Ezra Petronio: Content Matters
6 years ago by
J’ai toujours admiré Ezra Petronio. C’est certainement l’un des premiers à m’avoir influencée, quand j’avais 20 ans et que je découvrais les photos de Self Service magazine, qu’il avait créé avec sa compagne de l’époque Suzanne Koller. J’étais une ado des années 90, profondément marquée par le vent de liberté qui soufflait sur la mode, la rébellion poétique et le cœur de toute une génération qu’on sentait battre dans ces pages. Depuis, Ezra est devenu l’un des directeurs artistiques les plus importants de sa génération, qui contribue à forger l’image de marques qui ont aussi façonné mon regard, de Prada à Chloé en passant par Zara. J’aime la vivacité, la franchise et le charisme d’Ezra, qui a en plus une curiosité que je retrouve chez tous les visionnaires.
Aujourd’hui, on est dans son appartement parisien, pour échanger sur les aléas du processus créatif, son travail avec les plus grands et l’univers de la mode aujourd’hui. J’espère comme moi que vous aimerez la voix et la personnalité d’Ezra.
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A propos de ce qu’il fait…
Je dirais que je suis avant tout directeur artistique, directeur de la création/graphiste. Je travaille sur plusieurs supports. C’est mon activité principale, que j’ai étudiée à la Parsons School of Design. Ma seconde activité, c’est la création de Self Service Magazine dont je suis le directeur artistique et le rédacteur en chef, c’est un travail que je fais par amour, c’est mon deuxième bébé, un magazine indépendant. Je suis aussi photographe, ce qui est une nouvelle carrière. Pour aller de l’avant, on a aussi créé une autre entreprise appelée Content Matters, du story-telling numérique qui nous permet de produire différents types de contenu. C’est quelque chose qui évolue.
Ce qu’ils voulaient que Self-Service soit au début…
On voulait définir les jeunes pousses de la création à Paris. A l’époque, Paris n’était pas du tout ce que c’est aujourd’hui. C’était à l’ancienne, très conservateur, donc on a vécu une période très agréable. Purple venait d’être lancé, comme Dazed & Confused à Londres. Quand on a commencé, c’était avant l’Eurostar, avant Internet, on avait une manière complètement différente d’aborder la culture. Je ne me souviens même plus de l’époque où on avait des fax, et quand on voulait trouver un magazine étranger, il fallait vraiment se donner du mal pour mettre la main dessus.
Sur l’évolution de Self Service…
On est peu à peu devenus un magazine de mode, tout en gardant un œil sur les arts créatifs. Si on se limite à une seule discipline, on finit par perdre toute modestie, croire qu’on est le centre de l’univers, donc c’est bien de pouvoir donner la parole à d’autres esprits créatifs car la créativité est partout.
Comment les choses ont changé depuis ses débuts…
Ce qui a vraiment changé aujourd’hui, c’est la notion de rythme, de temps. Quand j’étais jeune dans les années 90, on passait plus de temps à apprendre des choses, on n’était pas obligé de se mettre à travailler tout de suite. Le rythme était différent, les gens avaient le temps.
Sur l’influence de la mode…
Je crois que le rôle de la mode, c’est d’être un terrain de jeux pour s’exprimer et refléter la société, dans ses aspects les meilleurs et les moins bons. Il y a du positif et du négatif dans la mode, mais c’est un reflet assez fidèle de ce qui se passe.
Ce que Rei Kawakubo lui a appris…
Une fois, alors qu’on créait une invitation à son défilé, on a reçu un fax d’elle à 4 h du matin, heure de Tokyo, qui disait : « Je valide, mais que le RSVP fasse 0,5 point de plus. » Tout est dans les détails, et dans la perfection, la moindre petite chose compte !
Rester fidèle à son intégrité…
Je pense sincèrement qu’il faut respecter son intégrité. Tout peut changer, les supports : aujourd’hui, on travaille en réalité augmentée, avant on n’avait pas d’ordinateurs. Quel que soit le support, il ne faut pas renoncer à chercher la perfection et l’excellence.
A propos du luxe et de l’authenticité…
On peut acheter du luxe, mais l’authenticité ça se bâtit avec le temps. L’authenticité, c’est ce que tout le monde recherche. Mais il faut du temps.
The Story of the Face: The Magazine that Changed Culture – Paul Gorman
Irving Penn
Azzedine Alaïa
Gauthier Gallet
Self Service est un magazine de mode et culture biannuel, édité à Paris. Pour vous tenir au courant, suivez-les sur les réseaux sociaux ici et là.
Passionnant ! Quel enthousiasme sans cesse renouvelé, un fleuve qui ne tarit pas et donne une énergie très réconfortante. J’ai aimé soudain son silence, quand il cherche les réponses à tes questions. Une découverte bienfaisante. Merci à vous deux !
Print. Sigh. I miss it. The Internet is nice, but there’s so much chaff before you get to the wheat. Ezra came at just the right moment. I wonder whether he would have been drowned out had he started now.
Great interview. Thank you for putting this content out there :)