{"id":236502,"date":"2016-06-24T09:21:32","date_gmt":"2016-06-24T13:21:32","guid":{"rendered":"https:\/\/www.wearedore.com\/?p=236502"},"modified":"2017-10-11T12:09:21","modified_gmt":"2017-10-11T16:09:21","slug":"career-cathy","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/wp.wearedore.com\/fr\/lifestyle\/career-cathy\/","title":{"rendered":"Career \/ Cathy"},"content":{"rendered":"

Pendant mon adolescence, les seuls jobs qui me faisaient envie, c\u2019\u00e9tait dans des boutiques de pr\u00eat-\u00e0-porter. J\u2019\u00e9tais compl\u00e8tement obnubil\u00e9e par la mode et c\u2019\u00e9tait ce qui s\u2019en approchait le plus. Le jour de mes 16 ans, je me suis trouv\u00e9 un petit boulot chez The Limited Too. Apr\u00e8s \u00e7a, j\u2019ai travaill\u00e9 dans une petite boutique de v\u00eatements pour enfants et \u00e0 la fac, j\u2019ai boss\u00e9 deux ans chez Rugby et dans une petite boutique de pr\u00eat-\u00e0-porter masculin. Toutes ces exp\u00e9riences m\u2019ont appris \u00e0 respecter tous ceux qui travaillent dans ces boutiques, et encore plus ceux qui ont su transformer leurs jobs d\u2019\u00e9tudiants en de vraies carri\u00e8res dans la mode<\/a>.<\/p>\n

<\/p>\n

C\u2019est l\u00e0 qu\u2019intervient Cathy<\/a>, qui a travaill\u00e9 chez Prada<\/a> avec Elle<\/a>. Elle est directrice de l\u2019identit\u00e9 visuelle chez Warby Parker<\/a>, ce qui signifie qu\u2019elle est responsable du visuel de tous les espaces physiques de la marque (boutiques, bureaux, showrooms, etc.). Elle a un parcours dans le retail qui forcerait l\u2019admiration de toute jeune stagiaire. Elle a travaill\u00e9 comme vendeuse puis gr\u00e2ce \u00e0 son \u00e9nergie cr\u00e9atrice, b\u00e2ti une carri\u00e8re aupr\u00e8s des marques les plus connues. Elle a travaill\u00e9 pour Kiehl\u2019s<\/a>, Gap<\/a>, The North Face, Gucci<\/a>, Opening Ceremony<\/a>, Cole Haan<\/a>, Prada et maintenant Warby Parker, la marque retail qui monte. J\u2019esp\u00e8re que vous aimerez suivre son parcours aussi vivant qu\u2019admirable !<\/p>\n

________________<\/b><\/center>Que voulais-tu faire plus tard quand tu \u00e9tais jeune ?<\/strong>
\nJe voulais devenir artiste, \u00e0 cause de Bob Ross. J\u2019adorais son art, c\u2019\u00e9tait vraiment magique \u00e0 mes yeux. Ce qu\u2019il disait, et la fa\u00e7on dont il le peignait.<\/p>\n

Quand il expliquait ce qu\u2019il faisait : \u00ab Voil\u00e0 comment on fait la neige, et les sommets des montagnes, on utilise ce pinceau sp\u00e9cial \u00bb, je me disais : \u00ab mais je pourrais tout \u00e0 fait faire la m\u00eame chose ! \u00bb C\u2019\u00e9tait comme un tour de magie dont je me croyais capable. Je trouvais \u00e7a g\u00e9nial.<\/p>\n

Les ann\u00e9es passant, j\u2019ai continu\u00e9 \u00e0 vivre sur mon petit nuage : je voulais devenir \u00e9crivain, artiste. Et puis je crois que j\u2019ai eu ma p\u00e9riode v\u00e9to : j\u2019adorais les animaux, les chiens, les chats, les chevaux.<\/p>\n

O\u00f9 as-tu pass\u00e9 ton enfance ?<\/strong>
\nHors des Etats-Unis. Mes parents\u2026 Enfin, mon p\u00e8re biologique \u00e9tait \u2013 quand mes parents se sont rencontr\u00e9s \u2013 c\u2019\u00e9tait un Marine. Ensuite, il a travaill\u00e9 pour Air America. Il a contribu\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9vacuation du Vietnam. Il a fait sortir ma m\u00e8re et toute la famille. Mais j\u2019ai grandi avec ma m\u00e8re et mon p\u00e8re, en Arabie Saoudite. C\u2019est l\u00e0 que remontent mes premiers souvenirs, ma m\u00e8re enseignait l\u2019anglais, c\u2019\u00e9tait une polyglotte accomplie, elle parlait plein de langues, donc elle donnait des cours et faisait du travail administratif. Mon p\u00e8re, d\u2019apr\u00e8s ce que j\u2019ai compris, pr\u00e9parait les plannings de vol des avions. Ensuite, mes parents se sont s\u00e9par\u00e9s, ma m\u00e8re n\u2019aimait pas l\u2019Arabie Saoudite, et mes parents ne s\u2019entendaient plus. Quand on est rentr\u00e9s aux Etats-Unis, elle a fait des \u00e9tudes pour devenir coiffeuse.<\/p>\n

Vous \u00eates n\u00e9e ici ?<\/strong>
\nJe suis n\u00e9e \u00e0 Singapour. Mais j\u2019ai toujours eu la nationalit\u00e9 am\u00e9ricaine parce que mon p\u00e8re \u00e9tait de Richmond, en Virginie. Quand on est rentr\u00e9s aux Etats-Unis, ma m\u00e8re s\u2019est remari\u00e9e avec un ing\u00e9nieur en \u00e9lectricit\u00e9. Pendant ma scolarit\u00e9 et mes \u00e9tudes, ma m\u00e8re a toujours tout fait pour que je ne me retrouve pas avec un travail o\u00f9 je reste debout toute la journ\u00e9e. Quant \u00e0 mon beau-p\u00e8re, il ne voyait de salut que dans les maths pour gagner de l\u2019argent. Ou alors les sciences, ou les \u00e9tudes d\u2019ing\u00e9nieur. Ou bla-bla-bla. Bref, j\u2019ai r\u00e9fl\u00e9chi \u00e0 tout \u00e7a et je me suis dit que je deviendrais r\u00e9dactrice technique.<\/p>\n

Il faut savoir se faire aider de temps de temps. Parfois, il suffit de faire ce que personne ne veut faire.<\/p><\/blockquote>\n

Quelles \u00e9tudes as-tu suivies ?<\/strong>
\nJ\u2019avais choisi Biologie, Litt\u00e9rature et Ecriture de fiction, mais \u00e7a n\u2019allait pas. Je suis all\u00e9e \u00e0 l\u2019universit\u00e9 de Santa Cruz. C\u2019\u00e9tait la seule universit\u00e9 qui m\u2019acceptait en Californie. Moi qui voulais devenir r\u00e9dactrice scientifique, j\u2019\u00e9chouais \u00e0 tous les examens de maths ! Le seul examen que j\u2019ai r\u00e9ussi, c\u2019est oc\u00e9anographie. En fait je faisais du surf \u00e0 Orange County, et je me sentais hyper concern\u00e9e par l\u2019oc\u00e9an et toutes ces choses. Et la biologie, c\u2019\u00e9tait ce qui me parlait le plus de fa\u00e7on concr\u00e8te. Finalement, je me suis retrouv\u00e9e \u00e0 23 ans et mon beau-p\u00e8re m\u2019a dit : \u00ab Euh, tu es c\u00e9libataire, tu n\u2019as pas de dipl\u00f4me, bouge-toi. \u00bb Du coup, j\u2019ai demand\u00e9 si je pouvais arr\u00eater les sciences et le reste.<\/p>\n

J\u2019ai repris l\u2019\u00e9criture, fait quelques trucs, boucl\u00e9 me \u00e9tudes et suis partie pour San Francisco. Tout le monde me disait que pour faire de l\u2019argent, il fallait aller dans la Silicon Valley. Donc je suis devenue productrice web, non mais vous imaginez ? Je pondais du code pour des sites Internet. J\u2019ai commenc\u00e9 par travailler chez MacWorld, \u00e7a a \u00e9t\u00e9 mon premier vrai boulot d\u2019adulte, et j\u2019\u00e9crivais des critiques de programmes qui seraient un peu comme les applis actuelles. Je g\u00e9rais ce site de vente qu\u2019ils avaient en plus.<\/p>\n

Ensuite, je suis pass\u00e9e chez Tech TV. J\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 \u00e9crire des petits comptes-rendus et des titres sur la bourse tous les matins, c\u2019\u00e9tait tellement bizarre ! Mais bon, j\u2019\u00e9tais productrice web, c\u2019\u00e9tait un m\u00e9lange de technologie, de cr\u00e9ativit\u00e9, et d\u2019\u00e9criture.<\/p>\n

Comment as-tu ma\u00eetris\u00e9 la technique du codage ?<\/strong>
\nJe suis un peu autodidacte, il y a des gens qui m\u2019ont montr\u00e9 comment \u00e7a marche. Vraiment, c\u2019est des amis qui m\u2019ont expliqu\u00e9 \u00e7a. J\u2019ai vraiment eu de la chance dans mon parcours\u2026 il faut savoir se faire aider de temps de temps. Parfois, il suffit de faire ce que personne ne veut faire. Et c\u2019est comme \u00e7a que les gens vous aident.<\/p>\n

Comment es-tu pass\u00e9e de la techno au retail ?<\/strong>
\nL\u2019\u00e9clatement de la bulle Internet s\u2019est produit quand j\u2019\u00e9tais chez Tech TV, et j\u2019ai \u00e9t\u00e9 licenci\u00e9e comme tout le monde. A une \u00e9poque, j\u2019avais l\u2019impression que plus personne autour de moi n\u2019avait de boulot.<\/p>\n

J\u2019avais beaucoup d\u2019amis qui touchaient le ch\u00f4mage, mais moi, ce n\u2019\u00e9tait vraiment pas la vie que je voulais. Surtout pas. Donc je me suis dit que j\u2019allais tenter ma chance dans le retail, o\u00f9 il y avait du boulot. Ce n\u2019\u00e9tait pas forc\u00e9ment folichon, mais il y avait du boulot. Donc j\u2019ai postul\u00e9 chez Gap, chez American Rag, Diesel, Kiehl\u2019s\u2026 et je suis devenue cette nana qui cumule 30 petits boulots. Quand j\u2019ai postul\u00e9 chez Gap, je me souviens que dans la queue, il y avait d\u2019ex-PDG de la bulle Internet qui attendaient aussi leur tour. \u00c7a a vraiment \u00e9t\u00e9 une sacr\u00e9e exp\u00e9rience, un truc marquant, \u00e0 San Francisco.<\/p>\n

Pendant un moment, j\u2019ai boss\u00e9 comme h\u00f4tesse chez Gap. J\u2019ai \u00e9t\u00e9 chez American Rag, j\u2019habillais les s\u0153urs Traina, en Juicy Couture, Paper Denim et Seven Jeans. J\u2019\u00e9tais une bonne vendeuse, j\u2019avais vraiment la fibre de la vente. J\u2019avais un truc tout b\u00eate : apprendre le nom des clientes ! Au lieu de frapper \u00e0 la cabine d\u2019essayage en disant : \u00ab Tout va bien, madame ? \u00bb, mieux vaut dire : \u00ab Emily, vous avez besoin de quelque chose, d\u2019une autre taille ? \u00bb Leur faire savoir qu\u2019elles ont une alli\u00e9e en boutique qui est l\u00e0 pour les aider. Pour leur \u00e9viter de courir d\u2019un bout \u00e0 l\u2019autre du magasin.<\/p>\n

Mais le boulot que j\u2019ai pr\u00e9f\u00e9r\u00e9, c\u2019est chez Kiehl\u2019s, donc d\u00e8s qu\u2019un poste \u00e0 temps plein s\u2019est lib\u00e9r\u00e9 l\u00e0-bas, j\u2019ai laiss\u00e9 tomber tous mes autres petits boulots.<\/p>\n

J\u2019y suis rest\u00e9e quelque temps, et puis le copain d\u2019une amie d\u2019amis qui \u00e9tait responsable du merchandising visuel chez Gucci m\u2019a contact\u00e9e. Son assistant s\u2019\u00e9tait cass\u00e9 le bras et ils avaient besoin de quelqu\u2019un \u00e0 la journ\u00e9e, pour l\u2019aider \u00e0 installer la nouvelle vitrine de la boutique. Je me suis dit, chouette, un peu d\u2019argent en plus. Je suis donc all\u00e9e l\u2019aider, je n\u2019avais jamais mani\u00e9 le pinceau de ma vie, je n\u2019\u00e9tais pas hyper bricoleuse. Et \u00e7a reste, \u00e0 ce jour, une des vitrines les plus compliqu\u00e9es que j\u2019aie eu \u00e0 installer.<\/p>\n

Bref, on a travaill\u00e9 ensemble, et Vince m\u2019a bien appr\u00e9ci\u00e9e, du coup notre collaboration s\u2019est poursuivie pendant trois ans. Je travaillais chez Kiehl\u2019s et je faisais quelques heures chez Gucci pour aider Vince sur les vitrines et l\u2019identit\u00e9 visuelle des magasins. Sur le coup, je n\u2019ai pas r\u00e9alis\u00e9, mais c\u2019\u00e9tait un peu comme si j\u2019\u00e9tais son apprentie. Je ne m\u2019en rendais pas compte. Je crois que le seul qui a fait la m\u00eame chose que moi, c\u2019est Humberto Leon. Il travaillait chez Old Navy, qui est aussi le groupe Gap Inc, et je me souviens qu\u2019ensuite il a fait son chemin, il est pass\u00e9 chez Burberry, c\u2019\u00e9tait quelqu\u2019un que j\u2019admirais beaucoup. Je me disais, c\u2019est g\u00e9nial, je fais la m\u00eame chose qu\u2019Humberto\u2026<\/p>\n

Il a vraiment fait appel \u00e0 mon raisonnement en faisant en sorte que j\u2019organise les vitrines de la fa\u00e7on la plus rentable possible. Il m\u2019a appris \u00e0 avoir une approche plus business des vitrines.<\/p><\/blockquote>\n

Comment as-tu atterri chez Gap ?<\/strong>
\nQuand j\u2019\u00e9tais chez Kiehl\u2019s, je commen\u00e7ais \u00e0 avoir un solide carnet d\u2019adresses. Je pr\u00e9parais des corbeilles-cadeaux pour mon client, qui \u00e9tait le directeur artistique de chez Gap. Todd Barket, propri\u00e9taire de Unionmade, que j\u2019adore. Un jour qu\u2019on discutait, je lui ai dit : \u00ab Vous savez, je fais parfois les vitrines de chez Gucci, si vous avez besoin d\u2019aide sur vos vitrines, n\u2019h\u00e9sitez pas. \u00bb Il \u00e9tait ravi et m\u2019a demand\u00e9 mes coordonn\u00e9es \u00ab Je vous dirai si mon \u00e9quipe a besoin d\u2019aide en free-lance. \u00bb Du coup, j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 travailler pour eux en free-lance. Donc je travaillais toujours chez Kiehl\u2019s, pour Gucci, pour Gap\u2026 \u00e7a avan\u00e7ait, j\u2019\u00e9tais super contente de ce que je faisais, j\u2019avais envie de continuer dans cette voie.<\/p>\n

J\u2019ai fini par atterrir chez Gap, \u00e7a a \u00e9t\u00e9 mon bapt\u00eame du feu dans un groupe de plus de 900 boutiques. L\u00e0, c\u2019est la machine. Un peu le bootcamp du retail. C\u2019\u00e9tait assez marginalisant. J\u2019\u00e9tais en charge des vitrines pour GapBody Women et Hommes parfois. Mais on avait tr\u00e8s peu de libert\u00e9.<\/p>\n

Un truc que le gens qui ne sont pas tr\u00e8s au fait du retail ignorent c\u2019est que tout est segment\u00e9 en r\u00e9gions, donc il y a des managers r\u00e9gionaux, des merchandisers r\u00e9gionaux, et autant d\u2019\u00e9quipes charg\u00e9es du visuel. Donc \u00e7a, c\u2019est davantage quand on bosse au niveau national et international.<\/strong><\/p>\n

Tout \u00e0 fait. Et c\u2019\u00e9tait chouette, parce que j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 faire des vitrines pour Gucci, on recevait des directives d\u2019Italie, et on essayait de leur donner vie. On essayait de voir ce que \u00e7a pouvait donner, on transmettait des instructions aux graphistes pour qu\u2019ils cr\u00e9ent le mode d\u2019emploi qui permettrait \u00e0 toutes les \u00e9quipes de toutes les boutiques de comprendre notre vision, notre message. C\u2019\u00e9tait vraiment g\u00e9nial. Ensuite, on m\u2019a licenci\u00e9e, et j\u2019ai travers\u00e9 une p\u00e9riode difficile.<\/p>\n

Mais quand je suis partie, j\u2019avais d\u00e9j\u00e0 pas mal de projets artistiques personnels en d\u00e9veloppement, des vid\u00e9os d\u2019art. Chez Gap, j\u2019ai rencontr\u00e9 un vrai gentleman, quelqu\u2019un de formidable. C\u2019est Eric Samuel Green, qui reste, \u00e0 ce jour, mon mentor absolu en mati\u00e8re de travail, et d\u2019\u00e9quilibre vie perso-boulot.<\/p>\n

Quels \u00e9taient tes projets artistiques ?<\/strong>
\nA San Francisco, j\u2019ai rencontr\u00e9 des jeunes dipl\u00f4m\u00e9s en cin\u00e9ma de l\u2019Art Institute \u00e0 San Francisco, ils travaillaient tous au cin\u00e9ma ind\u00e9pendant Opera Plaza, ils organisaient des projections de films dans un pub, le Edinburgh Castle. Un Cor\u00e9en qui dirigeait ce pub \u00e9cossais organisait des soir\u00e9es Trivial le mardi, il y avait un espace au-dessus du bar que les DJ pouvaient louer pour organiser des soir\u00e9es \u00e0 th\u00e8me. Le lundi soir, il n\u2019y avait rien, donc le proprio laissait aux jeunes qui bossaient au cin\u00e9 la possibilit\u00e9 de projeter des films. Donc on se matait des films comme Videodrome<\/em>, Quadrophenia<\/em>, Crybaby<\/em>\u2026 et puis apr\u00e8s, on s\u2019est dit qu\u2019on pourrait se montrer nos projets de fin d\u2019\u00e9tudes.<\/p>\n

Du coup, tout le monde a commenc\u00e9 \u00e0 se montrer ses vid\u00e9os. Je me suis greff\u00e9e sur le truc, mon ami Jose m\u2019a demand\u00e9 : \u00ab Bon, tu nous montres un truc ou pas ? \u00bb Donc on s\u2019est tous mis \u00e0 faire des petits films les uns pour les autres. On a organis\u00e9 des soir\u00e9es \u00e0 th\u00e8me. C\u2019\u00e9tait un joyeux bazar, il suffisait d\u2019apporter une cassette ou un DVD, et on le passait. Et tout le monde regardait, on \u00e9tait vraiment soud\u00e9s.<\/p>\n

Et apr\u00e8s Gap?<\/strong>
\nApr\u00e8s Gap, je suis retourn\u00e9e chez Kiehl\u2019s, j\u2019ai continu\u00e9 \u00e0 bosser sur mes projets, Eric m\u2019a appel\u00e9e pour savoir o\u00f9 j\u2019en \u00e9tais, il m\u2019a dit de venir chez The North Face pour lancer un programme autour des vitrines. Il \u00e9tait en charge du visuel l\u00e0-bas. J\u2019y suis all\u00e9e et pour la premi\u00e8re fois, j\u2019ai vu tout le c\u00f4t\u00e9 business d\u2019une entreprise, j\u2019ai rencontr\u00e9 des gens incroyables. C\u2019\u00e9tait vraiment diff\u00e9rent, pas du tout orient\u00e9 \u00ab mode \u00bb.<\/p>\n

Chez Gap, tout le monde observe les tendances, les modes, ce qui est sympa, excitant, ce qui pla\u00eet, tout en s\u2019adressant au plus grand nombre. Alors que The North Face, c\u2019est vraiment des v\u00eatements et de l\u2019\u00e9quipement pour le grand air. \u00c7a faisait un peu club de vieux gar\u00e7ons, ou de papas sportifs. Mais c\u2019\u00e9tait super, parce qu\u2019on \u00e9tait moins dans une artillerie hyper lourde. Je travaillais avec le vice-pr\u00e9sident du retail, les responsables retail, merchandising, les designers\u2026 et c\u2019est l\u00e0 que j\u2019ai appris \u00e0 nouer des relations avec tous mes business partners. Le vice-pr\u00e9sident retail, c\u2019\u00e9tait un peu comme un coach sportif, j\u2019ai beaucoup appris avec lui.<\/p>\n

Je mettais un article en vitrine et lui me demandait : \u00ab C\u2019est quoi, \u00e7a ? \u00bb Et moi, je d\u00e9blat\u00e9rais : \u00ab La nouvelle chaussure trail, etc. \u00bb. Et lui : \u00ab Elle est disponible dans combien de coloris ? \u00bb Moi : \u00ab Trois, elle est g\u00e9niale\u2026 \u00bb Apr\u00e8s, il me demande la pronation de la chaussure. \u00ab 25 %. \u00bb Et l\u00e0, il me dit : \u00ab Tu prends la meilleure place en vitrine pour cette chaussure \u00e0 25 % de pronation ? Et sinon ? Quoi d\u2019autre ? Le prix ? \u00bb Il a vraiment fait appel \u00e0 mon raisonnement en faisant en sorte que j\u2019organise les vitrines de la fa\u00e7on la plus rentable possible. Il m\u2019a appris \u00e0 avoir une approche plus business des vitrines.<\/p>\n

J\u2019ai fait pas mal de choses chez The North Face, o\u00f9 je suis rest\u00e9e trois ans.<\/p>\n

Tu manageais une \u00e9quipe, l\u00e0-bas ?<\/strong>
\nOn \u00e9tait deux, avec Peggy : elle \u00e9tait en charge du merchandising, moi c\u2019\u00e9tait plut\u00f4t les mannequins, les vitrines, les accessoires. On travaillait ensemble avec une \u00e9quipe de 12 \u00e0 15 personnes charg\u00e9es du merchandising visuel en boutique.<\/p>\n

\u00c7a fait quoi de passer de la personne \u00e0 qui l\u2019on donne les directives \u00e0 celle qui donne des directives et manage une \u00e9quipe ?<\/strong>
\nJe me demandais toujours ce que ferait Eric \u00e0 ma place. Je crois que si j\u2019ai autant appris aupr\u00e8s de lui, c\u2019\u00e9tait que c\u2019\u00e9tait un sup\u00e9rieur tr\u00e8s empathique. Quand je fais quelque chose ou que je d\u00e9veloppe une id\u00e9e, je me mets toujours \u00e0 la place des employ\u00e9s et je me demande s\u2019ils seront motiv\u00e9s par cette id\u00e9e.<\/p>\n

J\u2019essaie d\u2019avoir une vision plus globale. Je pense aux comp\u00e9tences dont j\u2019ai besoin en boutique. Chez Warby, ce n\u2019est pas forc\u00e9ment \u00e9vident, visuellement. Il n\u2019y a pas de v\u00eatements, pas de mannequins, on vend des lunettes. Donc forc\u00e9ment, je ne vais pas imaginer des trucs de dingue qui pendent du plafond. Il faut aussi que \u00e7a corresponde \u00e0 l\u2019esth\u00e9tique de la marque : agr\u00e9able, claire, simple.<\/p>\n

Je ne veux pas non plus adopter un \u00e9crin trop sophistiqu\u00e9 pour les lunettes. J\u2019ai envie que les gens puissent les toucher, les essayer. Pour ce qui est du management de l\u2019\u00e9quipe, je me demande toujours si quelqu\u2019un qui n\u2019a jamais boss\u00e9 sur des vitrines et lu mon brief s\u2019en sortirait. D\u2019un point de vue plus personnel, je n\u2019aime pas les directives trop longues. Si les gens sont charg\u00e9s de l\u2019identit\u00e9 visuelle de la boutique, c\u2019est qu\u2019\u00e0 la base ce sont des personnalit\u00e9s visuelles.<\/p>\n

Mais j\u2019ai appris quelque chose de tr\u00e8s important en mati\u00e8re de d\u00e9cisions professionnelles : finalement, ce qui compte, ce n\u2019est pas toujours le titre ou le salaire. Il ne faut pas prendre toutes ses d\u00e9cisions du seul point de vue financier ou hi\u00e9rarchique.<\/p><\/blockquote>\n

Comment t\u2019es-tu retrouv\u00e9e \u00e0 NY ?<\/strong>
\nQuand j\u2019\u00e9tais de passage \u00e0 NY, j\u2019adorais aller chez Opening Ceremony, j\u2019appelais toujours Humberto pour qu\u2019on aille boire un caf\u00e9 ou d\u00e9jeuner ensemble \u2013 \u00e0 l\u2019\u00e9poque o\u00f9 il \u00e9tait nettement moins pris. On passait du temps ensemble.<\/p>\n

Un jour je l\u2019ai appel\u00e9 pour qu\u2019on se voie, il \u00e9tait en voyage \u00e0 LA mais m\u2019a demand\u00e9 si j\u2019aimerais faire des visuels pour lui \u00e0 NY.<\/p>\n

J\u2019ai d\u00e9m\u00e9nag\u00e9 \u00e0 NY pour bosser chez Opening Ceremony, ils m\u2019ont prise comme directrice de l\u2019identit\u00e9 visuelle et acheteuse, ce que je n\u2019avais jamais fait. Et pour dire les choses franchement, je n\u2019\u00e9tais pas tr\u00e8s dou\u00e9e. C\u2019\u00e9tait difficile, j\u2019ai tenu trois Fashion Weeks puis je me suis dit que \u00e7a n\u2019allait pas.<\/p>\n

Comment \u00e7a s\u2019est pass\u00e9 ?<\/strong>
\nJe me suis efforc\u00e9e d\u2019utiliser les deux h\u00e9misph\u00e8res de mon cerveau en m\u00eame temps, pendant des heures, des heures et des heures. C\u2019\u00e9tait une toute petite \u00e9quipe. En fait, il y avait moi, et Chris, en boutique, qui m\u2019aidait pour les vitrines. Et \u00e0 l\u2019achat, on \u00e9tait une toute petite \u00e9quipe : au d\u00e9part moi et une fille, puis une autre a \u00e9t\u00e9 embauch\u00e9e. On \u00e9tait juste trois. D\u2019ailleurs, c\u2019est dr\u00f4le, la stagiaire, c\u2019\u00e9tait
Kate (Foley)<\/a>.<\/p>\n

Au bout de trois Fashion Weeks, soit environ un an, j\u2019ai trouv\u00e9 que je ne faisais pas du bon boulot, j\u2019ai eu envie de partir. \u00c7a a \u00e9t\u00e9 un d\u00e9part tout \u00e0 fait \u00e0 l\u2019amiable.<\/p>\n

C\u2019est \u00e0 ce moment-l\u00e0 qu\u2019Eric \u2013 mon mentor \u2013 est arriv\u00e9 \u00e0 NY, pour s\u2019occuper des vitrines de Cole Haan, il m\u2019a donc demand\u00e9 de l\u2019aider.<\/p>\n

Et ensuite, tu es pass\u00e9e chez Prada.<\/strong>
\nJe suis rest\u00e9e chez Cole Haan un moment, \u00e7a se passait tr\u00e8s bien, et je me souviens d\u2019avoir eu une discussion avec Eric alors qu\u2019on dinait ensemble. Il m\u2019a dit : \u00ab Ma ch\u00e9rie, je crois qu\u2019il est temps que tu fasses un peu le m\u00e9nage dans ton CV. \u00bb Sur le coup, je n\u2019ai pas compris, je me trouvais \u00e0 ma place. Lui m\u2019a convaincue qu\u2019il fallait que je parle avec des gens, pour trouver un nouvel \u00e9lan. Il m\u2019a dit : \u00ab Ton prochain boulot, je veux que tu le choisisses. Je crois qu\u2019il est temps que tu choisisses ce que tu vas faire apr\u00e8s. Alors vas-y, sors, va parler avec des gens, fais-le au moins pour moi. \u00bb Et j\u2019ai dit d\u2019accord.<\/p>\n

Ensuite, une amie m\u2019a dit que Miu Miu cherchait une responsable de l\u2019identit\u00e9 visuelle. J\u2019ai repens\u00e9 \u00e0 ce qu\u2019Eric m\u2019avait dit, et je suis all\u00e9e \u00e0 l\u2019entretien, j\u2019ai vu la RH de Miu Miu, une sous-division du groupe Prada. Et j\u2019ai vraiment eu une conversation tr\u00e8s ouverte, pour la premi\u00e8re fois, et c\u2019est l\u00e0 que je me suis rendu compte \u00e0 quel point c\u2019\u00e9tait agr\u00e9able d\u2019\u00eatre soi-m\u00eame, de se pr\u00e9senter tel qu\u2019on est au fond. A l\u2019\u00e9poque, j\u2019avais 37 ans.<\/p>\n

Cette femme m\u2019a demand\u00e9 de lui parler de mes influences, de ce que je pensais de Prada, Miu Miu, c\u2019\u00e9tait \u00e9trange\u2026 on est pass\u00e9es sur autre chose, l\u00e0, il s\u2019agissait tout \u00e0 coup beaucoup plus de Prada, je ne comprenais plus trop. Si on m\u2019offrait de travailler pour Prada il fallait que je r\u00e9fl\u00e9chisse, c\u2019\u00e9tait diff\u00e9rent.<\/p>\n

Ils m\u2019ont pr\u00e9sent\u00e9 Alessandro, vice-pr\u00e9sident de l\u2019identit\u00e9 visuelle chez Prada, j\u2019ai ador\u00e9 le rencontrer. Il m\u2019a dit : \u00ab Ecoute, si tu as envie de finir tous les jours \u00e0 18 h pour retrouver ta famille, \u00e7a ne va pas \u00eatre possible. \u00bb J\u2019ai r\u00e9pondu que le travail ne me faisait pas peur, que je pouvais faire des journ\u00e9es \u00e0 rallonge. J\u2019ai juste pr\u00e9venu que lorsqu\u2019on me criait dessus, je pouvais pleurer. Mais si \u00e7a ne les d\u00e9rangeait pas, ils pouvaient m\u2019embaucher, me houspiller et me regarder pleurer, j\u2019\u00e9tais capable de tenir.<\/p>\n

On a tous les deux \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s directs, c\u2019\u00e9tait une conversation int\u00e9ressante : je me suis pr\u00e9sent\u00e9e telle que j\u2019\u00e9tais, je n\u2019ai pas fait semblant d\u2019\u00eatre une Prada-addict. Je n\u2019\u00e9tais pas comme \u00e7a, je n\u2019avais pas de sac Saffiano, mais j\u2019avais toujours aim\u00e9 Prada, depuis les ann\u00e9es 90, j\u2019admirais beaucoup Mme Prada, son parcours, sa marque, ce qu\u2019elle avait b\u00e2ti, la mode.<\/p>\n

Donc j\u2019ai quitt\u00e9 Cole Haan pour aller chez Prada.<\/p>\n

\u00ab \u00c7a me pla\u00eet \u00bb et \u00ab \u00c7a me pla\u00eet de pouvoir mettre \u00e7a sur mon CV. \u00bb C\u2019est compl\u00e8tement diff\u00e9rent.<\/p><\/blockquote>\n

C\u2019\u00e9tait donc la premi\u00e8re fois \u2013 \u00e0 part Gucci \u2013 que tu travaillais pour une marque de luxe.<\/strong><\/p>\n

Il y a un moment o\u00f9 je me suis demand\u00e9 : \u00ab Cathy, est-ce que c\u2019est vraiment ce que tu veux faire ? Bosser dans la mode ? \u00bb Parce que l\u00e0, on \u00e9tait au c\u0153ur m\u00eame de l\u2019industrie. J\u2019\u00e9tais partag\u00e9e : d\u2019un c\u00f4t\u00e9, Prada, c\u2019\u00e9tait vraiment le nec plus ultra pour moi, mais je connaissais aussi l\u2019univers de la mode, les Fashion Weeks, le calendrier de dingue. Est-ce que j\u2019avais envie de subir \u00e7a \u00e0 nouveau ? Les filles hautaines ? Mais comme c\u2019\u00e9tait pour Mme Prada, j\u2019y suis all\u00e9e.<\/p>\n

Honn\u00eatement, de tous les pr\u00e9jug\u00e9s que j\u2019avais, aucun ne s\u2019est r\u00e9v\u00e9l\u00e9 vrai. De l\u2019ext\u00e9rieur, on a l\u2019impression que Prada, c\u2019est \u00e9norme, mais \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur, c\u2019est comme un petit village italien. J\u2019ai beaucoup de respect pour leur fa\u00e7on de travailler : quand ils disent que tout le monde est sur le pont, c\u2019est le cas ! Alessandro, le VP, se retrouve sur une \u00e9chelle \u00e0 fixer des spots avec moi \u00e0 six heures du matin. Tout le monde bosse. Chez Prada, il n\u2019y a pas de poste o\u00f9 on reste coll\u00e9 derri\u00e8re un bureau \u00e0 prendre des d\u00e9cisions sans mouiller le maillot. Tout le monde travaille dur, mais m\u00eame quand on est super \u00e0 la bourre, on prend le temps de d\u00e9jeuner ensemble\u2026 C\u2019est tr\u00e8s italien. Mais tout le monde se bat pour rester fid\u00e8le au standing de la marque.<\/p>\n

Quel \u00e9tait l\u2019intitul\u00e9 de ton poste ?<\/strong>
\nJ\u2019\u00e9tais charg\u00e9e du marchandising visuel pour l\u2019Homme. C\u2019\u00e9tait un peu d\u00e9stabilisant, parce que j\u2019avais d\u00e9j\u00e0 eu davantage de responsabilit\u00e9s par le pass\u00e9.<\/p>\n

Mais j\u2019ai appris quelque chose de tr\u00e8s important en mati\u00e8re de d\u00e9cisions professionnelles : finalement, ce qui compte, ce n\u2019est pas toujours le titre ou le salaire. Il ne faut pas prendre toutes ses d\u00e9cisions du seul point de vue financier ou hi\u00e9rarchique. Finalement, quand on va \u00e0 un entretien, le plus important, c\u2019est de savoir quelle exp\u00e9rience on retirera du poste. Ce qu\u2019on fera, ce qu\u2019on apprendra, l\u2019impact qu\u2019on aura. Savoir ce qui est important pour la marque, ses objectifs. Et voir si on peut avoir une incidence sur son d\u00e9veloppement et y contribuer.<\/p>\n

Il n\u2019y a pas que le poste ou le salaire. S\u2019il s\u2019agit de travailler sur des choses qui vous passionnent\u2026 Moi, je dis souvent \u00ab Si vous \u00eates pr\u00eats \u00e0 le faire gratuitement, alors allez-y. \u00bb Franchement, chez Gucci, c\u2019\u00e9tait presque du b\u00e9n\u00e9volat. Il y a avait de jours o\u00f9 je gagnais 3 $ de l\u2019heure. Mais je continuais parce que c\u2019\u00e9tait int\u00e9ressant, et que j\u2019avais la possibilit\u00e9 de m\u2019amuser avec une robe fra\u00eechement arriv\u00e9e des d\u00e9fil\u00e9s. Ou que je passais la journ\u00e9e \u00e0 coller des papillons sur un d\u00e9cor.<\/p>\n

Je dis toujours aux gens : \u00ab Si \u00e7a vous pla\u00eet vraiment, allez-y. \u00bb Mais souvent, les gens ont tendance \u00e0 confondre \u00ab \u00c7a me pla\u00eet \u00bb et \u00ab \u00c7a me pla\u00eet de pouvoir mettre \u00e7a sur mon CV. \u00bb C\u2019est compl\u00e8tement diff\u00e9rent. Chez Prada, en acceptant ce poste et ce package, je savais que je ne regretterais rien. L\u2019intitul\u00e9 du poste n\u2019\u00e9tait pas g\u00e9nial, et alors ?<\/p>\n

Chez Prada, je pouvais passer six heures \u00e0 plier des chemises, et je ne rigole pas. Je suis la pro des piles de chemises bien align\u00e9es. Mais un jour, je pliais des chemises, et le lendemain, j\u2019installais une expo sur les costumes du film Gatsby. C\u2019est \u00e7a, Prada. Les gens qui installent l\u2019expo du Met Gala ou l\u2019expo Gatsby, ou une installation de dingue \u00e0 Broadway, ce sont les m\u00eames qui plient des chemises\u2026 c\u2019est pour \u00e7a qu\u2019il faut vraiment adh\u00e9rer \u00e0 cette fa\u00e7on de travailler.<\/p>\n

Depuis NY, comment collaborais-tu avec l\u2019\u00e9quipe en Italie ? Etais-tu responsable de ce qui se passait sur le continent am\u00e9ricain ? <\/strong>
\nLe si\u00e8ge est \u00e0 Milan, c\u2019est de l\u00e0-bas qu\u2019ils nous envoyaient le brief, les photos, etc. On s\u2019en inspirait, on voyait comment \u00e7a pouvait correspondre avec le comportement am\u00e9ricain, et on faisait du mieux qu\u2019on pouvait avec ce dont on disposait. L\u2019ex\u00e9cution \u00e9tait remarquable. C\u2019est nous qui communiquions ensuite avec nos coll\u00e8gues de la c\u00f4te ouest.<\/p>\n

Apr\u00e8s Prada, tu es arriv\u00e9e chez Warby Parker.<\/strong>
\nC\u2019est Warby Parker qui m\u2019a contact\u00e9e. Je me suis dit que s\u2019ils avaient besoin d\u2019aide avec les visuels, je pourrais leur conseiller quelqu\u2019un. Ils voulaient savoir si moi, je serais int\u00e9ress\u00e9e par le poste. Mais j\u2019\u00e9tais bien l\u00e0 o\u00f9 j\u2019\u00e9tais, et j\u2019ai vraiment eu du mal \u00e0 quitter Prada.<\/p>\n

Mais il s\u2019est pass\u00e9 un truc. J\u2019organisais un gros \u00e9v\u00e9nement priv\u00e9, tr\u00e8s luxueux, pour Prada. J\u2019\u00e9tais en train de boire mon expresso, dans un h\u00f4tel avec vue sur Central Park\u2026 et l\u00e0, j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 consulter Instagram. J\u2019ai vu que mes amis avaient emmen\u00e9 leur fils en Afrique, pour faire un stage d\u2019art, et que leur fils avait sept ans. Il y avait aussi des photos d\u2019eux en train de jouer au foot, de dessiner, de rencontrer des gens\u2026 J\u2019en ai eu la gorge nou\u00e9e, j\u2019\u00e9tais jalouse. J\u2019\u00e9tais dans la suite pr\u00e9sidentielle d\u2019un h\u00f4tel de dingue, entour\u00e9e de pi\u00e8ces ultra-luxueuses. Mais je n\u2019avais qu\u2019une envie, c\u2019\u00e9tait partir loin.<\/p>\n

Plus je me renseignais sur Warby, plus j\u2019\u00e9tais en contact avec eux, plus je comprenais le fonctionnement de la marque, en profondeur, qui est bien plus complexe que la fa\u00e7on dont on nous le pr\u00e9sente. C\u2019est beaucoup plus gratifiant, c\u2019est toute une organisation. Et c\u2019est l\u00e0 que j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 que Mme Prada n\u2019avait plus besoin de moi.<\/p>\n

A l\u2019\u00e9poque, Warby \u00e9tait encore une marque relativement jeune\u2026<\/strong>
\nIls f\u00eataient leurs quatre ans. Il y avait le showroom, les bureaux, une boutique sur Greene Street, \u00e0 Washington et \u00e0 Boston. Cinq boutiques en tout avec les showrooms.<\/p>\n

Plus je me familiarisais avec la marque, plus je me rendais compte qu\u2019elle occupait une place \u00e0 part. Ils n\u2019avaient quasiment aucune boutique, et pourtant, ils voulaient vraiment s\u2019implanter dans le paysage retail. Je pouvais vraiment jouer un r\u00f4le, apporter mon exp\u00e9rience, avoir un impact, contribuer \u00e0 son d\u00e9veloppement. \u00c7a a vraiment parl\u00e9 \u00e0 mon petit c\u0153ur de Californienne hippie. Je me disais que j\u2019allais pouvoir faire la diff\u00e9rence, que mon travail aurait des r\u00e9percussions positives sur plein d\u2019autres communaut\u00e9s. C\u2019est vrai, j\u2019avais peur de revivre ce que j\u2019avais travers\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9poque des start-ups, mais ce que je dis souvent, c\u2019est que Warby n\u2019est pas une start-up. On a plus de 20 boutiques, donc il faut qu\u2019on arr\u00eate de dire qu\u2019on est une start-up.<\/p>\n

Comment \u00e9tait l\u2019\u00e9quipe dans laquelle tu es arriv\u00e9e ?<\/strong>
\nInexistante.<\/p>\n

Tu as \u00e9t\u00e9 la premi\u00e8re embauch\u00e9e dans ce service ?<\/strong>
\nOui. Je crois qu\u2019ils se sont rendu compte qu\u2019il y avait une \u00e9norme diff\u00e9rence entre ce qui se passait au niveau de la direction artistique et le r\u00e9sultat pr\u00e9sent\u00e9 en boutique. Qui allait d\u00e9cider o\u00f9 mettre quoi et comment le mettre en valeur ? Quand je pense merchandising visuel, ou visuels en g\u00e9n\u00e9ral, je vois un carrefour, une point de rencontre entre le marketing, le merchandising, le retail, l\u2019op\u00e9rationnel. Parfois il s\u2019agit de savoir comment faire passer notre message, raconter notre histoire, parfois \u00e7a ne se passe pas comme on l\u2019avait pr\u00e9vu et il faut qu\u2019on trouve une solution. Comment cr\u00e9er une exp\u00e9rience plus ludique et interactive dans cet espace que ce soit un showroom, nos bureaux ou nos boutiques ?<\/p>\n

Quand on trouve des id\u00e9es comme \u00e7a et qu\u2019on voit ensuite les gens se les approprier et jouer avec, \u00e7a fait vraiment super plaisir. Quand \u00e7a fonctionne tout de suite, sans forcer, qu\u2019on arrive \u00e0 faire vivre des projets, c\u2019est tr\u00e8s gratifiant.<\/p><\/blockquote>\n

Qui travaille dans ton \u00e9quipe, maintenant ?<\/strong>
\nJe viens d\u2019embaucher une troisi\u00e8me personne. J\u2019\u00e9tais la seule \u00e0 travailler sur les visuels, donc sans \u00e9quipe. Quand j\u2019ai embauch\u00e9 la premi\u00e8re personne, c\u2019\u00e9tait un peu la grosse blague dans les bureaux : \u00ab Tiens, j\u2019ai entendu dire que le d\u00e9partement Visuels allait doubler ses effectifs ! Quelle croissance ! \u00bb L\u2019an dernier, j\u2019ai embauch\u00e9 une coordinatrice visuelle qui venait de chez CX, Lauren. CX, c\u2019est l\u2019\u00e9quipe qui s\u2019occupe du service clients, qui g\u00e8re les lignes t\u00e9l\u00e9phoniques, les e-mails, les chats, le service assistance pour les probl\u00e8mes divers, les commandes. L\u2019un des gros avantages de Warby, c\u2019est qu\u2019il y a dans cette bo\u00eete plein de gens qui ont soif d\u2019apprendre, de se former, qui sont hyper intelligents, bosseurs\u2026 personne ne se la joue.<\/p>\n

Donc il y a eu Lauren et je viens d\u2019embaucher Lucas, manager visuel, qui \u00e9tait chez Tom Ford Beauty. C\u2019est un de mes vendeurs, John Valdivia, maintenant chez Kenzo, qui me l\u2019avait recommand\u00e9. C\u2019est un tout petit monde. Lucas est super, et je suis contente de pouvoir agrandir mon \u00e9quipe pour mener notre strat\u00e9gie \u00e0 plus grande \u00e9chelle. Quand j\u2019ai commenc\u00e9, je fabriquais les accessoires moi-m\u00eame avant de les envoyer en magasin. Mais au bout d\u2019un an, j\u2019ai pu \u00e9tablir un budget, et faire rentrer tout \u00e7a dedans, c\u2019est g\u00e9nial. Maintenant, j\u2019ai un peu plus de visibilit\u00e9, \u00e7a me permet de mieux travailler avec mes vendeurs.<\/p>\n

Tu es aussi l\u00e0 \u00e0 un tournant pour la marque, puisque Warby ouvre plusieurs points de ventes, donc c\u2019est tr\u00e8s motivant du point de vue d\u00e9veloppement.<\/strong>
\nJe suis super contente. Tout va tellement vite. D\u2019ailleurs, la plus grosse difficult\u00e9 de mon travail ici, c\u2019est que beaucoup de choses arrivent tr\u00e8s vite. On met \u00e9norm\u00e9ment de choses en place, mais ensuite, il faut assurer le suivi de ce qu\u2019on a mis en place.<\/p>\n

Je peux compter sur mon \u00e9quipe, qui, pendant que je m\u2019occupe des nouvelles boutiques, continue \u00e0 s\u2019assurer que les boutiques existantes restent belles, s\u2019occupe de ce qui ne fonctionne pas, des vitrines \u00e0 changer ou \u00e0 r\u00e9parer. Elle m\u2019aide aussi \u00e0 avoir acc\u00e8s aux infos sur les boutiques existantes pour savoir comment les r\u00e9utiliser dans les nouvelles boutiques.<\/p>\n

Tout ce qui tourne autour de la communication visuelle des boutiques, c\u2019est tr\u00e8s strat\u00e9gique ? <\/strong>
\nOn retrouve nos principes de base dans toutes nos boutiques, mais chacune \u00e0 sa sp\u00e9cificit\u00e9. Elles sont toutes uniques, on ne veut surtout pas des boutiques identiques. Il faut que chacune d\u2019entre elle soit en symbiose avec son environnement direct.<\/p>\n

Parfois, quand on est en phase de cr\u00e9ation pour un produit, on essaie de trouver une histoire qui pourra \u00eatre adapt\u00e9e et d\u00e9clin\u00e9e dans toutes les boutiques, quelle que soit leur taille. Malheureusement, parfois, telle histoire ne fonctionne que pour une seule boutique, ou parfois on a envie d\u2019autre chose pour certaines boutiques parce que c\u2019est mieux adapt\u00e9. On est constamment en train d\u2019essayer de trouver des choses qui peuvent \u00eatre universelles, sans se mettre d\u2019\u0153ill\u00e8res.<\/p>\n

Qu\u2019est-ce qui te pla\u00eet le plus dans ton travail ici ?<\/strong>
\nDe voir \u00e0 quel point les gens sont investis, passionn\u00e9s. Parfois je fais une recherche avec le hashtag de certaines boutiques pour voir si \u00e7a fonctionne bien. A Miami, on a avait organis\u00e9 un photobooth mont\u00e9 au plafond, parce qu\u2019il n\u2019y avait pas de place dans la boutique elle-m\u00eame. Une boutique de lunettes o\u00f9 on entre juste pour acheter des lunettes, c\u2019est monotone. C\u2019est l\u00e0 que j\u2019ai imagin\u00e9 la boutique un peu comme une piscine sur laquelle on flotterait, et je me suis dit que ce serait sympa de pouvoir se prendre en photo depuis le plafond. Quand on trouve des id\u00e9es comme \u00e7a et qu\u2019on voit ensuite les gens se les approprier et jouer avec, \u00e7a fait vraiment super plaisir. Quand \u00e7a fonctionne tout de suite, sans forcer, qu\u2019on arrive \u00e0 faire vivre des projets, c\u2019est tr\u00e8s gratifiant.<\/p>\n

Peu \u00e0 peu, on retrouve ce c\u00f4t\u00e9 empathique. Il faut savoir montrer de l\u2019empathie pour les autres\u2026 ceux qui ont pens\u00e9 le truc, qui l\u2019installent, qui communiquent dessus. Plus on aide les gens, plus ils vous aident en retour.<\/p><\/blockquote>\n

A quoi ressemble une journ\u00e9e-type pour toi ?<\/strong>
\nC\u2019est difficile \u00e0 dire. Il y a des jours o\u00f9 je suis l\u00e0, d\u2019autres en voyage. Les jours o\u00f9 je vais au bureau, j\u2019arrive, je me prends un petit-d\u00e9j, je r\u00e9ponds aux e-mails, j\u2019appelle des vendeurs, je me tiens au courant des diff\u00e9rentes choses. C\u2019est tr\u00e8s important pour moi. M\u00eame quand quelque chose a \u00e9t\u00e9 mis en place, j\u2019ai besoin de savoir \u00e0 quoi \u00e7a ressemble, d\u2019avoir une photo. Je n\u2019aime pas le silence et je n\u2019aime pas que la communication soit au point mort.<\/p>\n

Je passe les diff\u00e9rents projets en revue, je vais \u00e0 des r\u00e9unions. Les jours o\u00f9 je n\u2019ai pas de r\u00e9union, je m\u2019occupe des projets \u00e0 venir, on essaie des choses, on joue avec les tissus, les mati\u00e8res, on collabore avec des gens de l\u2019ext\u00e9rieur. On est une toute petite \u00e9quipe, mais il y a une v\u00e9ritable \u00e9mulation cr\u00e9ative, et c\u2019est ce qui me pla\u00eet beaucoup dans mon travail chez Warby. Je consulte tout le monde au bureau. Mes id\u00e9es me viennent des gens qui m\u2019entourent et notamment du personnel dans les boutiques.<\/p>\n

Quand je me projette dans une nouvelle boutique, j\u2019imagine que je vais devoir construire une esp\u00e8ce de maison pour 18 personnes qui y passeront le plus clair de leurs journ\u00e9es. Je me dis qu\u2019il faut que ce soit un endroit sympa, qu\u2019ils aient envie de partager l\u2019univers de la boutique avec les clients\u2026 C\u2019est pour \u00e7a que j\u2019essaie de rester \u00e0 l\u2019\u00e9coute des gens, et de moduler mes id\u00e9es en fonction de leurs envies.<\/p>\n

As-tu trouv\u00e9 un juste \u00e9quilibre entre ta vie personnelle et ta vie professionnelle ? <\/strong>
\nC\u2019est encore en phase de rodage. En fait, il faut \u00eatre \u00e0 l\u2019\u00e9coute de ses besoins, et savoir faire une pause. Parfois, j\u2019ai juste besoin d\u2019un petit break pour retrouver ma cr\u00e9ativit\u00e9. \u00c7a ne veut pas dire que j\u2019arr\u00eate tout, mais juste que je me fais un petit caf\u00e9 et une sieste. J\u2019ai besoin d\u2019un peu d\u2019inactivit\u00e9.<\/p>\n

Et parfois, j\u2019ai besoin de bosser sur quelque chose qui n\u2019a rien \u00e0 voir avec Warby. C\u2019est un peu ma passion secr\u00e8te de nerd. Avec ma femme, on fait de la musique, et mon petit truc \u00e0 moi, c\u2019est les p\u00e9dales de guitare \u00e0 effets. Quand je rentre \u00e0 la maison, c\u2019est mon moment de d\u00e9tente : je m\u2019installe devant ma console avec ma guitare et je me change les id\u00e9es. Je m\u2019int\u00e9resse aux marques de p\u00e9dales hyper sophistiqu\u00e9es, et je sais que c\u2019est un peu idiot, mais \u00e7a me sert de source d\u2019inspiration. Leur fa\u00e7on d\u2019utiliser les r\u00e9seaux sociaux, de se vendre. C\u2019est ce qui me motive, le vrai travail qui peut inspirer les gens.<\/p>\n

Ton conseil \u00e0 quelqu\u2019un qui bosse dans le merchandising visuel ?<\/strong>
\nMontrez votre motivation, bossez. Je vais un peu partir du postulat qu\u2019il s\u2019agit de quelqu\u2019un qui d\u00e9couvre cet univers, comme \u00e7a a \u00e9t\u00e9 mon cas. Vous \u00eates dans une boutique, vous voyez une \u00e9quipe charg\u00e9e des visuels entrer et vous vous dites : \u00ab Mais c\u2019est trop cool, ce qu\u2019ils font. J\u2019aimerais bien faire la m\u00eame chose. Comment on s\u2019y prend ? \u00bb Allez-y, lancez-vous, faites-le. \u00c7a peut juste \u00eatre l\u2019initiative de faire la poussi\u00e8re sur les lapins d\u00e9coratifs sans attendre le jour de la femme de m\u00e9nage pour le faire. On s\u2019approprie les vitrines \u00e0 sa mani\u00e8re.<\/p>\n

Peu \u00e0 peu, on retrouve ce c\u00f4t\u00e9 empathique. Il faut savoir montrer de l\u2019empathie pour les autres\u2026 ceux qui ont pens\u00e9 le truc, qui l\u2019installent, qui communiquent dessus. Plus on aide les gens, plus ils vous aident en retour. Si vous restez dans votre coin \u00e0 attendre que \u00e7a se passe et \u00e0 critiquer, personne n\u2019aura envie de travailler pour vous ou avec vous. Mais si vous \u00eates celui qui essaie toujours d\u2019am\u00e9liorer les choses, de faciliter les choses, de les rendre plus claires, mieux organis\u00e9es, etc. \u00c7a montre que vous avez un v\u00e9ritable int\u00e9r\u00eat pour ce boulot sans n\u00e9cessairement le verbaliser.<\/p>\n

Ton r\u00eave pour l\u2019avenir ?<\/strong>
\nJe ne sais pas ! Je trouve que chaque journ\u00e9e qui passe est la plus belle ! Je me souviens de m\u2019\u00eatre dit tr\u00e8s jeune : \u00ab Ce serait tellement chouette de bosser pour Prada. Ou de faire des d\u00e9cos de vitrines. \u00bb Quand on se retrouve effectivement \u00e0 le faire, la magie ne prend pas tout de suite. Il y a beaucoup de travail, \u00e7a prend du temps, plus qu\u2019on l\u2019imaginait. La p\u00e9riode d\u2019apprentissage est une phase passionnante, et \u00e7a finit par payer. Au d\u00e9part, on ne sait rien faire, il n\u2019y a pas forc\u00e9ment quelqu\u2019un pour vous aider, on essaie. On tente, on rate\u2026 mais n\u2019ayez pas peur de faire des b\u00eatises. C\u2019est ce que je dis tout le temps \u00e0 mon \u00e9quipe : si vous \u00eates coinc\u00e9, tentez quelque chose. Je pr\u00e9f\u00e8re de loin que vous preniez des initiatives et que vous vous trompiez, plut\u00f4t que vous baissiez les bras parce que vous ne savez pas comment faire. Faites quelque chose, m\u00eame si vous vous trompez.<\/p>","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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