A Community Bookstore with a Mission
5 years ago by
Certains endroits débordent de chaleur, ils vous attirent tant ils sont accueillants.
Pour moi, l’endroit qui s’en approche le plus à New York City, c’est le Cafe con Libros à Crown Heights. Bien sûr, il est fait pour les amoureux des livres et les amateurs de café (et ceux qui aiment les deux !) mais depuis son ouverture, cette librairie / café féministe – construite autour d’oeuvres du monde entier de personnes qui s’identifient comme femmes – a évolué bien au-delà des mots qui composent le nom de l’établissement.
La propriétaire, Kalima DeSuze, a ouvert le Cafe con Libros dans le quartier où elle est allée elle-même à l’école primaire, avec pour but d’ouvrir un espace communautaire. En exposant des oeuvres d’artistes locaux sur les murs, en accueillant des ateliers ou des évènements publics, Cafe Con Libros insiste sur l’apprentissage, la construction d’authentiques relations et le fait de nourrir des conversations critiques qui remettent en question les préjugés. C’est vraiment un endroit qui vous permet de venir comme vous êtes et vous encourage à rester.
Continuez à lire pour avoir les vues de Kalima sur le féminisme noir, l’importance de réclamer de l’espace et la manière dont elle savoure les petites joies.
Qu’est-ce qui t’a inspirée à ouvrir Cafe con Libros et quand l’as-tu officiellement ouvert ?
J’ai ouvert en décembre 2017, quant à ce qui m’a inspirée, c’est une longue histoire… mais voici quelques éléments essentiels : je crois que les femmes devraient toujours avoir plusieurs sources de revenus et que les femmes devraient, si possible, faire quelque chose qui leur tient à coeur, qui les rend heureuses. Parfois, notre job alimentaire ne peut pas nous apporter ça et c’est important de trouver de la joie ailleurs. Je crois que c’est encore plus important et urgent pour les femmes de couleur, et tout particulièrement les femmes noires. Le féminisme noir a joué un rôle essentiel dans ma vie. Je voulais créer un espace consacré à la communauté qui m’a tant donné et faire découvrir les oeuvres du féminisme noir à des jeunes filles ; les histoires parlent de toutes les grandes actions des femmes en général…
Qu’est-ce qui a déclenché ton intérêt pour le féminisme noir ? Est-ce que ça a commencé pendant ton enfance ? Ou est-ce que ça faisait partie de tes recherches pendant tes études ?
Même si je ne connaissais pas le terme de “féminisme noir”, j’y ai été exposée tôt dans mon enfance. Ma mère avait les magazines Jet, Ebony et Essence à la maison donc c’était tout ce que je connaissais. Je lisais des livres identifiés comme blancs à l’école mais chez moi, il y avait surtout des oeuvres noires – des livres pour enfants mais le plus souvent, je feuilletais ces magazines.
Dans un monde où on a accès de manière digitale aux livres, pourquoi était-ce important pour toi de créer un espace physique ?
Je voulais que cet espace physique devienne un espace communautaire. Je trouve que c’est très important que les jeunes filles et femmes de couleur puissent venir dans un lieu et voient, face à elles, les livres qui représentent tout ce que les femmes ont eu à traverser, toutes ces histoires de femmes. Je ne crois pas que ces espaces existent de manière suffisamment complète. On va dans une librairie et il y a tout ce mélange de livres – dans la grande majorité écrits par des hommes – mais pour moi, rentrer dans une boutique et voir que tous les visages sur les couvertures appartiennent à des filles, à des femmes, je trouve ça extraordinaire.
Est-ce que tu as un livre préféré, auquel tu te réfères constamment ou que tu conseilles aux autres femmes ?
Je dirais que L’Oeil le plus bleu, de Toni Morrison, est, sans hésitations, mon livre préféré. J’ai toujours recommandé ce livre en particulier, tout comme Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie.
Tu es une travailleuse sociale éternellement occupée, une entrepreneuse, une mère – et tu vis et travailles à New York City – comment fais-tu pour vivre de manière si lente et attentive ? Arrives-tu à trouver des moments pour toi ?
Je passe beaucoup de temps à réfléchir, à lire et à écrire. Ça me permet de garder les pieds sur terre et ça me permet de réfléchir à quelque chose, de ressentir quelque chose et in fine, de créer un espace qui le permet. Lire me permet de vraiment réfléchir à d’autres personnes et d’autres situations que je n’ai personnellement pas connues. Tout ce que je lis peut m’influencer, modifier ma vision du monde et ensuite, je l’écris et je le digère dans mon journal intime. C’est la seule manière dont je peux, d’une certaine manière, réussir à ralentir le rythme.
Tous les jours, j’essaie d’être reconnaissante, de tenir un journal de gratitude et de réfléchir à la manière dont les choses oeuvrent en ma faveur. Avoir une entreprise peut être très, très difficile et je peux avoir du mal à voir les choses autrement parce que je suis tellement fatiguée *rires*. Mais c’est très important de se poser et de se dire : “Oui, ça va mal mais il y a cinq bonnes choses qui contrebalancent ce problème.”
Ah aussi, le fait de ne pas répondre aux mails et de ne pas avoir de problème avec ça. Quand je ne travaille pas le weekend, je ne regarde pas mes mails, sauf si je sais que je suis en retard sur quelque chose et que je peux prendre quelques minutes dans le métro pour répondre à quelques mails. A part ça, je ne les regarde pas parce que j’ai besoin d’avoir des limites dans ma vie. Ce genre de petites choses… et puis aussi, manger correctement et boire beaucoup d’eau.
Qu’est-ce qui te rend le plus heureuse en ce moment, à cette saison ?
Deux choses : mon travail au café, en matière de création de contenu – le podcast, le blog et nos réunions de librairie communautaire – ça me rend vraiment heureuse.
Et l’autre chose, c’est simplement de toujours continuer ! Chaque jour apporte un challenge, mais Kaleb m’apporte quelque chose de neuf, il me permet d’accéder à un nouveau niveau de sentiments alors que je ne savais absolument pas ce que ça voulait dire de s’occuper d’un bébé et d’en être complètement responsable. Alors, même dans les moments où je me sens le plus débordée, il y a une nouvelle révolution. Par exemple : “Oh, tu te sens débordée parce que tu y tiens, c’est important pour toi et tu aimerais y arriver.”
Et surtout, c’est mon attitude dans la vie ; faire face très courageusement à ma vie, affronter tous mes challenges, sans avoir peur… assumer tous mes sentiments. Vivre ma vie comme je le souhaite, avoir le choix, ça me rend heureuse.
Cafe con Libros est situé à Crown Heights, au 724 Prospect Pl, Brooklyn, New York. Vous pouvez en apprendre plus sur cette librairie féministe et ce café ici, les suivre sur Instagram et participer à un futur événement, un atelier, une lecture ou une causerie au coin du feu avec leur programmatrice littéraire en résidence, Nicole Shawan Junior.
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By Storm Monteiro Tyler
Hooooooo le hasard des publications fait que cet article sort le jour de la mort de Toni Morrison, qui disait justement que si on voulait écrire, il valait mieux aussi avoir un boulot alimentaire. Exactement ce qui est dit dans le premier paragraphe de l’interview.