On Free Spirits…
6 years ago by
Dear Garance,
Je te suis depuis très longtemps et je suis vraiment fan de toi. J’adore ta candeur. Tu es si franche et honnête sur tant de sujets difficiles à aborder.
Je t’imagine comme un esprit libre, au point que je suis perdue lorsque tu fais des cures de détox de choses comme Instagram, le sucre, le café, les amis, et que tu te mets la pression pour méditer et travailler plus.
Je ne comprends pas pourquoi tu ne peux pas garder ces choses sans te sentir coupable. Nous n’avons qu’une seule vie. Je fais beaucoup de choses que je ne devrais pas faire, comme manger mal trop souvent, ne pas faire autant de sport que je voudrais, passer trop de temps sur Instagram. Mais ce n’est pas grave. La vie est folle et il faut se laisser vivre !
Allison
Chère Allison,
C’est une question intéressante. Pourquoi faisons-nous ce que nous faisons ?
Tu me dis que tu me vois comme un esprit libre, ce qui est pour moi un des plus beaux compliments possibles.
Mais qu’est-ce cela signifie, être un esprit libre ?
A mes yeux, cela revient à ne pas adhérer à des pensées toutes faites.
A ne pas toujours se conformer aux exigences de la société.
Aussi à être soi-même, à écouter son cœur.
Et c’est la chose la plus difficile au monde puisque nous sommes si conditionnés que nous ne nous en rendons même pas compte.
Je sais que c’est mon cas.
Je suis sans doute de moins en moins conditionnée, c’est la magie de vieillir, mais je le suis encore. Enlever progressivement les couches, voilà la vie pour moi. Tout d’abord il y a le conditionnement dicté par les parents. Puis le conditionnement dicté par les pairs. Puis celui de la société.
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J’ai eu besoin de m’éloigner temporairement de ma famille, afin de me libérer de leurs opinions sur la vie. Ils ne comprenaient pas, étaient déçus, en colère. J’étais en colère moi aussi. C’était si douloureux mais en même temps si gratifiant, des années plus tard. Nous n’avons pas les mêmes opinions. C’est très enrichissant pour tous.
Si j’étais restée tranquille, bien installée dans leur vision de la vie, je ne t’écrirais pas aujourd’hui. J’aurais peut-être réussi à trouver un moyen de satisfaire tous les espoirs placés en moi mais j’en doute. J’aurais sans doute un job que je détesterais – et en étant bien déprimée aussi.
J’ai eu besoin de me libérer de mes pairs à quelques occasions. C’est très douloureux. Les amis vous aiment mais pourtant leur amour peut parfois vous diminuer. J’ai été amie avec un groupe d’artistes. Je les aimais, j’étais inspirée par eux. Mais leur vision de la vie d’un artiste se réduisait à des aspirations très exclusives, voire snob. De celles qui vous maintiennent comme un artiste créant pour d’autres artistes – le public est perçu comme trop vulgaire.
Mais moi je voulais pouvoir inclure tout le monde. Je voulais être dans le monde. J’utilisais un médium, Internet, considéré comme médiocre et moche en comparaison de pures entreprises artistiques. J’aurais pu rester avec eux et j’aurais sans doute retrouvé mon chemin, en essayant de plaire à tout le monde – mais j’ai choisi de partir. Progressivement, j’ai perdu tous mes amis. « Tu as changé », ils m’ont dit. C’était dur à entendre. Mais ils avaient raison : j’avais changé.
Suivre son propre chemin est beaucoup plus héroïque que ne le laisse croire une citation feel-good….
Mais Allison, la couche la plus compliquée, enfouie, tordue, est celle de la société. Elle se niche là où tu ne pourrais pas l’imaginer, parfois juste sous nos yeux mais nous ne la voyons pas.
Crois-moi ou non, avant j’étais exactement comme toi. J’étais la Française, la rebelle.
J’ai été une vraie rebelle, désobéissant à tous les interdits de la société. Et alors ? Je voulais être libre. Et une rebelle ne fait pas de putain de régime n’est-ce pas ? Elle ne fait pas de détox. Elle fume, elle prend des drogues, elle danse toute la nuit, elle s’amuse !!! Comme Kate Moss !!!!
On n’a qu’une vie non ?
Oui mais.
Au fur et à mesure que j’enlevais les couches et que je découvrais mon âme et mon corps, je me suis rendu compte que, aussi ennuyeux que ça paraisse, il est bon de prendre soin de soi.
Je me suis aussi rendu compte qu’être rebelle est un comportement tout autant conditionné que d’être une connasse healthy ou un étudiant parfait. Regarde les “rebelles” en Harley Davidson – parfois il n’y a rien de plus conformiste que les libres penseurs.
Un seul regard, une seule manière de penser, une seule manière de voir la vie.
Souvent, être à sûre à 100% que son mode de vie est le « bon mode de vie » revient à juger les autres. Sur ce point non plus je ne suis pas autant une libre-penseuse que tu le crois. J’ai une opinion sur tout et sur tout le monde. La fille folle qui ne mange rien au déjeuner quand je me goinfre de pain et de beurre. Celui qui est encore dehors, saoul à 5h du matin. Ce mec qui passe des heures à la salle de sport.
Mais au fur et à mesure que j’enlève les couches, mes opinions s’adoucissent, elles ressemblent de plus en plus à de la curiosité. J’essaye de comprendre le parcours de chacun, comment ils en sont arrivés là. J’essaie de voir ce qu’ils pourraient m’apprendre. C’est peut-être quelque chose que je ne voudrais pas utiliser aujourd’hui mais un jour pourquoi pas, qui sait ?
Tu vois, plus je suis moi-même et plus j’apprécie les autres et les choix qu’ils ont fait pour eux-mêmes.
C’est probable parce que, en écoutant son cœur et en décevant des gens, on comprend à quel point il est douloureux de perdre le respect de quelqu’un.
Souvent, on comprend aussi que le jugement est né de projections et de frustrations.
Et, très souvent, on souhaiterait simplement que tout le monde veuille la même chose que nous. Parce que ça nous conforte dans nos propres choix.
Mais ce n’est pas le seul moyen de mener une vie intéressante. Et le SEUL bon moyen est celui qui nous semble bon.
C’est ça la magie de la vie pour moi.
Plus il y a de mouvement, d’évolution permanente, plus il y a de différences, de points de vues, de voix, de « choses qu’on ne comprend pas », d’expériences, plus la vie devient radieuse, fascinante et belle. Plus nous nous donnons le droit d’être quelque chose un jour et de devenir quelque chose de différent le lendemain, plus nous laissons la vie vibrer en nous.
C’est ce que je veux te dire : OUI, amuse-toi. Passe autant de temps que tu veux sur Instagram, ne fais pas de détox si cela ne te tente pas. Aucune détox de rien. Sois-toi même. Comme tu l’as si bien dit, laisse-toi vivre !
Ou, en d’autres mots, laisse-toi vivre suivant « ce qu’est ta vision de la vie ».
Et ne sois pas déçue parce que quelqu’un a changé ou parce que d’autres agissent ou pensent différemment de toi. Apprend de leur expérience et respecte-la – de la même manière que tu apprends de tes propres expériences, en y attachant de l’importance, et que tu les laisses te changer.
Peut-être qu’après plusieurs mois à passer autant de temps sur Instagram que tu le souhaites, tu m’enverras un mail disant : j’ai tout arrêté, je n’en pouvais plus !!! Ou peut-être que tu seras devenue une influenceuse mondialement célèbre.
Qui sait ? Pas moi en tout cas. En attendant, fais ce qui te plaît et fais-moi confiance. Même si nous n’en sommes pas au même point, nous pouvons toutes les deux être, ou au moins essayer d’être, des esprits libres, heureux et déchaînés.
Je t’embrasse,
G
Super post ! Connaissez vous le podcast « Change ma vie » ? votre post me fait penser à l’épisode « le manuel ».
So beautifully said! Love your thoughts and insights – thank you for sharing yourself with us so deeply. xo
Garance, your answer is so interesting and considered. There is a balance to everything–the person who parties all night, sleeps all day and never exercises is one extreme, but the guy who spends hours upon hours at the gym is another extreme. When I was a volunteer in Africa, I would go jogging, and people thought I was completely bonkers–who NEEDS to exercise? Living in a world where it was hard to get enough calories, they could not imagine a world where people would run for no reason at all, to avoid becoming fat! Yet, I can see the effects: I have two neighbors, the same age (75). One does long hikes in the mountains several times a week and goes to the gym; the other is on death’s doorstep with diabetes. I prefer to be like the one who hikes and is in fantastic shape.
Wonderfully written response to this question. Saving and re-sending! It sums up how I feel about my life and interaction with others. The goal or objective would be to find what is right for you and run with it.
Quel bel article, très intérestant et bien écris. La question de la liberté et du conformisme est vraiment délicate, comme tu le dis parfois être « rebelle » n’est rien de plus que de se conformer à un groupe social comme un autre. Pour ma part, j’ai du mal à croire à la liberté. Toutes nos pensées, qu’on le veuille ou non, sont sous l’influence du milieu dans lequel on évolue et de notre éducation, des gens que l’on côtoie, de nos intérêts. Chercher la liberté me semble illusoire, et peut-être que la quête du bonheur, le besoin d’être soi-même -but ultime de nombre de personnes- ne devrait pas dépendre de cette liberté, mais de faire la paix avec cette idée et d’assumer ses choix :)
Cécile
Chère Garance,
Je l’avoue, ces derniers temps j’ai pris de la distance car les 80-20 sont devenus 20-80. Toutefois, je reviens toujours de temps en temps car les 20 me manquent et je sais que j’y trouverai quelque chose qui me parlera. A peu de choses près nous avons le même âge toi et moi, et tes prises de paroles rejoignent souvent mon propre cheminement.
Celle que je viens de lire me perturbe au plus haut point, et j’ai du griffonner sur un papier et réfléchir au sens de certaines de tes phrases, non pas car mal écrites mais car très profondes et révélatrices de blessures internes.
Je n’ai jamais été jalouse ni envieuse de personne, je ne suis jamais dans le jugement, mais je dois le reconnaître : je t’envie.
Je t’envie d’avoir réussi à devenir l’héroïne de ta propre vie (« suivre son propre chemin est beaucoup héroïque que de… »)
Je t’envie d’avoir réussi à passer outre les « tu as changé » même si comme tu le dis, c’est douloureux
Je t’envie d’avoir réussi à mettre des mots sur « nous sommes conditionnés par les parents, par… etc » et d’avoir réussi à t’en éloigner (sans, je le suppose, les rayer de ta vie)
Je t’envie surtout d’avoir réussi à partir.
Tout ça j’en suis consciente, tout ça je l’ai assimilé, et pourtant je reste coincée dans ce carcan que j’appelle ma prison.
Je viens de lire un livre qui s’appelle « Le courage de partir », je l’ai refermé en me disant « ça y est tu as enfin compris, tu es prête », et pourtant je suis encore là.
Influencée par le regard et les allusions désapprobateurs de ma mère, par la peur de l’inconnu, de l’après.
Et pourtant dieu sait que je l’ai été aussi, rebelle, forte, même si comme toi je me marre en y pensant, et pourtant je vois les mois, années défiler et j’ai peur.
Peur de laisser filer le temps et de regretter un jour de ne pas avoir pu/su partir.
Merci sincèrement pour ce billet qui ne m’était pas adressé mais qui me touche profondément.
Demain je serai toujours dans ma prison, dont je possède pourtant les clés je le sais, comme j’imagine que je me complais dans l’idée que je possède la clé de toutes les cellules sauf de la porte qui mène vers l’extérieur, mais imaginer le ciel bleu derrière cette porte est déjà merveilleux.
Bon dimanche Garance
This article was beautiful and uplifting. I’m happy I read it and I hope others find it moving as well.
Garance, this is pure poetry. I enjoyed reading this so much. You truly speak to my heart with these words and have affirmed that I am on the right path because it’s *my* path. Thank you for sharing this well written piece. You are so humble and it shows in this post.
Best,
Another Free Spirit <3
Wonderful piece Garance. Thank you! So true that one of the benefits of aging is that we stop equating freedom with lack of conscience, discipline or consideration for ourselves and others. We also let go of the stereotypical and superficial marks of what constitutes a « free spirit ». The Hollywood definition can become too confining as we gain life experience. We take the time to consider ourselves, what we really want and matters. What others think is really not important in the long run. Yes, this means spending a decent amount of time by ourselves, listening to our voice. For me, the ultimate lack of freedom has become doing things because we either think we « should » (oh what a dreadful word!) do or saying we can’t help but do them and then feeling bad as we try to justify ourselves.
The other beautiful thing about aging has been learning that real friends and accomplices, those that remain steady throughout our long, sometimes wobbly years, never say « You have changed. » Such valuable friends know you well enough to know that changes are part of this ride called life. In fact, they enjoy it along with you. As one such dear, lifelong friend wrote me on my last birthday « 47? But we were just 14! » Exactly.
C’est fou comme ta réponse m’a donné envie de t’écrire à mon tour.
Il n’y a pas à dire, tu es au blog ce que Beyoncé est à la musique.
VIVE QUEEN G.
Bravo!
As a “somewhat” French speaker, I realize how hard languages are to learn to speak and use in conversation, but your use of the English language is simply beautiful and elegant.
As a former English teacher, I love clinging to the way you’ve attached the words together. Your writing is simply amazing.
Ohhh.. This is so beautiful, Garance! I will probably re-read this a couple more times to serve as a guide. Thank you so much for expressing your thoughts!
You nailed it with this, Garance. I’m nearly 41 and shedding parental, peer and societal conditioning just started for me 5 years ago. I didn’t wake up to my life, life period, until just before I turned 30 years old. I’m in a transitional period right now, the fourth one in as many years, facing the decision to do « what makes sense » (based on conditioning) and knowing it’s not what I want really want, versus doing something totally different that will appear on the surface to most people to be irresponsible or reckless.
It’s so hard. Especially having no idea what’s next. I’m grateful to have come across this post, seemingly by chance, from clicking the link in your Instagram bio today. I never come to the website this way. I’ve been following it for years. I missed this post. I read it and cried, which was a much-needed release and my response to a truth that touched me so close to home through your words.
It was the image of you walking through a field of olive trees and lavender in Aix-En-Provence that you posted on Instagram that triggered an emotional response in me. I viewed the image from my laptop. I was trying to get to the stories you mentioned in the post so I could see more. Instead, I got to the link in your bio that brought me here.
Thank you!