques mots n\u2019\u00e9taient qu\u2019une explication donn\u00e9e au restaurant. Aujourd\u2019hui, ils sont une affirmation de mon identit\u00e9.<\/p>\n
En effet, je sors d\u00eener seule chaque semaine, dans des rendez-vous que Google Calendar a fini par identifier comme SDN : Solo Date Night, et je m\u2019y engage tr\u00e8s s\u00e9rieusement. J\u2019ai organis\u00e9 un fichier Excel avec tous les restaurants o\u00f9 je veux aller ; je bloque plusieurs heures de ma soir\u00e9e tous les jeudis ; je refuse des propositions de mes amis, comme je le ferais pour tout date Bumble.<\/p>\n
Et je ne commande pas un burger rapide avec une bi\u00e8re, comme si je ne faisais que passer ; je ne lis pas un livre, je ne reste pas fix\u00e9e \u00e0 faire d\u00e9filer mes mails ; je ne mets pas mes \u00e9couteurs pour rattraper mon retard de podcast. Je m\u2019asseois, sans t\u00e9l\u00e9phone ou autre distraction, religieusement et syst\u00e9matiquement pour un assez long moment ; je commande un cocktail et quelques verres de vin, peut-\u00eatre m\u00eame un digestif et une tasse de caf\u00e9 (d\u00e9ca) ; je commande une entr\u00e9e, un plat, voire un dessert (Ok, j\u2019avoue, un dessert. \u00c9videmment un dessert). Je me fais plaisir. Je savoure.<\/p>\n
J\u2019ai pris un menu de dix-huit plats omakase, et d’innombrables menus d\u00e9gustations dans des restaurants \u00e9toil\u00e9s du Michelin ; j\u2019ai d\u00een\u00e9 aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Europe, en Asie, en Am\u00e9rique du Sud ; j\u2019ai rencontr\u00e9 des c\u00e9l\u00e9brit\u00e9s et j\u2019ai sympathis\u00e9 avec des inconnus ; certains d\u00eeners se sont transform\u00e9es en soir\u00e9es dansantes, puis en petit-d\u00e9jeuner. Donc oui Papa, mes futurs employeurs, cela signifie que j\u2019ai eu des coups d\u2019un soir. On m\u2019a pris pour une critique gastronomique d\u2019innombrables fois (donc d\u2019innombrables r\u00e9ductions) et je me suis fait passer – un peu g\u00eanant mais cela en valait la peine – pour une designer, une professeure ou une philanthrope.<\/p>\n
Pourquoi ? Je vous promets que ce n\u2019est pas parce que je suis incapable d\u2019interaction sociale. En r\u00e9alit\u00e9, alors que mon 30\u00e8me anniversaire et la fin de ma 6\u00e8me ann\u00e9e \u00e0 New York approchent, j\u2019ai enfin une vie sociale riche et \u00e9panouissante. Il \u00e9tait temps. Non, c\u2019est plut\u00f4t parce que c\u2019est devenu une mani\u00e8re de prendre soin de moi, un temps pour moi. Alors que certains vont au sport (j\u2019y vais aussi puisque bon, tous ces d\u00eeners), au spa, ou se baladent en ville, je vais au restaurant.<\/p>\n
J\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 d\u00eener seule il y a quelques ann\u00e9es, alors que je voyageais beaucoup pour le travail et que je n\u2019avais donc pas le choix. Ce n\u2019\u00e9tait pas mes meilleurs moments : ils impliquaient un co\u00fbt \u00e0 faire peur de frais de room service, la compagnie du c\u00e2ble \u00e0 la t\u00e9l\u00e9 et une robe de chambre en tissu-\u00e9ponge pas tr\u00e8s \u00e0 la mode. J\u2019\u00e9tais trop intimid\u00e9e pour demander une table pour un dans une ville que je ne connaissais pas donc je choisissais d\u2019embl\u00e9e la livraison dans ma chambre d\u2019h\u00f4tel, mais il ne m\u2019a pas fallu longtemps pour apprendre le \u201cOn n\u2019a rien sans rien\u201d. J\u2019\u00e9tais dans de superbes pays ou continents \u00e9trangers (l\u2019Ohio compte, n\u2019est-ce pas ?) et je g\u00e2chais cette belle opportunit\u00e9 de d\u00e9couverte en prenant un repas pas bon et trop cher \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur d\u2019un Holiday Inn. Je me suis donc aventur\u00e9e \u00e0 l\u2019ext\u00e9rieur, prenant avec moi ma g\u00eane et mes ins\u00e9curit\u00e9s.
\nJe ne ferai pas semblant de me souvenir de l\u2019endroit o\u00f9 j\u2019ai pris mon premier repas seule, ni de ce que j\u2019ai mang\u00e9, mais je n\u2019oublierai jamais ce que je ressentais dans ces d\u00e9buts. Les sensations traversaient tout mon corps : les pens\u00e9es qui d\u00e9filent, la chaleur dans la poitrine, les mains moites, les jambes qui s’agitent. Litt\u00e9ralement, je ne me sentais pas bien dans mon propre corps. Assumer ma solitude voulait dire laisser la place aux critiques. J\u2019\u00e9tais s\u00fbre que chaque personne autour de moi non seulement avait conscience de ma solitude, mais en plus la jugeait. Je pouvais sentir leurs regards sur moi et leurs jugements me brisaient le coeur avant m\u00eame d\u2019avoir command\u00e9 un ap\u00e9ritif.<\/p>\n
Mais la solitude est comme un muscle, et il se fortifie quand on le travaille. J\u2019ai pris conscience, avec le temps, que la plupart des gens ne se rendaient m\u00eame pas compte de ma pr\u00e9sence et que c\u2019\u00e9tait moi la vraie critique, pas eux (une d\u00e9couverte utile, non ?). Et une fois que d\u00eener seule dans d\u2019autres villes est devenu facile, cela a \u00e9t\u00e9 plus simple \u00e0 faire sur mon propre territoire. Il y a trois ans, j\u2019ai rendu officielle ma relation avec les restaurants de New York et nous sommes ensemble depuis.<\/p>\n
Est-ce que j\u2019aurais et est-ce que je pourrais savourer ces exp\u00e9riences avec quelqu\u2019un ? Bien s\u00fbr. Mais je ne le fais pas, et c\u2019est pr\u00e9cis\u00e9ment le but. Mon habitude solitaire est un choix, qui ne d\u00e9pend absolument pas de ma situation sentimentale. Je vais peut-\u00eatre avoir un copain – cher Dieu, cher Internet, faites que cela arrive, j\u2019esp\u00e8re vraiment en avoir un – mais la relation la plus importante que j\u2019ai est, et restera toujours, celle que j\u2019ai avec moi-m\u00eame (merci, Reine von Furstenberg). Cela ne veut pas dire que je n\u2019ai pas, comme tout le monde, les d\u00e9sirs humains d\u2019\u00eatre aim\u00e9e, appr\u00e9ci\u00e9e, ador\u00e9e, n\u00e9cessaire \u00e0 quelqu\u2019un et que ces besoins sont combl\u00e9s – si. ( Et par besoins, je veux juste dire des rapports sexuels \u00e0 l\u2019occasion, et des c\u00e2lins fr\u00e9quents, je n\u2019en demande pas beaucoup l\u00e0, dites). J\u2019esp\u00e8re vraiment qu\u2019un jour je vais rencontrer quelqu\u2019un avec qui partager ma vie et toutes ces aventures. Mais c\u2019est pr\u00e9cis\u00e9ment pour \u00e7a que je continue avec d\u00e9vouement \u00e0 d\u00eener seule. C\u2019est gr\u00e2ce \u00e0 ces moments sans filtre, sans pression, sans distraction, que je peux avoir une relation intime et saine avec moi-m\u00eame afin de nourrir ce qui me permettra, \u00e0 terme, d\u2019\u00eatre une meilleure partenaire, une meilleure amie, soeur, fille ou femme d\u2019affaire.<\/p>\n
Chaque lundi j\u2019attends avec impatience le jeudi. Mon monde tourne autour de \u00e7a. Je suis excit\u00e9e par toutes les d\u00e9cisions et incertitudes que cela implique. J\u2019aime choisir le quartier selon l\u2019humeur dans laquelle je suis, ou celle que je veux cr\u00e9er, ou peut-\u00eatre en fonction du type de gens que je veux rencontrer ou \u00e9viter. J\u2019adore choisir ma tenue et j\u2019ai not\u00e9 que je suis plus s\u00fbre de mes choix lorsque je ne m\u2019habille que pour moi. Et puis je porte m\u00eame du mascara et du parfum, choses que je r\u00e9serve le reste du temps aux grandes occasions. Et ensuite il y a toutes les choses que je ne sais pas et qui peuvent m\u2019exciter, comme qui je vais rencontrer, \u00e0 quel point je vais aimer la nourriture ou quelles nouvelles saveurs je vais d\u00e9couvrir. La nuit est un s\u00e9duisant myst\u00e8re, cr\u00e9\u00e9 enti\u00e8rement pour moi.<\/p>\n
Mais, plus que tout, Solo Date Night est devenu une part importante de qui je suis puisque cela me permet r\u00e9guli\u00e8rement de m\u2019entra\u00eener \u00e0 rester attentive. Non seulement je me connecte davantage avec moi-m\u00eame, mais aussi avec mon environnement. Je suis contrainte d\u2019observer et d\u2019absorber ce qui m\u2019entoure en faisant attention aux d\u00e9tails. Je peux vous dessiner les tatouages du chef \u00e0 Hemlock ou les lampes d\u2019Estela. Je peux d\u00e9crire l\u2019intensit\u00e9 et la confusion du makhan malai, avec du lait de safran, des p\u00e9tales de rose cassantes et de l\u2019amande \u00e0 Indian Accent. Et bien s\u00fbr, je peux vous dire quels restaurants ont les barmen les plus mignons et charismatiques pour vous distraire (tousse, Flora Bar, tousse).<\/p>\n
SDN m\u2019a appris \u00e0 me concentrer et \u00e0 faire le filtre, \u00e0 \u00e9touffer la voix de mon critique int\u00e9rieur et \u00e0 me rendre disponible aux d\u00e9couvertes avec ceux qui m\u2019entourent. L\u2019acte apparemment simple de m\u2019accorder chaque semaine un repas de luxe m\u2019a apport\u00e9 une immense joie ainsi qu\u2019un nouveau sens de l\u2019ind\u00e9pendance. Cela m\u2019a donn\u00e9 un temps o\u00f9 je suis 100% \u00e9go\u00efste, sans interruption, avec moi-m\u00eame : le temps est devenu une vraie denr\u00e9e rare, maintenant qu\u2019il devient de plus en plus un luxe pour notre g\u00e9n\u00e9ration.<\/p>\n
Que vous rechigniez \u00e0 la simple id\u00e9e de faire quoi que ce soit o\u00f9 il ne faut pas \u00eatre au moins deux ou que vous soyez un voyageur solo exp\u00e9riment\u00e9, je suis l\u00e0 pour vous dire que ce n\u2019est pas simplement OK ou acceptable, mais un choix qui devrait \u00eatre c\u00e9l\u00e9br\u00e9, de sortir et de d\u00e9couvrir le monde sans attendre qu\u2019on vous rejoigne, de prendre du temps pour vous sans vous sentir coupable, au fond, de vous sortir du quotidien de temps en temps – et d\u2019explorer la fa\u00e7on dont un investissement dans votre relation avec vous-m\u00eame est au fond un investissement dans toutes les autres parties de votre vie, qui vous donne la force d\u2019avancer clairement et de fa\u00e7on d\u00e9cid\u00e9e.<\/p>\n
Donc oui, il n\u2019y a que moi. Merci.<\/p>\n
Emily Schildt est une consultante pour le marketing des marques et \u00e9crivain freelance. Elle passe beaucoup de temps seule parce qu\u2019elle aime \u00e7a. Il para\u00eet que cela rend ses Stories vraiment formidable. Suivez-la dans tous ses voyages, ses lectures ou ses balades au supermarch\u00e9 sur Instagram, ici<\/a> !<\/em><\/center> D\u00e9sol\u00e9, cet article est seulement disponible en Anglais Am\u00e9ricain.<\/p>\n","protected":false},"author":9,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[1398,5021],"tags":[6022,6025,6021],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/272064"}],"collection":[{"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/users\/9"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=272064"}],"version-history":[{"count":6,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/272064\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":272090,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/272064\/revisions\/272090"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=272064"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=272064"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=272064"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}
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