Eric Ripert: The Fire Inside
5 years ago by
Eric Ripert est une superstar qui mène une vie simple. Un chef internationalement connu, sans empire. Un homme occupé qui, après beaucoup de réflexion et sa découverte du Bouddhisme, s’est transformé de “monstre en cuisine” (son expression) en quelqu’un qui cherche sincèrement à créer un environnement où les gens qui l’entourent peuvent s’épanouir et être heureux.
J’ai rencontré Eric dans son restaurant triplement étoilé au Michelin, Le Bernardin à New York, et on peut immédiatement percevoir son énergie positive et son humilité.
Évidemment, je voulais comme d’habitude parler de la vie, de l’amour, du destin et, dans son cas, de cuisine, du fait de réussir et d’ensuite réussir à rester petit. Il est clair qu’il n’est pas motivé par la célébrité et l’argent, mais plutôt par quelque chose de profond qui est présent depuis le début – un amour profond de la nourriture.
Eric est chaleureux et il parle ouvertement de la manière dont le Bouddhisme l’a aidé à devenir l’homme et le chef qu’il est aujourd’hui. J’étais si intriguée par son histoire, si passionnée que j’ai complètement oublié de lui poser mes habituelles questions-réponses à la fin !
Sur les débuts de son éducation…
Je n’aimais pas trop le système scolaire. Je ne comprenais pas sa logique. Par exemple, en mathématiques, pourquoi faut-il étudier des problèmes comme celui du train qui quitte Paris à 5:05 et du train qui quitte Lyon à 4:37, sachant que l’un roule à 55 km/h et l’autre à 110 km/h, pour finir par trouver où ils se croisent. Pourquoi ai-je besoin de savoir ça ?? C’est là que j’ai commencé à me perdre… Il y avait beaucoup de sujets qui ne me semblaient pas très intéressants mais j’adorais manger et la nuit, au lieu d’étudier, je regardais les livres de cuisine de Paul Bocuse.
Sur sa découverte de la bonne nourriture très jeune…
Il y avait une nappe, une disposition et une vaisselle différentes pour le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. Nous avions des hors-d’œuvre, un plat principal, du fromage et un dessert qui changeaient entre le déjeuner et le dîner, et ça, chaque jour de la semaine. Ma mère était une femme occupée par son entreprise mais elle se réveillait chaque matin à 5h pour préparer des plats délicieux pour la famille, et je pensais que tout le monde avait la même expérience sur la planète !
Sur le besoin d’aimer ce domaine…
Notre domaine n’est pas le bon si vous voulez être riche et célèbre. Il y a bien sûr quelques exceptions, mais ce n’est pas ce qui me motive. Il faut aimer cuisiner, la nourriture, l’artisanat et l’hospitalité. Il faut vraiment les aimer beaucoup parce que c’est très difficile, tout particulièrement au début, quand on commence dans une cuisine. C’est un monde très inhospitalier – c’est humide, chaud, glissant, avec des objets coupants partout, c’est étroit et ce n’est pas facile. Mais la passion en moi m’a poussé à entrer dans une cuisine, à travailler dur et à être fort.
Sur sa brutale prise de conscience en arrivant aux États-Unis…
Je pensais que je sortais d’une des meilleures cuisines de France, j’avais Joël Robuchon, considéré comme un dieu dans notre pays, pour mentor. Et je pensais que l’Amérique avait besoin de moi ! J’étais un sauveur !
Sur la différence entre l’apprentissage dans les cuisines française et américaine…
En France, on pense que l’humiliation va créer des champions. Et en Amérique, c’est souvent le renforcement positif donc ça donne : “Oh, c’est la troisième fois que tu brûles le poisson, mais ne t’en fais pas, ça va aller !” Okay, j’exagère et c’est presque caricatural mais ce sont deux attitudes différentes qui ont chacune leurs défauts et leurs qualités.
Sur le fait d’être un jeune chef en colère…
En cuisine, j’étais un monstre. Je piquais des colères et lançais des assiettes au sol, je criais contre les cuisiniers. Je croyais que c’était la bonne manière de faire. Mais ensuite, je me suis rendu compte que j’étais très malheureux dans ma vie, les cuisiniers étaient malheureux parce qu’ils partaient, les serveurs ne voulaient même pas entrer dans la cuisine. J’ai réalisé que c’était une grande faiblesse de penser que la colère était une bonne chose.
Sur le fait de se rendre compte qu’il avait la liberté de créer en cuisine…
En France, j’ai appris la rigueur, la discipline, la technique et bien d’autres qualités nécessaires pour un cuisinier, mais je n’étais pas dans la position d’être créatif. Je me contentais de reproduire. Quand je suis arrivé aux Etats-Unis, Jean-Louis m’a dit : “Tu sais, tu es un robot. En gros, tu fais tout ce que je te dis de faire mais j’en attends plus de ta part. Avec moi, tu as la possibilité de créer, et il va évidemment falloir que tu me le montres d’abord, mais je veux vraiment que tu t’exprimes.”
Sur le fait de savoir qu’accepter le job au Bernardin était lourd de sens...
Après de nombreuses conversations, j’ai décidé de prendre ce poste. C’était en 1991, le 10 juin à 7h40 du matin. J’ai regardé ma montre et je me suis dit qu’il y avait quelque chose d’unique là, et je ne savais pas ce que c’était mais cet instant était très, très différent, donc autant regarder l’heure parce que j’allais m’en souvenir toute ma vie. Et j’avais raison parce que nous sommes en 2019 et je suis toujours là ! Et Le Bernardin a été très bon pour moi.
Sur son désir de faire de son restaurant un endroit où les gens peuvent s’épanouir…
J’ai travaillé très dur pour faire du Bernardin un environnement où les gens peuvent prospérer et s’épanouir, avec une énergie très positive dans la cuisine et dans la salle à manger. Il n’y a pas de guerre entre la cuisine et la salle à manger. Je pense sincèrement qu’un cuisinier qui tremble ne peut pas faire un aussi bon travail qu’une personne inspirée par son leader et les sous-chefs.
Sur l’étrange manière dont il a découvert le Bouddhisme…
Quand j’ai quitté la France, je me suis retrouvé à l’aéroport et j’hésitais entre prendre un Playboy et un livre sur le Tibet ! Le livre était en vente au même prix que le Playboy, et après de multiples revirements, j’ai fini par acheter le livre. Je l’ai lu dans l’avion et je me suis pris d’un grand intérêt pour la culture tibétaine, et j’ai ensuite demandé à ma mère de m’envoyer des livres en français sur le Bouddhisme et le Tibet.
Sur la façon dont le Bouddhisme l’a changé…
Ça a changé ma façon de voir la vie, et la manière dont j’agis dans la vie. C’est une influence très positive pour moi… Ça m’a aidé à interagir avec les gens, à être une meilleure personne par rapport à mon équipe, ma communauté, nos clients, ma famille, et tous ceux qui m’entourent. J’essaie de rester aussi humble que possible. Mais toutes ces qualités, qui viennent pour moi de l’influence du Bouddhisme, elles pourraient aussi venir de la religion juive, chrétienne, musulmane ou hindoue, ça n’a pas d’importance. Je crois que c’est une façon d’être universelle. C’est un certain compas moral que nous avons tous, et pour certaines personnes, qui ont besoin d’être plus guidées que d’autres, cela vient de différentes sources, et certaines personnes n’en ont pas forcément besoin.
Sur le fait d’être satisfait…
A un certain moment, il faut trouver un niveau de satisfaction. Honnêtement, je me sens chanceux. J’ai une belle famille, j’ai une équipe formidable qui m’entoure, une très belle vie. Oui je travaille, mais c’est ma passion. J’essaie de trouver un équilibre dans cette vie qui me rende heureux, et qui potentiellement, rende les gens qui m’entourent heureux.
Antibes, France
Joël Robuchon
City Harvest
La Tour d’Argent
Tibet House
Un grand merci à l’équipe du Bernardin qui nous a accueillis dans le restaurant. N’oubliez pas de rester connecté pour les dernières nouvelles d’Eric au Bernardin et à City Harvest !
D’où viennent tes baskets !!!! :-) Super interview. Merci !
So lovely to see you, Garance, AND Eric Ripert! A very interesting interview – thank you.
Yes – a very interesting interiew! He doesn’t seem like your typical celebrity chef. Loved the bits about his childhood, French vs American teaching, and his path to Buddhism.
Voilà moi aussi j’ai regardé l’heure et il était 5h59. Comme chaque matin, je commence ma journée en vous lisant, en m’inspirant. Mais je ne pensais pas sentir mes larmes coulées de si bon matin. Mais voilà.
Réussir à devenir une meilleure version de soi-même, se sentir guidé spirituellement m’émeut particulièrement. Sans doute une résonance…
Merci pour cette interview et pour toute l’inspiration que vous nous donnez.
Caroline.
Hi Garance and Atelier Doré –
I had to come back to this post for not just bringing Eric Ripert to us but continuing the conversation about his dear friend, Anthony Bourdain, mental health, the importance of taking care of ourselves whether it be a peaceful walk in the park or Buddhism,… and how we can choose to impact those around us in a positive way.
PS – So glad he picked up the book on Tibet! xo
I can’t wait to listen to this interview! I have followed Eric Ripert’s work for many years and even saw him and Bourdain on stage during their U.S Tour. Eric is grounded and zen, but at the same time focused and extremely successful. It is inspiring! I finally dined at Le Bernardin years ago and it was, by far, the best meal of my life.
I could feel joy emanating from his voice and words – it touched me so much as I realized how I am indeed so fortunate to be where I am. Thank you for bringing out this beautiful interview.
Chef Ripert is one of my favorites so representative of what a man, innovator and professional should be. Do you know what branch of Buddhism he follows? Thank you so much!
Garance,
Love Eric, love the article & interview, love Le Bernardin and love your runners (whose?).
Thank You.
Caroline O.
carolineaosborne@hotmail.com
Thank you so much for this interview, I really loved it. Your interviewing style is so down-to-earth and relatable, and everything that Eric said was at the same time huge, but the way he says it, so simple. I was very inspired and could have listened to him for another 45 minutes! Thank you!!
Loved this article! And your trainers where are they from?