{"id":259691,"date":"2017-10-06T09:00:05","date_gmt":"2017-10-06T13:00:05","guid":{"rendered":"https:\/\/www.wearedore.com\/?p=259691"},"modified":"2017-10-06T12:31:08","modified_gmt":"2017-10-06T16:31:08","slug":"career-bj-topol","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/features\/career-bj-topol\/","title":{"rendered":"Career \/ BJ Topol"},"content":{"rendered":"

Je suis vraiment contente de partager cet entretien avec vous… Rencontrer BJ a \u00e9t\u00e9 un vrai plaisir. En quittant son appartement (\u00e9videmment g\u00e9nial), j\u2019\u00e9tais sur un petit nuage : elle est sympa, elle a les pieds sur terre, elle ma\u00eetrise son sujet… un r\u00eave de femme.<\/p>\n

BJ travaille comme consultante en art, et on l\u2019a rencontr\u00e9e gr\u00e2ce \u00e0 l\u2019un de ses clients, quelqu\u2019un qu\u2019on adore chez Atelier Dor\u00e9, Phillip Lim<\/a>. <\/p>\n

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BJ a rencontr\u00e9 Phillip et son associ\u00e9e Wen il y a des ann\u00e9es parce qu\u2019elle \u00e9tait une fan absolue de leur marque. Et \u00e7a a d\u00e9bouch\u00e9 sur une longue amiti\u00e9 et des ann\u00e9es de collaboration. Garance comme moi, on est tr\u00e8s admiratives de l\u2019esth\u00e9tique de Phillip et de sa collection d\u2019art… logique, non ? Apr\u00e8s avoir rencontr\u00e9 BJ \u00e0 un d\u00eener chez Phillip, Garance a absolument tenu \u00e0 ce que je fasse aussi sa connaissance.<\/p>\n

Alors il y a quelques semaines, avec Pia, on s\u2019est retrouv\u00e9es chez BJ, \u00e0 New York, entour\u00e9es d\u2019\u0153uvres d\u2019art<\/a> (vous les verrez bient\u00f4t ! On lui a demand\u00e9 si on pouvait venir shooter son int\u00e9rieur !), pour discuter de ses 27 ann\u00e9es de carri\u00e8re dans le monde de l\u2019art, un univers qu\u2019elle a r\u00e9ussi \u00e0 d\u00e9mystifier pour nous avec beaucoup de simplicit\u00e9. Son parcours, c\u2019est un peu un r\u00eave, b\u00e2ti dans un souci de flexibilit\u00e9 et de place pour son r\u00f4le de m\u00e8re… elle nous a beaucoup inspir\u00e9es en tout cas ! Je lui laisse la parole<\/p>\n

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O\u00f9 as-tu grandi ?<\/strong>
\nJe suis n\u00e9e au bord du lac Tahoe en Californie. Les gens ont toujours du mal \u00e0 croire que je sois n\u00e9e l\u00e0. C\u2019est un lieu de vacances mais mes parents – je suis d\u2019une famille de cinq enfants – sont tomb\u00e9s sous le charme de cet endroit et ont d\u00e9cid\u00e9 d\u2019y \u00e9lever leur enfants. J\u2019ai toujours en moi cette enfant de Tahoe. Le beau, la nature, avoir des racines, je suis attach\u00e9e \u00e0 tout \u00e7a. J\u2019y retourne deux fois par an, c\u2019est un vrai havre de bonheur.<\/p>\n

Que faisaient tes parents ?<\/strong>
\nMa m\u00e8re \u00e9tait m\u00e8re au foyer, elle a \u00e9lev\u00e9 ses cinq enfants. C\u2019\u00e9tait une m\u00e8re extraordinaire.
\nMon p\u00e8re \u00e9tait promoteur immobilier. Il est n\u00e9 \u00e0 Brooklyn mais sa famille a d\u00e9m\u00e9nag\u00e9 \u00e0 l\u2019Ouest. Son p\u00e8re s\u2019\u00e9tait lanc\u00e9 dans l\u2019exploitation foresti\u00e8re et ils avaient achet\u00e9 une scierie \u00e0 Truckee. Tout au long de sa vie, il a b\u00e2ti des maisons et des immeubles vraiment incroyables. Il a toujours voulu construire des lieux qui rassemblent les gens et il avait un vrai sens du beau.<\/p>\n

Dans quelle universit\u00e9 es-tu all\u00e9e et qu\u2019as-tu \u00e9tudi\u00e9 ?<\/strong>
\nJe suis all\u00e9e \u00e0 l\u2019UCLA [Universit\u00e9 de Californie, Los Angeles] et j\u2019ai v\u00e9cu ces ann\u00e9es-l\u00e0 comme la majorit\u00e9 des \u00e9tudiants : c\u2019\u00e9tait g\u00e9nial. \u00c7a fait partie des meilleures ann\u00e9es de ma vie. J\u2019\u00e9tais membre d\u2019une association d\u2019\u00e9tudiantes, j’ai particip\u00e9 \u00e0 des matchs de football, j\u2019\u00e9tais une Kappa Kappa Gamma. Et j\u2019\u00e9tudiais l\u2019histoire de l\u2019art. C\u2019\u00e9tait une tr\u00e8s grosse fac mais le campus d\u2019histoire de l\u2019art \u00e9tait magnifique. C\u2019\u00e9tait vraiment g\u00e9nial.<\/p>\n

D\u2019o\u00f9 te vient cette passion pour l\u2019art ? Pour d\u00e9cider de t\u2019orienter vers une ma\u00eetrise d\u2019histoire de l\u2019art, j\u2019imagine que c\u2019est une passion qui te tient depuis ton plus jeune \u00e2ge ?<\/strong>
\nIl y a certains moments-cl\u00e9s dans ta vie qui font que ta trajectoire change, comme un \u00e9lectro-choc. Ma grand-m\u00e8re \u00e9tait originaire du sud profond, sa famille \u00e9tait arriv\u00e9e sur le Mayflower. Elle collectionnait les antiquit\u00e9s. C\u2019est elle qui m\u2019a transmis tr\u00e8s t\u00f4t une certaine id\u00e9e de la beaut\u00e9, de l\u2019histoire et de la tradition. A Tahoe, il n\u2019y a pas de mus\u00e9es, pas de culture. Tout est tourn\u00e9 vers la nature, les grands espaces, la randonn\u00e9e, la beaut\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9tat naturel. La seule exposition que j\u2019ai pu voir avant mes 13 ans, \u00e7a a \u00e9t\u00e9 l\u2019exposition Toutankhamon, \u00e0 San Francisco. On est descendus en ville pour la journ\u00e9e. Pendant mon enfance, fr\u00e9quenter les mus\u00e9es, d\u00e9couvrir les Beaux-arts, \u00e7a n\u2019\u00e9tait pas la priorit\u00e9, nous \u00e9tions une famille nombreuse et nous voyagions tr\u00e8s peu.<\/p>\n

Ma premi\u00e8re vraie \u00e9motion artistique, je l\u2019ai eu lors d\u2019un s\u00e9jour chez ma grande tante qui habite Wynnewood, en Pennsylvanie. Elle \u00e9tait guide au Philadelphia Art Museum et c\u2019\u00e9tait une femme tr\u00e8s cultiv\u00e9e. Elle \u00e9tait formidable, et j\u2019ai tout de suite \u00e9t\u00e9 sous le charme. Elle nous a emmen\u00e9s au Philadelphia Art Museum et il y avait une aile enti\u00e8re consacr\u00e9e \u00e0 Marcel Duchamp, j\u2019\u00e9tais compl\u00e8tement \u00e9bahie. \u00c7a m\u2019a ouvert \u00e0 de nouveaux horizons et c\u2019est \u00e0 ce moment pr\u00e9cis que ma passion a commenc\u00e9. Avec son mari, ils nous ont aussi emmen\u00e9s au Barnes Museum. A partir de ce moment-l\u00e0, ma vie n\u2019a plus jamais \u00e9t\u00e9 la m\u00eame. En entrant, on est saisi par la quantit\u00e9 impressionnante d\u2019\u0153uvres d\u2019art. La fa\u00e7on dont chaque oeuvre est pr\u00e9sent\u00e9e, l\u2019histoire derri\u00e8re chaque \u0153uvre, et la passion. J\u2019avais le sentiment que l\u2019art s\u2019immis\u00e7ait partout en moi et que d\u00e9sormais je ne pourrais plus vivre sans. \u00c7a a \u00e9t\u00e9 un moment vraiment intense.<\/p>\n

Quel \u00e2ge avais-tu ?<\/strong>
\nJ\u2019\u00e9tais au coll\u00e8ge. Ensuite, \u00e0 la fac, tout le monde avait \u00e0 peu pr\u00e8s les m\u00eames centres d\u2019int\u00e9r\u00eats, comme les sciences politiques. Moi, j\u2019adorais l\u2019art. Mais je ne pensais pas pouvoir m\u2019orienter vers une ma\u00eetrise en histoire de l\u2019art. Je ne suis pas une artiste, c\u2019est quelque chose que j\u2019ai toujours su. J\u2019ai toujours eu beaucoup d\u2019estime pour les gens qui cr\u00e9ent de l\u2019art. Les artistes, le processus de cr\u00e9ation, tout \u00e7a m\u2019\u00e9merveille, je suis tr\u00e8s admirative. C\u2019est vraiment tr\u00e8s courageux de s\u2019exposer comme \u00e7a, de s\u2019attaquer \u00e0 une toile blanche ou \u00e0 une pi\u00e8ce de marbre, d\u2019y insuffler ses sentiments et ses id\u00e9es, et de les livrer \u00e0 la critique.<\/p>\n

Tu as fait des stages pendant tes \u00e9tudes ? Comment es-tu entr\u00e9e dans le monde de l\u2019art ?<\/strong>
\nMon p\u00e8re, qui \u00e9tait plus traditionnel, voulait que j\u2019aille en \u00e9cole de commerce. Il ne voyait aucune perspective pour moi dans l\u2019art. Mais moi je savais que je n\u2019\u00e9tais pas une intellectuelle, je n\u2019allais pas \u00e9crire des articles ou des livres, et je ne suis pas curateur. Alors je lui ai parl\u00e9 d\u2019un lieu, Sotheby\u2019s, \u00e0 Beverly Hills. J\u2019\u00e9tais pass\u00e9e devant, j\u2019avais lu des articles, \u00e7a m\u2019int\u00e9ressait d\u2019en savoir plus, et c\u2019\u00e9tait un vrai business. L\u00e0, j\u2019ai vu qu\u2019il reprenait confiance.<\/p>\n

Ah, le pouvoir du mot business !<\/strong>
\nExactement ! Et il a \u00e9chafaud\u00e9 un plan : un jour, il m\u2019a emmen\u00e9e d\u00e9jeuner apr\u00e8s mes cours \u00e0 LA, on a mang\u00e9 \u00e0 Beverly Hills. On marchait sur Rodeo Drive et il a dit : \u00ab Oh, on est devant Sotheby\u2019s ! On entre ! \u00bb<\/p>\n

Je croyais qu\u2019on allait juste jeter un \u0153il, mais on est all\u00e9s jusqu\u2019\u00e0 la r\u00e9ception et il a dit : \u00ab Ma fille voudrait faire un stage chez vous. \u00bb J\u2019ai \u00e9t\u00e9 leur stagiaire pendant mon ann\u00e9e de terminale, c\u2019\u00e9tait incroyable. J\u2019avais une chance inou\u00efe : quand tu \u00e9tudies l\u2019art, tu regardes des diapos, tu lis des articles. Chez Sotheby\u2019s, tu regardes les tableaux, tu les portes et tu les manipules. C\u2019est compl\u00e8tement diff\u00e9rent.<\/p>\n

Apr\u00e8s la fac, j\u2019avais pr\u00e9vu de suivre mes amis et m\u2019installer \u00e0 Manhattan Beach, Newport Beach ou San Francisco. Mais un jour, Marc Selwyn, qui \u00e9tait directeur du d\u00e9partement Art contemporain chez Sotheby\u2019s, et qui m\u2019intimidait au plus haut point, m\u2019a demand\u00e9: \u00ab Tu veux vraiment faire carri\u00e8re dans le monde de l\u2019art ? <\/p>\n

– Oui. <\/p>\n

– Alors tu dois partir \u00e0 New York. Qu\u2019est-ce que tu en penses ? \u00bb<\/p>\n

Je n\u2019oublierai jamais \u00e7a.<\/p>\n

La femme pour qui je travaillais, Meriwether Morris, \u00e9tait aussi une personne exceptionnelle. Elle faisait partie du d\u00e9partement American Painting. Avec son aide, j\u2019ai pu int\u00e9grer le programme American Painting de Sotheby\u2019s \u00e0 New York. Mon p\u00e8re m\u2019a beaucoup encourag\u00e9e. C\u2019est comme \u00e7a que je suis arriv\u00e9e \u00e0 New York.<\/p>\n

Tu as eu ton dipl\u00f4me et tu as d\u00e9m\u00e9nag\u00e9 dans la foul\u00e9e ?<\/strong>
\nOui, j\u2019ai eu mon dipl\u00f4me \u00e0 l\u2019UCLA et j\u2019ai postul\u00e9 pour int\u00e9grer le programme. J\u2019ai \u00e9t\u00e9 accept\u00e9e mais mon entretien a \u00e9t\u00e9 catastrophique. Je n\u2019\u00e9tais jamais all\u00e9e \u00e0 New York. J\u2019\u00e9tais terrifi\u00e9e. Je suis arriv\u00e9e \u00e0 Sotheby\u2019s et le bureau qu\u2019ils avaient l\u2019habitude d\u2019utiliser pour les entretiens n\u2019\u00e9tait pas disponible, alors on est all\u00e9s dans le bureau du pr\u00e9sident. Ils vous font passer un test : on vous pr\u00e9sente des peintures, des sculptures, et on vous interroge dessus. Qu\u2019est-ce que c\u2019est ? De quand est-ce que \u00e7a date ? D\u2019o\u00f9 \u00e7a provient ? Quels sont les mat\u00e9riaux utilis\u00e9s ? Comme je connaissais les tableaux, j\u2019ai pens\u00e9 que j\u2019allais faire un sans faute en peinture.<\/p>\n

Le tableau que je connaissais, celui pour lequel j\u2019\u00e9tais certaine de r\u00e9pondre correctement, c\u2019\u00e9tait un tableau de Corot, de l\u2019\u00e9cole de Barbizon. Je connaissais la date et toute l\u2019histoire de ce tableau, mais c\u2019\u00e9tait un faux. Je n\u2019oublierai jamais quand l\u2019expert de Sotheby\u2019s m\u2019a dit : \u00ab C\u2019est un faux. Je comprends pourquoi vous avez pens\u00e9 qu\u2019il \u00e9tait authentique mais vous devez exercer votre regard. Allez au Frick Museum et observez \u2013 m\u00e9morisez les moindres coups de pinceaux et vous deviendrez alors capable de discerner l\u2019authentique de la copie. \u00bb A ce moment-l\u00e0, il m\u2019a appris l\u2019importance de prendre le temps et le pouvoir de l\u2019observation, la v\u00e9ritable observation.<\/p>\n

J\u2019ai toujours \u00e9t\u00e9 impressionn\u00e9e par l\u2019immense savoir qu\u2019on poss\u00e8de quand on conna\u00eet l\u2019art en profondeur. C\u2019est tellement incroyable, j\u2019ai l\u2019impression que mon propre cerveau n\u2019aurait jamais assez d\u2019espace pour stocker tout \u00e7a \u2013 cette quantit\u00e9 de choses \u00e0 m\u00e9moriser, jusqu\u2019\u00e0 conna\u00eetre le moindre coup de pinceau\u2026<\/strong>
\nC\u2019est devenu un v\u00e9ritable travail d\u2019expertise, un connoisseurship. C\u2019\u00e9tait d\u2019ailleurs tout l\u2019esprit du programme de Sotheby\u2019s : au lieu de m\u00e9moriser des dates, on passait notre temps \u00e0 genoux, \u00e0 observer une chaise Chippendale jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019on soit capable de diff\u00e9rencier ce pied sculpt\u00e9 d\u2019un autre pied sculpt\u00e9. Et aussi la fa\u00e7on dont un bois vieilli et comment la patine lui donne de la valeur. Mon associ\u00e9e et moi, on appelle \u00e7a \u00ab la culture de l\u2019oeil \u00bb. On encourage nos clients \u00e0 observer, encore et encore, parce que plus tu exerces ton oeil, plus tu d\u00e9veloppes ta capacit\u00e9 \u00e0 distinguer la qualit\u00e9, et \u00e7a, c\u2019est primordial. Mais moi, \u00e7a fait 27 ans que je fais \u00e7a.<\/p>\n

Combien de temps durait cette formation ?<\/strong>
\nC\u2019\u00e9tait en 1990. Sotheby\u2019s et Christie\u2019s ont d\u00e9sormais des d\u00e9partements bien plus grands, mais \u00e0 cette \u00e9poque, c\u2019\u00e9tait un programme dipl\u00f4mant de 9 mois. Quand tu postulais, c\u2019\u00e9tait un plus d\u2019avoir un dipl\u00f4me universitaire en histoire de l\u2019art. J\u2019ai d\u00e9croch\u00e9 un job dans une galerie d\u00e8s ma sortie du programme, et j\u2019y suis rest\u00e9e dix ans. J\u2019ai eu beaucoup de chance.<\/p>\n

Comment as-tu obtenu ce job \u00e0 la galerie ?<\/strong>
\nLe r\u00e9seautage a parfois mauvaise presse, mais je pense que c\u2019est important d\u2019\u00e9voluer dans un environnement o\u00f9 tu peux rencontrer des gens qui te peuvent ensuite te pr\u00e9senter \u00e0 d\u2019autres personnes. La galerie Vance Jordan Fine Art recherchait un assistant, c\u2019\u00e9tait une galerie sp\u00e9cialis\u00e9e dans la peinture am\u00e9ricaine. Il fallait g\u00e9rer la r\u00e9ception et r\u00e9pondre au t\u00e9l\u00e9phone. J\u2019\u00e9tais p\u00e9trifi\u00e9e. C\u2019\u00e9tait mon premier entretien d\u2019embauche, mais j\u2019ai d\u00e9croch\u00e9 le job et j\u2019y suis rest\u00e9e dix ans.<\/p>\n

C\u2019\u00e9tait une petite galerie et \u00e0 cette \u00e9poque, sur le march\u00e9 de l\u2019art, il y avait encore des chefs-d\u2019\u0153uvre du 19e et du d\u00e9but du 20e si\u00e8cle. Un grand nombre de ces tableaux sont pass\u00e9s entre nos mains, on a travaill\u00e9 avec des mus\u00e9es, des collectionneurs priv\u00e9s. J\u2019ai acquis vraiment beaucoup d\u2019exp\u00e9rience durant ces ann\u00e9es-l\u00e0. Comment encadrer, dans quelles conditions conserver une \u0153uvre, d\u00e9terminer si une \u0153uvre doit \u00eatre nettoy\u00e9e ou bien si elle a \u00e9t\u00e9 trop nettoy\u00e9e, ou encore si elle doit \u00eatre aplatie. Tous les rudiments du m\u00e9tier mais aussi la partie business, comment estimer la valeur d\u2019une \u0153uvre.<\/p>\n

Justement, comment t\u2019es-tu form\u00e9e au niveau business ? Estimer la valeur d\u2019une \u0153uvre, \u00e7a n\u2019est pas au programme en histoire de l\u2019art.<\/strong>
\nEncore une fois, tout est une question d\u2019\u00e9ducation du regard. Heureusement, maintenant, on a Artnet. Pour \u00e9tablir au plus juste la valeur marchande d\u2019une \u0153uvre, on consulte les registres de ventes aux ench\u00e8res. Quand j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 travailler \u00e0 la galerie, j\u2019allais dans les h\u00f4tels des ventes avec mon catalogue et je devais noter tous les prix. Ensuite je revenais \u00e0 la galerie et je reportais tous les prix dans le catalogue de mon boss. \u00c7a me prenait des heures, c\u2019\u00e9tait hyper fastidieux. Maintenant tous les prix sont en ligne, \u00e0 port\u00e9e de clic. Si tu veux conna\u00eetre le prix d\u2019une aquarelle de 1970 d\u2019Ed Ruscha, tu appuies sur deux boutons et tu obtiens l\u2019info. Mais cette expertise, ce connoisseurship, sont indispensables, tu te forges tes propres outils, et tu dois aussi utiliser ton propre discernement.<\/p>\n

Durant ces dix ann\u00e9es \u00e0 la galerie, comment ton r\u00f4le a-t-il \u00e9volu\u00e9 ?<\/strong>
\nJ\u2019ai vraiment eu beaucoup de chance, \u00e7a n\u2019\u00e9tait pas une grosse bo\u00eete donc je n\u2019ai pas eu \u00e0 me cantonner \u00e0 un seul poste. Nous \u00e9tions 6 \u00e0 la galerie. J\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 la r\u00e9ception. Quand je suis arriv\u00e9e \u00e0 New York, j\u2019\u00e9tais jeune. Mon m\u00e9tier me passionnait. J\u2019\u00e9tais hyper enthousiaste, ma vie enti\u00e8re tournait autour de \u00e7a. Je commen\u00e7ais aux aurores et je finissais tard, je lisais des catalogues \u00e0 n\u2019en plus finir. Je me glissais jusqu\u2019\u00e0 la porte du bureau de mon boss et j’\u00e9coutais les conversations qu\u2019il avait avec les clients \u2013 je me suis litt\u00e9ralement plong\u00e9e dans ce monde.
\nUn jour, j\u2019ai re\u00e7u une offre de Christie\u2019s. Je suis all\u00e9e dans le bureau de mon boss pour en parler et il m\u2019a dit deux choses : \u00ab Je sais que tu as de l\u2019ambition mais 1 : tu es une femme et 2 : tu n\u2019es pas assez manipulatrice pour r\u00e9ussir dans le monde de l\u2019art. \u00bb \u00c7a a \u00e9t\u00e9 le plus grand challenge qu\u2019on ait pu me donner.<\/p>\n

Je me suis dit : je suis une femme mais je peux faire \u00e7a mieux, et je peux aussi le faire \u00e0 ma fa\u00e7on. Je n\u2019ai pas \u00e0 \u00eatre manipulatrice. Je peux d\u00e9velopper avec mes clients une relation bas\u00e9e sur l\u2019int\u00e9grit\u00e9, la confiance, le savoir, avoir une vraie \u00e9thique. \u00c7a m\u2019a donn\u00e9 une vraie impulsion \u2013 j\u2019ai refus\u00e9 de me soumettre \u00e0 ce qu\u2019on attendait de moi et, lentement mais s\u00fbrement, j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 penser de plus en plus \u00e0 travailler directement avec les clients. \u00c7a a vraiment \u00e9t\u00e9 un coup de chance extraordinaire \u2013 mes premiers clients sont entr\u00e9s et j\u2019\u00e9tais seule dans la galerie \u00e0 ce moment-l\u00e0. Ils m\u2019ont demand\u00e9 des informations sur le tableau qui \u00e9tait au-dessus de mon bureau \u2013 un tableau de John Marin -, et \u00e7a a \u00e9t\u00e9 le d\u00e9but de notre relation. Franchir ces \u00e9tapes petit \u00e0 petit, aid\u00e9e par la gentillesse des gens, tout \u00e7a m\u2019a donn\u00e9 la confiance dont j\u2019avais besoin. C\u2019est pour \u00e7a que j\u2019adore aider les jeunes qui d\u00e9butent. Croire en eux, leur donner une chance \u2013 c\u2019est ce qui a chang\u00e9 ma vie.<\/p>\n

C\u2019est fou quand m\u00eame, ce qu\u2019il t\u2019a dit\u2026<\/strong>
\nJe n\u2019oublierai jamais cette discussion. Il \u00e9tait merveilleux, il m\u2019a appris presque tout ce que je sais et je lui en serai \u00e9ternellement reconnaissante. Et je lui suis reconnaissante d\u2019avoir eu ces mots-l\u00e0 ! \u00c7a a chang\u00e9 ma carri\u00e8re. \u00c7a a \u00e9t\u00e9 un autre moment-cl\u00e9 dans ma vie, un v\u00e9ritable tournant. Une chose qui m\u2019a aussi beaucoup aid\u00e9e, ce sont les valeurs que mes parents m\u2019ont transmises, des valeurs traditionnelles, comme l\u2019int\u00e9grit\u00e9 et ne jamais remettre en question les d\u00e9cisions qu\u2019on prend. Il y a des moments o\u00f9 on vous demande de vous compromettre, et bien moi, je ne l\u2019ai jamais fait et j\u2019en suis fi\u00e8re, c\u2019est ma r\u00e9putation. Mes clients savent tous que je parle toujours en toute franchise.<\/p>\n

Et apr\u00e8s dix ans \u00e0 la galerie, o\u00f9 en es-tu ?<\/strong>
\nC\u2019\u00e9tait vraiment passionnant, de tisser petit \u00e0 petit ces relations de confiance et de r\u00e9ussir au bout d\u2019un moment \u00e0 ce que les nouveaux clients veuillent travailler directement avec moi et plus n\u00e9cessairement avec mon boss. J\u2019\u00e9tais reconnue dans mon domaine par mes pairs. J\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 r\u00e9fl\u00e9chir \u00e0 la suite de ma carri\u00e8re. Je sentais que ce qui me procurait le plus de joie, c\u2019\u00e9tait la relation que j\u2019entretenais avec mes clients et le fait de les aider \u00e0 trouver des \u0153uvres d\u2019art qui changent leur vie. J\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 me sentir \u00e0 l\u2019\u00e9troit \u00e0 la galerie, on avait des \u0153uvres exceptionnelles, de vrais chefs-d\u2019\u0153uvre, mais j\u2019avais envie d\u2019\u00eatre libre d\u2019aller moi-m\u00eame sur le terrain pour trouver des oeuvres pour mes clients. Il y avait ce couple d\u2019art advisors qui fr\u00e9quentait la galerie, des femmes incroyables. Un jour, en les regardant, je me suis dit : c\u2019est ce que je veux faire, je veux cette flexibilit\u00e9.<\/p>\n

Et sur le plan personnel, comment \u00e7a se passait pour toi \u00e0 ce moment-l\u00e0 ?<\/strong>
\nAu moment o\u00f9 j\u2019ai rencontr\u00e9 mon mari, j\u2019\u00e9tais \u00e0 fond dans le boulot. Je disais que mon meilleur ami le vendredi soir, c\u2019\u00e9tait le Metropolitan Museum, parce que je passais tout mon temps l\u00e0-bas. Heureusement, il \u00e9tait tr\u00e8s ouvert \u00e0 \u00e7a. Dans le discours qu\u2019il a fait le soir de notre mariage, il a dit que gr\u00e2ce \u00e0 moi, il voyait le monde diff\u00e9remment, il ne regardait plus les couchers de soleil de la m\u00eame fa\u00e7on. On a \u00e9norm\u00e9ment voyag\u00e9, on est souvent all\u00e9s au mus\u00e9e, \u00e7a restait une de nos occupations pr\u00e9f\u00e9r\u00e9es.<\/p>\n

Je savais que j\u2019avais envie de continuer \u00e0 travailler, mais je voulais aussi fonder une famille. L\u2019id\u00e9e, c\u2019\u00e9tait de me mettre \u00e0 mon compte et de faire du consulting artistique, de cette fa\u00e7on, quand on aurait des enfants, j\u2019aurais d\u00e9j\u00e0 mon affaire, et je serais plus flexible. Donc c\u2019est ce que j\u2019ai fait.<\/p>\n

C\u2019\u00e9tait un peu effrayant. Les changements, \u00e7a fait toujours peur, on se pose des questions. J\u2019y suis all\u00e9e progressivement. Je suis all\u00e9e d\u00e9jeuner avec un de mes clients, et il m\u2019a dit : \u00ab Si tu te lances, j\u2019aimerais beaucoup \u00eatre un de tes premiers clients. \u00bb J\u2019ai re\u00e7u des marques de soutien formidables.<\/p>\n

Pour combien de clients travailles-tu maintenant ?<\/strong>
\nJ\u2019ai une associ\u00e9e depuis 10 ans, elle a fait la m\u00eame formation que moi chez Sotheby\u2019s. On a la m\u00eame \u00e9thique de travail. On a toutes les deux un \u0153il aiguis\u00e9, et la m\u00eame capacit\u00e9 \u00e0 recommander des \u0153uvres de qualit\u00e9 \u00e0 nos clients. Il y a des gens avec qui on travaille depuis 25 ans. On en a qui cherchent des \u0153uvres bien pr\u00e9cises, alors on essaie de leur d\u00e9busquer une \u0153uvre d\u2019Agnes Martin de telle ou telle p\u00e9riode. Certains ne sont plus aussi actifs, mais on a b\u00e2ti des relations durables avec eux, et donc ils continuent \u00e0 compter pour nous. Je dirais qu\u2019on a cinq clients tr\u00e8s actifs, peut-\u00eatre 10 au total. Avec Kay, on a une fa\u00e7on de travailler particuli\u00e8re qui ne convient pas \u00e0 tout le monde.<\/p>\n

Tu peux nous en dire plus \u00e0 ce sujet ?<\/strong>
\nOn aime s\u2019adapter aux envies de nos clients. On ne leur recommande pas toujours les m\u00eames artistes, on ne suit pas trop les tendances. On essaie d\u2019une certaine mani\u00e8re d\u2019\u00e9duquer notre client, de trouver ce qui le passionne, fait battre son c\u0153ur, … et en fonction de tout \u00e7a, on est en mesure de les conseiller au mieux. On dit beaucoup non… d\u2019ailleurs on dit plus souvent non que oui. Nous on se concentre sur les artistes aux r\u00e9putations \u00e9tablies. Le monde de l\u2019art est foisonnant. Il y a de nouveaux jeunes artistes qui \u00e9mergent chaque jour, et ce n\u2019est pas notre sp\u00e9cialit\u00e9. Il nous faudrait un autre associ\u00e9 pour \u00e7a. Et pour la plupart de nos clients qui font une belle acquisition, le fait de savoir que l\u2019artiste qu\u2019ils ont choisi est d\u00e9j\u00e0 expos\u00e9 dans des mus\u00e9es, a d\u00e9j\u00e0 une r\u00e9putation, \u00e7a les conforte dans leur choix.<\/p>\n

On aime aussi beaucoup avoir une d\u00e9marche un peu iconoclaste. Envisager, proposer des artistes que les gens ont oubli\u00e9s ou d\u00e9laiss\u00e9s… de nombreuses galeries ont aussi cette d\u00e9marche et exposent des artistes qui ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9laiss\u00e9s, qui vont \u00e0 contre-courant des tendances du moment. Le monde de l\u2019art est tr\u00e8s cyclique… C\u2019est difficile d\u2019expliquer pourquoi tel artiste se vend \u00e0 tel prix \u00e0 un moment M… on compose avec tout \u00e7a.<\/p>\n

Chaque collection d\u2019art est tr\u00e8s personnelle. On aime travailler avec les collectionneurs. Parfois, \u00e7a commence par un boulot de d\u00e9coration, mais finalement notre objectif, et ce qui est le plus gratifiant, c\u2019est le moment o\u00f9 les clients ont un vrai coup de foudre. O\u00f9 une \u0153uvre d\u2019art va vraiment changer leur vie… ils partagent \u00e7a avec leurs enfants, \u00e7a donne \u00e0 leur vie une autre dimension… ils voyagent, entrent au conseil d\u2019administration de certains mus\u00e9es, deviennent investis dans des missions philanthropes. Ce n\u2019est pas juste des \u0153uvres d\u2019art accroch\u00e9es aux murs, c\u2019est l\u2019art qui s\u2019invite dans votre vie… et c\u2019est un vrai bonheur pour nous quand la magie op\u00e8re.<\/p>\n

Comment, en tant que consultant en art, gagne-t-on de l\u2019argent ? Et comment est-ce que cela devient une activit\u00e9 \u00e0 part enti\u00e8re ?<\/strong>
\nLe march\u00e9 de l\u2019art n\u2019est pas vraiment r\u00e9glement\u00e9. Avec Kay nous faisons partie de l\u2019Association of American Art Dealers (Association des marchands d\u2019art am\u00e9ricains). A ma connaissance, c\u2019est la seule organisation officielle de la sorte aux Etats-Unis. C\u2019est agr\u00e9able d\u2019avoir un r\u00e9seau solidaire, des coll\u00e8gues, de partager la m\u00eame \u00e9thique de travail. On n\u2019a pas de stock… enfin, on n\u2019a pas une r\u00e9serve d\u2019\u0153uvres d\u2019art qu\u2019on vendrait. Je suis vraiment un interm\u00e9diaire entre un client et une galerie. Avec certains clients, on fonctionne au forfait, on peut aussi travailler \u00e0 la commission, voil\u00e0. On essaie de rester les plus transparentes possibles, de fa\u00e7on \u00e0 ce que le client sache exactement ce qu\u2019il paie, qu\u2019il n\u2019y ait pas de frais cach\u00e9s. Donc on n\u2019accepte pas de commissions venant des galeries. Si on travaille \u00e0 la commission, c\u2019est le client qui paie. C\u2019est tr\u00e8s clair.<\/p>\n

Une journ\u00e9e-type ? Tu disais n\u2019avoir pas de bureau au sens classique du terme, tu es plus au contact des clients, des \u0153uvres d\u2019art…<\/strong>
\nJ\u2019estime avoir \u00e9norm\u00e9ment de chance de pouvoir travailler comme \u00e7a. Je vis de ma passion, \u00e0 NY, entour\u00e9e de sources d\u2019inspiration.<\/p>\n

Il n\u2019y a pas deux journ\u00e9es semblables. Avec mon associ\u00e9e, on se r\u00e9serve deux jours par semaines pour aller dans des galeries, faire des recherches, aller voir des expositions dans les mus\u00e9es, ou alors aller chez des clients. Et puis il y a aussi les ventes aux ench\u00e8res qu\u2019on d\u00e9couvre en avant-premi\u00e8re, les ventes elles-m\u00eames, des clients qui viennent nous rendre visite. Dans ce cas, on leur organise une journ\u00e9e avec des visites aux quatre coins de la ville pour aller voir des \u0153uvres bien pr\u00e9cises.<\/p>\n

Parmi les moments qu\u2019on adore, il y a ceux o\u00f9 les \u0153uvres sont install\u00e9es chez les clients. L\u00e0, je reviens tout juste d\u2019un accrochage dans un sublime appartement de l\u2019Upper East Side, la pi\u00e8ce qu\u2019on a install\u00e9e a compl\u00e8tement m\u00e9tamorphos\u00e9 les lieux. Comme une pi\u00e8ce manquante qui trouvait sa place… une r\u00e9v\u00e9lation ! Donc oui, les installations, on adore, c\u2019est sympa, mais tout le reste est g\u00e9nial aussi. Souvent, on me demande, alors, tu as fait des transactions cette semaine ? Mais \u00e7a peut prendre des mois… on cherche vraiment l\u2019\u0153uvre qui plaira. C\u2019est tellement gratifiant de voir un client enfin trouver une pi\u00e8ce qu\u2019il cherche depuis cinq ans !<\/p>\n

L\u2019av\u00e8nement du num\u00e9rique a-t-il chang\u00e9 ta fa\u00e7on de travailler ?<\/strong>
\nJ\u2019ai un peu honte, mais je fonctionne \u00e0 l\u2019ancienne… on n\u2019a pas de site Internet ! On travaille avec des clients priv\u00e9s, qui ne veulent pas que leurs \u0153uvres d\u2019art apparaissent sur Internet. Il faudrait sans doute qu\u2019on saute le pas, mais on est comme \u00e7a.<\/p>\n

N\u00e9anmoins, il y a aussi des outils fabuleux comme Artnet. Avant, pour envoyer la photo d\u2019une \u0153uvre \u00e0 un client, il fallait qu\u2019on aille la photographier, qu\u2019on fasse d\u00e9velopper les n\u00e9gatifs, qu\u2019on l\u2019envoie par la poste, avec une enveloppe pour le retour… Maintenant, c\u2019est ultra-rapide. Un client voit quelque chose qui lui pla\u00eet et quelques secondes apr\u00e8s, il re\u00e7oit la photo. C\u2019est fabuleux. M\u00eame si je suis un peu triste de ne plus aller \u00e0 la biblioth\u00e8que du mus\u00e9e Frick. L\u2019odeur des livres, consulter les archives des expositions pass\u00e9es, retrouver un titre ou un nom… \u00e7a me manque mais c\u2019est vrai que c\u2019\u00e9tait extr\u00eamement chronophage. Maintenant, on a Google. C\u2019est merveilleux, et je peux partager cette accessibilit\u00e9 avec mes clients.<\/p>\n

J\u2019adore l\u2019ouverture que le num\u00e9rique a offerte aux gens. Quand j\u2019ai d\u00e9but\u00e9 chez Sotheby\u2019s, tout cet univers semblait tr\u00e8s \u00e9litiste et s\u00e9lectif… mais \u00e7a s\u2019est d\u00e9mocratis\u00e9 et j\u2019aime beaucoup \u00e7a. Bien entendu chaque \u0153uvre est unique, et j\u2019encourage toujours mes clients \u00e0 aller l\u2019admirer de visu. C\u2019est quand m\u00eame assez rare qu\u2019un client ach\u00e8te une \u0153uvre qu\u2019il n\u2019aurait vu qu\u2019en .JPEG, \u00e0 moins que ce soit quelque chose qu\u2019il cherche depuis longtemps. Pour comprendre pleinement une \u0153uvre, une sculpture, il n\u2019y a rien de plus fort que de l\u2019observer en vrai.<\/p>\n

Quel est le plus gros d\u00e9fi dans ton m\u00e9tier ?<\/strong>
\nCes derni\u00e8res ann\u00e9es, \u00e7a a \u00e9t\u00e9 de trouver un \u00e9quilibre entre le travail, le fait d\u2019\u00eatre m\u00e8re et la n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019avoir du temps pour moi. J\u2019aime tellement ce que je fais que parfois, je peux me laisser submerger, mais je ne veux pas passer \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de mes enfants. Avec les ann\u00e9es, je m\u2019organise mieux… c\u2019est un peu comme si je courais un marathon tout en sachant que j\u2019en suis capable. Maintenant, mes filles sont au lyc\u00e9e, je les d\u00e9pose tous les matins \u00e0 7 h 30 et je ne les retrouve qu\u2019\u00e0 18 h 45 le soir, donc j\u2019ai toute la journ\u00e9e devant moi. Le plus gros d\u00e9fi, \u00e7a a \u00e9t\u00e9 de r\u00e9ussir \u00e0 prendre le temps de voir les filles grandir, de passer du temps avec elle, parce que \u00e7a n\u2019arrive qu\u2019une fois. C\u2019est pour \u00e7a que j\u2019ai tenu \u00e0 avoir une associ\u00e9e : Kay est m\u00e8re de trois enfants, on sait qu\u2019on peut compter l\u2019une sur l\u2019autre, on se comprend. C\u2019est difficile parce que c\u2019est \u00e9puisant, et que \u00e7a demande \u00e9norm\u00e9ment d\u2019\u00e9nergie. Je suis soulag\u00e9e maintenant que j\u2019ai fait le plus dur et que je suis de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9. J\u2019ai mont\u00e9 ma bo\u00eete, et je n\u2019ai pas abandonn\u00e9… alors que j\u2019ai eu des moments de doute, je ne savais plus si j\u2019\u00e9tais capable de tout mener de front.<\/p>\n

Il y a de telles injonctions faites aux femmes qui doivent \u00eatre capables de tout mener de front, parfaitement… on en parle souvent.<\/strong>
\nIl faut se fixer des priorit\u00e9s, savoir \u00e0 quoi on va consacrer du temps et de l\u2019\u00e9nergie. Moi, par exemple, je ne fais pas \u00e0 manger le soir. C\u2019est comme \u00e7a. je pr\u00e9pare le petit-d\u00e9jeuner pour mon mari et mes filles tous les matins, mais entre 15 h et 18 h, ce cr\u00e9neau horaire o\u00f9 je pourrais aller faire des courses et pr\u00e9parer \u00e0 d\u00eener, moi je travaille. Ma priorit\u00e9, c\u2019\u00e9tait d\u2019aller chercher les filles \u00e0 l\u2019\u00e9cole, de les emmener \u00e0 leurs auditions de piano, et je voulais que \u00e7a se fasse sans stress. Et puis parfois, m\u00eame si j\u2019ai tr\u00e8s envie d\u2019aller \u00e0 Frieze Art Fair \u00e0 Londres, c\u2019est mon associ\u00e9e qui s\u2019y rend, parce qu\u2019il y a un match de volley que je ne peux pas rater. C\u2019est un sacr\u00e9 d\u00e9fi, mais je ne regrette rien.<\/p>\n

L\u2019aspect le plus gratifiant de ton travail ?<\/strong>
\nJe vais vous lire un e-mail qu\u2019un client m\u2019a envoy\u00e9 : \u00ab Quelle journ\u00e9e formidable ! J\u2019ai encore le sourire aux l\u00e8vres quand je pense \u00e0 toute la beaut\u00e9 et l\u2019inspiration que vous nous avez offertes. Merci mille fois d\u2019avoir pris ce moment avec nous, nous ch\u00e9rissons ces moments pass\u00e9s ensemble. \u00bb<\/p>\n

C\u2019est le fait d\u2019\u00eatre avec des gens avec qui le courant passe. Apprendre \u00e0 les conna\u00eetre, \u00e0 conna\u00eetre leur vie. J\u2019ai beaucoup appris en allant voir des \u0153uvres avec Phillip [Lim], il m\u2019apprend \u00e9norm\u00e9ment, on \u00e9change des id\u00e9es. Ce qu\u2019on fait, c\u2019est cr\u00e9er du lien, partager nos passions et nos d\u00e9couvertes… ce moment o\u00f9 un collectionneur tombe vraiment amoureux d\u2019une pi\u00e8ce, l\u00e0 on partage vraiment ce langage de l\u2019art, qui va bien au-del\u00e0 d\u2019une \u0153uvre sur un mur. Moi, j\u2019ai toujours tra\u00een\u00e9 les filles au mus\u00e9e, et maintenant, elles me disent : \u00ab Maman, \u00e7a fait longtemps qu\u2019on n\u2019a pas vu d\u2019expo ! \u00bb Elles font partie d\u2019un club d\u2019histoire de l\u2019art au lyc\u00e9e, elles savent parler avec beaucoup d\u2019enthousiasme et d\u2019assurance des \u0153uvres qui sont chez nous… et je suis ravie qu\u2019elles aient des liens aussi forts avec chaque \u0153uvre.<\/p>\n

Et puis ce qui me fait chaud au c\u0153ur, c\u2019est ces relations qui deviennent tellement plus qu\u2019une relation professionnelle… comme avec Phillip Lim et Wen.<\/p>\n

Est-ce que tu as un mentor ? Une figure qui t\u2019a inspir\u00e9e ?<\/strong>
\nJ\u2019en ai eu plusieurs au cours de ma vie. Je crois beaucoup au pouvoir des mentors. J\u2019encourageais justement mes filles \u00e0 davantage solliciter leurs profs, la directrice de leur \u00e9cole, \u00e0 d\u00e9jeuner avec eux. Elles m\u2019ont prise pour une folle. Mais c\u2019est ce que j\u2019ai fait quand j\u2019\u00e9tais \u00e0 l\u2019universit\u00e9 de Los Angeles. James Cuno, qui est d\u00e9sormais le pr\u00e9sident du Trust J Paul Getty, \u00e9tait mon professeur. Je suis all\u00e9e le voir en tremblant dans son bureau pour lui demander s\u2018il voulait bien qu\u2019on d\u00e9jeune ensemble et \u00e7a a chang\u00e9 ma vie. J\u2019ai eu plusieurs mentors, et j\u2019aime bien moi aussi jouer ce r\u00f4le, maintenant. Mon premier patron, Vance Jordan, a \u00e9t\u00e9 une des personnes qui m\u2019ont le plus inspir\u00e9e. Il croyait en moi, il m\u2019a donn\u00e9 ma chance \u00e0 plusieurs reprises. Il nous a malheureusement quitt\u00e9s, mais je pense souvent \u00e0 lui.<\/p>\n

Le meilleur conseil qu\u2019on t\u2019ait jamais donn\u00e9 ?<\/strong>
\nIl me vient de mon p\u00e8re : \u00ab Reste fid\u00e8le \u00e0 toi-m\u00eame. \u00bb \u00c7a m\u2019a permis de toujours continuer \u00e0 avancer. Il y a forc\u00e9ment des moments difficiles, alors c\u2019est important de savoir qui on est, d\u2019avoir des valeurs, de ne pas se compromettre.<\/p>\n

Ton conseil \u00e0 quelqu\u2019un qui aimerait travailler dans le monde de l\u2019art en tant que consultant ?<\/strong>
\nVous allez adorer, c\u2019est un boulot g\u00e9nial ! Mais ne m\u00e9nagez pas vos efforts. Oui, j\u2019ai pass\u00e9 des heures \u00e0 faire la r\u00e9ceptionniste, \u00e0 r\u00e9pondre au t\u00e9l\u00e9phone, \u00e0 \u00e9couter d\u2019autres gens parler, \u00e0 faire des heures sup jusqu\u2019\u00e0 la fermeture de la galerie \u00e0 23 h 30… ne m\u00e9nagez pas vos efforts. Investissez-vous, allez aux vernissages, aux expos, rencontrez des gens. Fa\u00eetes-vous une place dans cette communaut\u00e9, c\u2019est important. Oui, c\u2019est difficile, mais si vous pers\u00e9v\u00e9rez, que vous \u00eates l\u00e0, que vous parlez avec tout le monde, vous finirez par trouver votre pace, j\u2019en suis s\u00fbre. Plongez-vous dans cet univers, vivez-le \u00e0 fond. Ce qui m\u2019a donn\u00e9 \u00e9norm\u00e9ment d\u2019assurance, c\u2019est que j\u2019ai accumul\u00e9 \u00e9norm\u00e9ment de connaissances, de travail, de conseils… Mais \u00e7a prend du temps.<\/p>\n

Le monde de l\u2019art peut \u00eatre intimidant : quel serait ton conseil \u00e0 des gens qui commencent \u00e0 vouloir collectionner ou investir dans des \u0153uvres d\u2019art sans vraiment s\u2019y conna\u00eetre ?<\/strong>
\nJe conseille neveu qui a 27 ans et bosse comme un fou \u00e0 San Francisco. Il a pass\u00e9 tout un \u00e9t\u00e9 chez nous, il a vu qu\u2019on vivait immerg\u00e9s dans l\u2019art, je l\u2019ai emmen\u00e9 \u00e0 plein d\u2019expos, et il est devenu compl\u00e8tement accro… mais il n\u2019a pas \u00e9norm\u00e9ment de moyens. D\u00e8s qu\u2019il touche une prime, il met de l\u2019argent de c\u00f4t\u00e9, on fait nos recherches ensemble et il ach\u00e8te des lithographies. Les s\u00e9ries de lithographies d\u2019un m\u00eame artiste, c\u2019est un bon point de d\u00e9part… c\u2019est facile \u00e0 revendre ensuite si on veut acheter autre chose. De toute fa\u00e7on, quelle que soit la somme que vous d\u00e9pensez, ce sera toujours un peu douloureux. Vous aurez l\u2019impression de d\u00e9penser trop, mais allez-y, faites-le. Mes clients n\u2019ont jamais regrett\u00e9 leurs achats, ce qu\u2019ils regrettent souvent, c\u2019est ce qu\u2019ils n\u2019ont pas achet\u00e9. Moi, il y a beaucoup d\u2019\u0153uvres que je regrette de ne pas avoir achet\u00e9. Alors oui, c\u2019est un prix, mais lancez-vous.<\/p>\n

Ton r\u00eave pour la suite ?<\/strong>
\nMon r\u00eave, je le vis maintenant, vraiment. J\u2019ai 48 ans, je fais \u00e7a depuis longtemps et tout commence \u00e0 prendre son sens. Toutes ces heures, ce temps pass\u00e9 avec des clients \u00e0 cr\u00e9er des collections… J\u2019esp\u00e8re juste pouvoir continuer \u00e0 faire ce que j\u2019aime.<\/p>\n

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Les ressources de BJ … <\/p>\n

Des sites g\u00e9niaux pour s\u2019informer ou faire des acquisitions : Paddle8<\/a> ; Artsy<\/a><\/p>\n

Foires et salons : – Deux salons d\u2019art que j\u2019aime… Tous deux tr\u00e8s amicaux, avec une belle s\u00e9lection de marchands qui proposent des \u0153uvres \u00e0 des prix raisonnables. Je conseille d\u2019aller discuter avec les marchands d\u2019art et les galeristes : ils ont plein d\u2019informations, et c\u2019est une super fa\u00e7on de nouer des relations : The Independent<\/a> ; Frieze<\/a> <\/p>\n

Ench\u00e8res : – Les ventes aux ench\u00e8res, c\u2019est une bonne mani\u00e8re de se familiariser avec des artistes, \u00e7a permet de comprendre et d\u2019apprendre la valeur des \u0153uvres. Commencez par les ventes de photographies et de lithographies chez Christie’s<\/a>, Sotheby\u2019s<\/a> et Phillips<\/a>. <\/p>\n

Et bien s\u00fbr, NY dispose d\u2019une incroyable sc\u00e8ne artistique avec une myriade de mus\u00e9es et galeries… Aller voir des \u0153uvres en vrai, c\u2019est bien pour aiguiser son \u0153il de collectionneur… <\/p>\n

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D\u00e9sol\u00e9, cet article est seulement disponible en Anglais Am\u00e9ricain.<\/p>\n","protected":false},"author":4,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[1399,1398],"tags":[1580,5258,4360],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/259691"}],"collection":[{"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/users\/4"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=259691"}],"version-history":[{"count":10,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/259691\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":259776,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/259691\/revisions\/259776"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=259691"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=259691"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=259691"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}