Career / Elizabeth Roberts
5 years ago by
En tant que fille de maître d’oeuvre, j’ai toujours été fascinée par le processus de construction ou de rénovation d’espaces. La précision réfléchie qu’implique chaque décision, le dur labeur qui suit puis la beauté du projet achevé.
Ça ne vous surprendra donc pas d’apprendre que j’ai une légère obsession pour les bâtiments et les espaces de New York – plus particulièrement les magnifiques maisons de briques rouges de Brooklyn, ou les boutiques hors du commun. Quand une amie m’a présenté à l’architecte Elizabeth Roberts pour cette interview, j’étais déjà une immense fan de son travail.
Elizabeth est désormais connue – principalement dans mon quartier, mais aussi dans le monde entier – comme l’architecte incontournable pour allier tradition et modernité dans des espaces majestueux, notamment les célèbres maisons de briques rouges. Ses projets – parmi lesquels des maisons et espaces pour Maggie Gyllenhaal, Rachel Comey, Athena Calderone, Daria Werbowy, Ulla Johnson (pour n’en citer que quelques-unes) – se retrouvent sur de nombreux boards Pinterest : un véritable appel au rêve tout en gardant les pieds sur terre, les qualités pratiques n’étant pas oubliées. Ils sont régulièrement présentés dans les pages (et sur la couverture) des revues Architectural Digest et Remodelista.
Mais au-delà de ses compétences d’architecte, Elizabeth est aussi une femme de principes possédant sa propre entreprise dans un secteur largement dominé par les hommes. Aujourd’hui, je suis ravie de vous présenter cette architecte, designeuse, femme d’affaires, épouse et mère. Voici Elizabeth !
Emily: Quel métier rêvais-tu de faire quand tu étais enfant
Elizabeth: Pilote. Au cours d’un voyage en avion avec ma famille, j’ai réalisé que je n’avais jamais entendu parler de femme pilote.
Mais architecte est venu assez tôt – encore une idée d’empouvoirement féminin. La meilleure amie de ma mère était une hippie vraiment géniale, une femme de caractère. Elle avait trois filles et elles conduisaient toutes des Coccinelles. Je lui avais confié que je voulais peut-être être architecte et elle m’avait répondu qu’être architecte, ce serait fantastique pour une femme – un métier fantastique pour une femme. Ça m’a donné de la force et je me suis mise à y penser encore plus.
Plus tard, j’ai dit à ma mère que je voulais faire une prépa médecine, comme le reste de ma famille. Je m’attendais à ce qu’elle soit enthousiaste et elle m’a dit : « Je ne sais pas, je crois que ce serait mieux si tu faisais quelque chose en rapport avec ton côté créatif. » C’est un accompagnement féminin et maternel qui m’a menée à ce métier de rêve.
Tu as grandi dans le comté de Marin, en Californie. C’est une région réputée pour certains types d’architecture. Tu avais déjà du goût pour les bâtiments et les espaces dans ton enfance, en particulier dans cette région ? D’où t’est venu cet intérêt ?
Je possédais certainement une sensibilité à l’espace. Ma mère vivait dans une ville du comté qui était très ensoleillée et lumineuse, San Rafael. Mon père vivait plus près de San Francisco, à Mill Valley. Je passais la moitié de mon temps chez ma mère et l’autre, chez mon père. J’ai le souvenir d’un air et d’une lumière très différents dans la maison moderne de ma mère. Mon père avait un cottage entouré de séquoias, c’était une impression complètement différente. Vivre dans ces deux maisons très différentes m’a vraiment fait découvrir à quel point je pouvais me sentir différente dans ces lieux différents, dans ces lumières différentes et dans ces climats différents.
Et puis je pense que c’est l’environnement extérieur qui m’a guidée vers ça. J’ai passé tellement de temps à l’extérieur – que ce soit dans la forêt de séquoias avec ses odeurs d’humus et son ombre, ou au sommet du Mont Tam, à contempler le soleil et la mer bleue. Les allers-retours entre ces deux environnements différents y ont contribué en partie.
Tu as fréquenté l’Université de Californie à Berkeley pour ta licence. Et tu as mentionné que tu pensais faire une prépa médecine, mais est-ce que tu as fini par étudier l’architecture ?
Finalement, c’est ce que j’ai fait, oui. Avant d’aller à Berkeley, j’ai fait mes deux premières années à l’Université de Californie de San Diego, qui est une grosse fac de sciences, et puis j’ai demandé mon transfert.
Après mes deux premières années de fac, j’ai eu une conversation avec ma mère au sujet de la prépa médecine et de sa déception. Et j’ai eu une conversation avec mon père, je lui ai dit : « Je ne sais pas quoi faire. Je pourrais faire ça, ou bien ça… » Mon père m’a répondu : « C’est comme quand tu es chez un marchand de glaces. Tous les parfums sont bons. Tu dois juste te décider. »
L’université avait une antenne à Paris et j’ai fait un semestre là-bas, à étudier les beaux-arts. Et puis je suis rentrée et j’ai travaillé dans un cabinet d’architecture à San Francisco. Travailler dans ce bureau, ça a été une vraie révélation pour moi. Je savais que je venais de trouver ma profession. Il y avait de la lumière et les gens avaient des crayons de couleur et aimaient leur travail. Dans ces conditions, c’était facile et agréable d’imaginer faire carrière dans ce métier.
Après t’être décidée pour l’architecture en général, comment t’es-tu perfectionnée dans un style d’architecture plus spécifique?
J’ai fait le choix délibéré de travailler sur les bâtiments anciens et les bâtiments historiques. C’est une part très importante de ma pratique, c’est ma passion.
J’ai été encouragée par un professeur de licence à Berkeley. A 21 ans, j’ai passé un été sur un site archéologique en Grèce. A mon retour, j’ai beaucoup étudié l’histoire et le classicisme – je suis devenue bien plus intéressée par l’histoire que ne l’étaient beaucoup d’étudiants en architecture à cette époque. Ce qu’on enseignait aux étudiants en architecture, c’était ce qui se passait au moment présent, la technologie et les techniques de construction.
Pour ma maîtrise, j’ai décidé de me consacrer aux bâtiments anciens. J’ai étudié la Préservation du Patrimoine Architectural à l’Université Columbia, avec une spécialisation en design. Il y avait des recoupements avec le programme d’architecture et nous avons passé beaucoup de temps à étudier comment compléter et modifier des bâtiments anciens. J’ai adoré la juxtaposition d’ancien et de moderne…
Quand tu étais à Columbia, tu faisais des stages en même temps ou tu travaillais en ville ?
Oui. J’ai travaillé pour un gros cabinet à Manhattan, Beyer Blinder Belle. C’était l’un des choix évidents pour moi – ils travaillaient sur les bâtiments anciens mais également sur des projets de grande envergure qui relevaient aussi du domaine de la pure architecture. En tant qu’étudiante, j’ai pu travailler sur le Pont de Williamsburg et monter sur l’échafaudage, marcher sur les piliers en pierre et contrôler leur état. J’ai travaillé dans une grosse équipe sur la restauration de la Grand Central Station. J’ai travaillé sur la Riverdale Country School… des ouvrages new-yorkais importants, c’était très intéressant. Et j’ai continué là-bas après mon diplôme.
J’ai travaillé à San Francisco pour une architecte qui s’appelait Alice Carey. Elle est décédée il y a une dizaine d’années, mais c’était un modèle formidable. Elle a travaillé des deux côtés : dans le design, l’architecture moderne, et dans la préservation du patrimoine architectural. Quand j’étais là-bas, j’ai travaillé sur le City Hall de San Francisco. C’était vraiment un très bon moyen pour comprendre des bâtiments extraordinaires et pour découvrir une ville.
Pourquoi es-tu retournée en Californie ?
J’ai commencé le programme de deux ans à Columbia et à la fin de la première année, je n’étais pas convaincue que c’était ce qu’il me fallait. Dans cette formation, j’avais l’impression d’avoir en quelque sorte quitté l’architecture. Alors j’ai pris une année sabbatique. Je suis retournée à San Francisco, j’ai passé du temps avec ma famille à Sausalito, et j’ai travaillé.
Là-bas, j’ai trouvé une idée pour un projet de thèse – et c’est vraiment ce sur quoi portait la deuxième année du programme de Columbia. J’ai trouvé un bâtiment en Bretagne, en France. Une école souhaitait l’acquérir et le transformer en école d’art. Alors, après mon année sabbatique, je suis retournée à Columbia et j’ai dit : « Voilà ce que je veux faire. » Heureusement, ils étaient ouverts à mes idées. Ça a été une bonne expérience.
Il y a tellement de pression, les gens ont l’impression qu’ils doivent fonctionner selon des calendriers qui leur sont imposés. Mais c’est important de prendre le temps et de se laisser une marge de manœuvre pour déterminer son projet. Surtout quand on est jeune, c’est difficile de savoir ce qui nous conviendra !
Avec le recul, j’arrive à comprendre des schémas récurrents dans ma vie. J’ai tendance à prendre beaucoup de décisions moi-même. Je pars à New York ! Ou bien : je ne retourne pas à la fac ! Et je suis heureuse d’avoir fait ces choses-là.
Après ton diplôme, tu as travaillé avec plusieurs cabinets différents avant de te lancer toute seule ?
Oui. J’étais chez Beyer Blinder Belle, ça a été une expérience formidable. C’était un très gros cabinet avec de très gros projets. J’ai travaillé sur les toilettes de la Grand Central Station pendant très longtemps.
Je me souviens d’une conversation téléphonique avec ma belle-mère. Elle me disait : « Elizabeth, le parquet de la maison, on voudrait le remettre en état. Qu’est-ce qu’on devrait utiliser ? » Et je n’en avais pas la moindre idée. Parce que j’étudiais ces toilettes depuis si longtemps et que j’étais juste allée à l’école. Alors, j’ai décidé que j’avais besoin d’acquérir une expérience pratique.
J’ai quitté ce poste sans savoir ce que j’allais faire. Je me suis dit que j’allais travailler dans la fabrication de métaux. Ensuite, j’ai travaillé en indépendante et au final, ça a été une très belle expérience. Je n’avais pas prévu de travailler seule en architecture, mais ce projet a mené à un autre projet…
Sept ou huit ans plus tard, j’ai accepté un poste à temps plein, parce que je pensais que j’avais encore beaucoup à apprendre. J’ai travaillé pour un petit cabinet à New York. Après un an et demi, j’ai réalisé que je voulais vraiment me consacrer à des projets qui avait du sens pour moi. Au final, ça a été une belle expérience parce que, après ça, j’étais certaine de vouloir travailler seule.
Ça a aussi été un sacré boost pour mon ego parce qu’ils m’ont proposé de devenir associée et j’ai refusé ! Mais je suis partie en étant vraiment convaincue que j’y arriverai seule et que je ne reviendrai pas en arrière.
Tu t’es lancée seule, dans des projets indépendants, comment ces premiers clients sont-ils arrivés ? D’où sont venus ces premiers contrats ?
Le premier projet indépendant que j’ai réalisé, c’était pour Sheryl Crow. Un de mes amis la connaissait et il était certain que ça fonctionnerait parce que je l’avais un peu aidé avec sa maison. J’ai accepté parce que c’était elle et que j’étais sûre qu’elle serait capable de payer pour ce qu’elle voulait faire. Je ne sais pas pourquoi elle m’a engagée mais je suis ravie qu’elle l’ait fait !
C’était angoissant ?
Oh oui, ça l’était. Ça l’était vraiment.
Les premiers projets sont vraiment venus d’amis d’amis. Mes tarifs étaient incroyablement bas et je travaillais depuis ma chambre. Les amis ont constitué une part importante de ma clientèle au début, les premières pages de mon portfolio.
Je suis reconnaissante pour ces projets et envers ces amis. J’ai depuis appris pourquoi les gens conseillent de ne pas mélanger business et amitié – j’imagine que c’est possible quand on a le choix, mais à cette époque, je ne l’avais pas.
En développant ta pratique, ça s’est révélé être plus que de l’architecture. Tu as appris comment fixer tes honoraires, comment monter ton business. Comment ces apprentissages sont-ils venus à toi ?
On n’apprend pas ça à l’école d’architecture !
D’abord, c’est se renseigner auprès de beaucoup d’amis et de patrons, qui ont été très généreux avec moi et m’ont vraiment donné beaucoup d’informations. C’est aussi quelque chose que j’essaye de transmettre aux gens qui travaillent avec moi.
Depuis peu, en passant d’un cabinet de quatre personnes à six personnes, puis à vingt-deux personnes en cinq ans, j’ai trouvé quelques stratèges et consultants.
La première personne que j’ai rencontrée était un homme merveilleux qui avait été architecte à New York pendant toute sa carrière. Après avoir assisté à un cours de team building, il a réalisé qu’il aimait vraiment coacher et créer des équipes. Il a observé ma pratique, étudié nos contrats, regardé mes plans, et nous a donné de très bons conseils. Et pas seulement sur les plans ou ce que je facturais : il m’a aussi aidée à comprendre dans quel domaine j’étais bonne, il a écouté ce que je voulais faire et m’a donné des conseils sur ce que j’avais besoin d’améliorer pour faire ces choses.
C’était il y a six ans. C’est grâce à lui et à notre travail en commun que j’ai quitté mon bureau à domicile et qu’on est passés de six employés à vingt-deux désormais.
Mon travail ne se limite plus à de longues journées de travail acharné. Désormais, je travaille aussi sur différents types de projets avec plein de gens différents et je m’occupe d’une partie délicate de ce travail : comment composer avec les clients.
Qu’est-ce qui est le plus compliqué quand on dirige un business de cette envergure, où tu t’éloignes du cœur du travail quotidien de l’architecte pour te transformer plus en manager ? Et qu’est-ce qui est le plus gratifiant selon toi ?
Restée connectée au métier, parce que c’est un type de travail très personnel et une affaire personnelle. Je n’ai aucune intention de m’appuyer sur un modèle entrepreneurial un jour. Conserver le respect et la confiance de mon équipe, c’est une grande partie de mon travail, je dois donc rester impliquée pour que ça soit naturel. Ce n’est pas un défi pour moi, c’est ce que j’aime faire.
Je suis maintenant bien soutenue dans la gestion du cabinet et dans la gestion des finances. Grâce à des mentors et des consultants, je suis constamment en train d’apprendre de quels auxiliaires j’ai besoin pour rester disponible pour le design et travailler en étroite collaboration avec mes designers et mes architectes. Plus nous réussissons à alléger mes tâches pour me permettre de me consacrer au design et de travailler avec nos clients et nos designers, mieux je me porte.
Tu es aujourd’hui connue, particulièrement à New York et à Brooklyn, comme l’architecte incontournable pour préserver les détails et le charme d’origine d’un espace, tout en le rendant moderne et habitable. Tu as travaillé sur quasiment toutes les maisons de briques rouges de Brooklyn qu’on peut trouver sur Pinterest. Comment ce type de travail, ou ce style, a-t-il pris une telle importance dans ta pratique ?
On peut faire ce qu’on veut si on s’y tient vraiment et qu’on refuse le reste, il faut juste être un peu têtue. J’ai trouvé ce qui me parlait vraiment au moment où j’y passais des heures en ne gagnant quasiment rien, assise sur mon lit. J’ai eu de la chance de trouver ce qui me correspondait vraiment, ce qui me motivait à travailler autant. C’est pour ça que je suis revenue à New York. J’aime les lieux, l’histoire.
Je me souviens avoir pris un cours de photo à la fac dans les premières années, et nous avions eu pour consigne pour un devoir de faire quelque chose ”qui avait du sens”. J’étais à San Diego et je me suis demandé ce que je pouvais bien prendre en photo à San Diego… les plages ? C’est joli San Diego mais il n’y a pas grand chose qui me semble vraiment profond ou significatif.
Les couches, la profondeur, c’est très important pour moi. Notre mode de vie à New York n’est pas celui des autres dans le pays – l’industrie, les camions poubelles, tout ça fait partie de nos vies. J’ai une vision très différente des belles choses dans ce contexte.
Quel est ton processus de travail, quand tu travailles avec un client ?
J’écoute beaucoup. J’aime me dire que nos projets se remarquent parce qu’ils sont uniques, comme nos clients. Faire quelque chose de formidable pour eux demande beaucoup de sang, de sueur et de larmes.
Nous apprenons à nous connaître mutuellement pendant le processus. Nous commençons souvent par demander à nos clients de nous montrer ce qu’ils aiment, des oeuvres d’art, du design, n’importe quoi. Et ensuite, nous ne donnons pas exactement ce qu’ils demandent à nos clients, nous essayons de lire entre les lignes et de créer quelque chose de différent et même de mieux.
Comment arrives-tu à créer un équilibre entre mettre ta personnalité et tes goûts dans un projet et faire en sorte que le client reste au centre ?
Une décoratrice d’intérieur avec qui j’avais l’habitude de travailler – elle avait été actrice – me disait : “Elizabeth, tu es l’architecte qui dit toujours oui.” C’est une technique d’improvisation. Au lieu de répondre “absolument pas” à l’idée d’un client, je suis là : “Oui, allons-y !”
On peut prendre une idée complètement folle, lui ajouter quelque chose, la mettre en valeur et faire avec des choses vraiment uniques. En général, je dis “oui” et je vois après.
En plus des projets résidentiels pour lesquels tu es connue, tu t’es aussi occupée de projets commerciaux comme les boutiques Rachel Comey et la boutique Ulla Johnson. Est-ce que ces projets impliquent une autre manière de travailler ?
J’adore les projets commerciaux. C’est vraiment quelque chose que j’aime. Il y a tellement de paramètres pour réussir à faire quelque chose de bien, particulièrement pour ces deux femmes incroyables qui n’avaient pas de locaux physiques avant.
Je veux que ça semble très personnel.
En ce moment, je m’occupe d’un restaurant à Manhattan et c’est vraiment différent, c’est marrant ! Je crois que ça devient de plus en plus fun maintenant que les gens ont davantage confiance dans ce que nous faisons. La liberté vient avec les projets commerciaux.
Nous avons vraiment hâte de parler d’hôtel, nous rêvons de travailler dans l’hôtellerie !
D’après toi, quelle est la prochaine étape pour ton entreprise ? Dans quelle direction penses-tu aller ?
Je crois que, de manière naturelle, la prochaine étape serait le monde de l’hôtellerie.
Nous avons aussi travaillé avec de petits monuments historiques de New York. Je suis très intéressée par la recherche de projets où nous pourrons travailler avec de plus grands monuments historiques, que ce soit pour les moderniser ou leur rendre leur gloire d’antan. Voilà l’ampleur que j’aimerais atteindre maintenant.
Où trouves-tu l’inspiration pour le travail que tu fais, et comment réussis-tu à rester en lien avec ta créativité tout en t’occupant de tous les aspects techniques ?
Nous proposons maintenant de l’aménagement intérieur – nous avons six designers d’intérieur et j’adore cet ajout à notre groupe.
En école d’architecture, mes amis me disaient que j’étais très bonne pour l’aménagement intérieur. J’avais l’habitude de répondre : “Non, je suis architecte.” Mais je me rends compte aujourd’hui que je n’ai pas besoin de choisir d’être l’un ou l’autre, et je trouve une vraie satisfaction à chercher un bar à installer à l’entrée d’un restaurant qui ne ressemble à aucun autre au monde. Ces recherches sont fascinantes et sympas !
Les petites explorations et les exercices de design qui se passent au bureau m’apportent un vrai plaisir. Travailler avec 22 personnes jeunes, brillantes et inspirées, ça joue un rôle essentiel dans mon travail. Beaucoup d’entre nous voyagent et nous partageons nos explorations et inspirations en groupe – c’est vraiment un environnement d’atelier. J’adore voyager, et j’adore aller dans de beaux endroits où je ne suis encore jamais allée.
New York est un endroit où on peut être tout le temps inspiré. On y joue en permanence quatre spectacles que je veux voir et que je n’ai pas vus. Mon mari est très intéressé par la musique, j’en joue (du violoncelle !), j’aime la créativité de manière générale ! Je trouve ça magique de faire quelque chose à partir de rien – on retrouve clairement ça dans la musique aussi. Cette semaine, je vais voir trois spectacles.
L’architecture est un milieu très masculin. Et tu travailles sur des chantiers avec des entrepreneurs et des ingénieurs. Est-ce que trouves que c’est un challenge ? C’est intéressant que tu aies dit que tu voulais être pilote – on voit une tendance…
Ça n’a pas été une mauvaise expérience pour moi. Je me sens très chanceuse et j’ai la responsabilité d’être une directrice. Être une boss. Je sais que les stats sont assez fous : 50% des personnes diplômées aux États-Unis sont des femmes, 20% des architectes aux États-Unis sont des femmes et seulement 17% des directeurs et associés sont des femmes.
Me forcer à quitter mon bureau pour faire des interviews comme celle-là est très important pour d’autres raisons, pour encourager les gens à passer outre ce processus difficile. Les études, les stages où on n’est pas beaucoup payés et tous les efforts pour trouver un job, avoir le droit d’exercer… c’est difficile !
Comment le fait de devenir mère a-t-il changé ta manière de travailler ?
Une de mes meilleures amies d’école d’architecture est devenue mère trois ans avant moi. Je lui ai parlé quand j’étais enceinte – je me souviens lui avoir demandé : “Et si j’ai un garçon et que je n’ai pas envie de retourner travailler ? Et si jamais j’adore trop la maternité ?” Elle me connaît très bien et elle sait à quel point j’aime ce que je fais. Elle m’a répondu : “Tu vas vouloir retourner travailler.” Et cinq semaines après la naissance de mon fils, j’ai pris un nouveau projet. Et pendant toute la grossesse/ la période après la naissance, je m’occupais de notre propre maison.
Mais en quoi est-ce que ça a changé ma manière de travailler ? Je crois que j’aime encore plus ça. C’est formidable d’être mère mais il a vraiment fallu que je trouve du temps dans ma vie pour retourner travailler, être une mère qui travaille. Je suis incroyablement dévouée à ma famille mais mon travail compte tellement pour moi que j’ai passé du temps à trouver un moyen de faire les deux. Je suis reconnaissante d’avoir pu devenir mère à un moment où j’avais déjà une carrière installée. Donc j’ai vraiment l’impression de pouvoir faire les deux. Mais c’est difficile. Vraiment.
Est-ce qu’il y a une personne en particulier qui a été un mentor important pour toi ?
J’ai rassemblé autour de moi plein de gens très intelligents qui m’aident beaucoup. Mon mari me permet clairement de continuer à rester authentique, il est bouddhiste, il médite, et c’est la personne qui a le plus les pieds sur terre de tout mon entourage. Je reviens à la maison avec la tête prête à exploser et il m’écoute. Rien qu’aujourd’hui, il a fallu que je me souvienne de ses mots : “Concentre-toi sur le fait de ne pas prendre les choses au sérieux, regarde vers l’avenir, pas le passé.” Je reçois beaucoup d’aide, de beaucoup de gens intelligents.
Quel est le meilleur conseil que tu aies reçu ? Une chose à laquelle tu penses souvent ?
Il y a longtemps, mon père m’a parlé de cette technique qui consiste à mettre les choses importantes pour soi dans une boîte. Donc voilà pour moi : famille, amitié, créativité. Et même si ça peut être plein de problèmes et de complications, je fais toujours attention à me souvenir que ce sont des choses différentes. Je donne souvent ce conseil à mon équipe en disant : “Il y a le travail, et il y a la vie perso.” Et je leur conseille de ne pas laisser les choses affecter leur vie perso.
Quel conseil voudrais-tu donner à de futurs architectes, ou à des gens qui veulent peut-être se lancer en indépendant ?
Il y a tellement de manières d’être architecte, tellement de jobs différents. Quand on sort de l’école et qu’on trouve son premier poste, il faut simplement le prendre. Mais une fois qu’on a l’expérience de vraiment réfléchir à ce qui nous plaît dans l’architecture, il faut réfléchir à ce qui nous donne envie de rester éveillé tard et de travailler toutes ces heures.
Un de mes associés (j’en ai trois en ce moment, c’est le coeur de mon équipe) m’a envoyé un mail il y a un moment. A l’époque, je n’avais que trois employés et je ne savais même pas que les gens connaissaient notre travail. Mais j’ai reçu un mail de lui qui disait : “J’ai un job à Manhattan. Et à chaque fois que je vois une photo d’un travail que j’aime, il se révèle que c’est le tien.” Je me souviens qu’il a dit : “Il y a quelque chose dans ton travail qui semble tellement sensible et naturel. Je voulais t’envoyer un message pour te dire que je t’ai sélectionnée.” J’ai gardé ce mail et dès que j’ai eu besoin d’une autre personne, je l’ai contacté.
Essayez vraiment de vous concentrer sur le fait de vous connaître vous-même et faites ce que vous aimez. Et allez-y.
De quoi rêves-tu pour le futur ?
J’ai tellement de rêves ! J’adore l’idée de travailler toute ma vie. J’espère que plus je deviendrai expérimentée, plus je vieillirai, meilleure je deviendrai dans ce que nous faisons. Et avec ça, j’ai besoin de continuer à changer les choses, continuer à apprendre, à grandir.
Je vais recommencer à travailler sur de nouveaux bâtiments. En arrivant à New York, il y avait tellement de magnifiques bâtiments sur lesquels on pouvait travailler. J’adore encore ça. Mais je suis très impatiente par rapport à nos nouveaux projets de construction. Faire quelque chose de sensible d’un point de vue écologique est important pour moi.
Voilà le rêve : continuer à travailler et à être inspirée. Venir travailler à 80 ans et être encore utile !
This is such a wonderful story of a career built on work, love, relationships, curiosity, exploration, commitment, mentoring, and talent. My career is totally different, but there are so many parallels in the process and trajectory – love the chance to learn from this. Thank you!
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Can I ask, who made the shoes Elizabeth is wearing? they are so creative.
This resonates with me!
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